HomeA la uneINVESTITURE DU PRESIDENT DE LA TRANSITION MALIENNE

INVESTITURE DU PRESIDENT DE LA TRANSITION MALIENNE


Il s’appelle Bah Ndaw. Il est le successeur désigné d’Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) au palais de Koulouba, pour une période transitoire de 18 mois, après le coup de force du 18 août dernier, conduit par le colonel Assimi Goïta et ses camarades de Kati, qui a déposé Kankélétigui, au détour d’une forte contestation populaire. Celui qui fut autrefois aide de camp du défunt président Moussa Traoré et qui prend aujourd’hui les commandes du Mali, est un septuagénaire retraité de l’armée de l’Air. Loin d’être un novice en politique, le natif de San dans la région de Ségou, a déjà fait ses armes dans des Exécutifs précédents, notamment en tant que ministre de la Défense et des Anciens combattant en 2014 sous IBK. Sa prestation de serment qui se tient ce 25 septembre dans la capitale malienne, vient fermer officiellement la parenthèse d’un feuilleton politico-militaire sur fond de pressions diplomatiques, en même temps qu’elle déclenche le compte à rebours de la transition devant aboutir au retour à l’ordre constitutionnel normal sur les rives du Djoliba.

 

En acceptant de porter la couronne d’épines de la transition, Bah N’Daw est conscient de sa délicatesse de sa mission

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’accouchement aura été quelque peu au forceps, mais les Maliens y sont parvenus quand même. Et un peu plus d’un mois après la chute du président IBK dans les conditions que l’on sait, on peut dire que le train de la transition est enfin sur les rails au Mali. Et tout porte à croire que la pression de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) aura payé. Elle qui aura très vite pris la junte militaire à la gorge par ses sanctions et qui, à défaut d’un civil BCBG (bon chic bon genre) comme elle l’aurait souhaité pour conduire la transition,  semble se satisfaire du choix de cet officier de réserve, en lieu et place de la soldatesque encore en activité, pour remettre le pays sur les rails de la démocratie.  En témoigne la présence annoncée du médiateur de la CEDEAO, l’ex-président nigérian Goodluck Jonathan, à cette prestation de serment. Une présence qui, à défaut d’un adoubement, sonne comme une caution morale apportée au président de la transition malienne.  De ce point de vue, l’on peut s’attendre à un allègement conséquent voire à une levée progressive ou totale des sanctions de la CEDEAO, surtout si le profil du futur Premier ministre répondait aux exigences de l’institution régionale. C’est dire si les premiers pas et les premiers actes du nouveau président sont fortement attendus et seront scrutés à la loupe, à commencer par la désignation du chef du futur gouvernement.  Mais en acceptant de porter la couronne d’épines d’une transition qui ne s’annonce pas pour lui comme une sinécure, tout porte à croire que Bah N’Daw est conscient de l’ampleur et de la délicatesse de la mission qui l’attend. Car, entre une CMA en attente de garanties avant de s’engager pleinement dans le processus, des voisins comme l’Algérie inquiets du sort de l’Accord d’Alger, une CEDEAO pointilleuse sur ses principes démocratiques et un M5 qui n’entend pas être le dindon de la farce, il faudra bien plus que des talents de pilote à l’ex-officier de l’armée de l’air malienne, pour mener à bien sa mission.

 

Le plus dur commence maintenant

 

C’est pourquoi l’on espère qu’il saura se donner les coudées franches pour conduire le navire de la transition malienne à bon port, c’est-à-dire jusqu’aux prochaines échéances électorales qui devront signer le retour du pays à l’ordre constitutionnel normal,  malgré les tempêtes et autres vents contraires qui ne manqueront pas de le balloter en chemin. Il appartient aussi au peuple malien, surtout à cette partie de la classe politique rompue aux entourloupes et nourrie à la sève des intrigues politiques, de lui faciliter la tâche. Autrement, c’est le pays tout entier qui y perdrait, si la transition venait, pour une raison ou autre, à dévier de son objectif.   En attendant, comme on est en Afrique, le bon sens et la bienséance veulent que l’on puisse souhaiter bonne arrivée,  dans sa cabine de pilotage, au nouveau commandant de bord, d’autant que ce n’est pas lui qui est à l’origine du changement anticonstitutionnel intervenu au sommet de l’Etat malien. Bah N’Daw, i dansè*. Mais une fois l’étape de ces civilités protocolaires dépassée, place à la réalité du terrain qui attend le nouveau président. C’est dire si le plus dur commence maintenant. Et ce ne sont pas les défis qui manquent. A commencer par le défi sécuritaire dans un pays encore largement sous occupation djihadiste, où, six mois jour pour jour après son enlèvement, le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, reste toujours introuvable, et où les terroristes se sont signalés pas plus tard qu’il y a deux jours, le 23 septembre dernier, dans le Centre précisément, dans une attaque qui aura coûté la vie à des soldats maliens. Ensuite, à y regarder de près, Bah N’Daw ne va pas forcément avec la faveur des pronostics d’autant qu’aux yeux de la communauté internationale, plus particulièrement de la CEDEAO, il n’est pas loin d’être un président par défaut, qui devra faire la preuve de son indépendance vis-à-vis de la junte militaire qui l’a fait roi. Et tout le monde attend de voir comment le nouveau chef de l’Etat s’y prendra pour s’affranchir de la tutelle de la junte militaire qui est dans une sorte de marquage à la culotte qui ne dit pas son nom, après avoir manœuvré pour s’octroyer la vice-présidence de la transition, avec des pouvoirs particulièrement élargis.

 

« Le Pays »

 

*i dansè: bonne arrivée en langue bambara

 


Comments
  • Bonjour Messieurs,
    Avec tout le respect que nous vous devons, nous vous prions en retour de nous respecter en tant Pays souverains.
    Comme on le dit en bamanan : “les actes posés par nos ennemis sont sujets à interprétation, par contre ceux posés par nos amis sont encouragés”. Je fais allusion au coup d’état du Mali et à la situation sociopolitique des pays dont les chefs d’état sortants sont candidats à un troisième mandat. Entre ces deux cas, lequel est pire ? Mais pourquoi la CEDEAO n’a pas fait d’acharnement derrière les candidats au 3ème mandat? Pourquoi leur pays n’a pas subi d’embargo ?

    25 septembre 2020

Leave A Comment