HomeA la uneJACOB PASGO, ANCIEN SG DU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES : « A aucun moment, je n’ai perçu un double salaire »

JACOB PASGO, ANCIEN SG DU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES : « A aucun moment, je n’ai perçu un double salaire »


L’homme est très connu du public pour avoir été une figure de proue de la Transition. Il s’appelle Jacob Wendpayanda Pasgo. Diplomate de carrière et juriste de formation, il roule sa bosse dans l’Administration diplomatique depuis une trentaine d’années. Il a été, entre autres, conseiller à l’ambassade du Burkina à Rome, 2e conseiller à l’ambassade du Burkina à Copenhague, au Danemark. C’est lui qui a ouvert le Consulat général du Burkina à Libreville où il est resté 3 ans comme consul, avant d’être rappelé au pays sous la Transition par le président Michel Kafando, pour occuper le poste de Secrétaire général (SG) du ministère des Affaires étrangères. A l’issue de la Transition, il a été nommé ambassadeur du Burkina auprès du Royaume de Belgique  et cumulativement, représentant du pays auprès de l’Union européenne (UE). Cela, sur le même décret nommant Moussa Nébié et l’ancienne ministre déléguée Amina Billa/Bambara comme ambassadeurs. Mais depuis  le 20 mai 2016, il a été  mis fin aux fonctions des trois ambassadeurs. Le 17 mars 2017, il a accepté de se prononcer sur bien des sujets, notamment la situation de nos compatriotes au pays des Bongo, l’accusation d’une double perception de son salaire de Consul et de SG du ministère en charge des Affaires étrangères. Et, actualité nationale oblige, la question sécuritaire au septentrion du pays a été aussi abordée.

« Le Pays » : Tout récemment, un Burkinabè a perdu la vie au Gabon pour un présumé vol de 2 millions de F CFA. Vous qui y avez vécu en tant que consul, quelles sont les conditions dans lesquelles vivent les Burkinabè dans ce pays ?

Jacob Pasgo : J’ai été consul général à Libreville pendant trois ans et pour résumer toute la question, je dois dire que  les conditions de vie de l’étranger sont très précaires au Gabon. En général, ils sont sans papier. Donc, leur séjour est irrégulier. Cela les expose évidemment à beaucoup de tracasseries. Il est arrivé que par suite de coups et blessures, assez souvent donnés par des autorités de force, notamment la police et la gendarmerie, quelques Burkinabè perdent la vie. C’est dans ce contexte que nous pouvons expliquer ce qui est arrivé. Il me semble que dans les faits de l’espèce, un Burkinabè qui a été recruté par son patron, ici à Ouagadougou lors d’un séjour, a été accusé d’un vol de 2 millions de F CFA, selon son patron. Ils étaient deux Burkinabè à travailler avec ce Gabonais. L’un  à la ferme et l’autre à la résidence comme gardien. C’est ce gardien qui est présumé avoir soutiré les 2 millions de F CFA de son patron. Des faits qu’il ne reconnaît pas mais comme son patron a un fils policier, ce dernier a  pris le compatriote et au lieu de l’amener dans les locaux de la police, il s’est chargé  lui-même d’un interrogatoire musclé. Il  y a eu coups et blessures ayant entraîné la mort de notre compatriote. Voilà, sommairement, ce que je sais sur les faits. Mais, il y a eu des suites, puisque les communautés étrangères se sont levées comme un seul homme pour exprimer leur ras-le-bol sur la façon dont les étrangers sont traités. Les faits se sont déroulés à Franceville, deuxième ville du Gabon.

On le sait, vous avez été nommé ambassadeur du Burkina auprès du Royaume de Belgique à l’issue de la Transition. Le nouveau régime a annulé votre nomination. Comment  avez-vous accueilli la nouvelle ?

Je voudrais tout d’abord faire une mise au point. Ma  nomination n’a pas été annulée. Elle a été abrogée. La différence entre  l’annulation et l’abrogation, c’est que dans le cas de l’annulation, on considère que vous n’avez jamais été ambassadeur. Par contre, dans le cas de l’abrogation, on met fin à vos fonctions. En ce qui me concerne, j’ai été  nommé ambassadeur à Bruxelles sur le même décret que l’ambassadeur Moussa Nébié et l’ancienne ministre déléguée Amina Billa/Bambara. Il a été  mis fin aux fonctions des trois ambassadeurs, le 20 mai 2016. J’avais été  rappelé en consultation au mois de février de cette même année.

« Si j’avais perçu un double salaire, ça se saurait »

C’est ultérieurement à ce rappel en consultation que le décret mettant fin à mes fonctions a été signé, le 20 mai 2016. Me demander comment je l’ai accueilli, je dirai que personne,  parmi les fonctionnaires qui ont eu des états de service de cette nature, ne peut applaudir lorsqu’il est mis fin à ses fonctions. C’est un sentiment qui peut  bien se comprendre. Cependant,  c’est dans les prérogatives du président du Faso,  chef de l’Etat, de nommer des ambassadeurs et de mettre  fin à leurs fonctions. Les ambassadeurs étrangers sont accrédités auprès de lui,   et lui, il accrédite les ambassadeurs du Burkina auprès des puissances étrangères. Donc, c’est à bon   droit que le chef de l’Etat a pris la décision de mettre  fin à mes fonctions. Cela relève de ses pouvoirs discrétionnaires. Je n’ai pas d’autres sentiments.

Que faites-vous maintenant ?

J’ai été remis à la disposition de mon ministère d’origine qui est le ministère des Affaires étrangères. J’ai réintégré le ministère. Je suis à la disposition de la République. J’attends d’être redéployé. Ce qui convient d’être précisé, c’est qu’en évoquant le pouvoir discrétionnaire du chef de l’Etat, je sous-entends et j’insinue, presque, que la cessation de ces fonctions ne fait suite à aucune faute qui m’a été notifiée, ni au plan administratif, ni au plan déontologique. En un mot, sur aucun plan.

Donc, jusque-là, aucune raison ne vous a été avancée administrativement ?

Aucune raison ne m’a été officiellement notifiée. Le décret est libellé de la  manière la plus simple.  Dans ce décret, on peut lire « Vu… Vu…,Vu… il est mis fin aux fonctions d’ambassadeurs de Monsieur Moussa  Nébié ». A la suite, à l’article 2, il est écrit : « il est mis fin à la fonction d’ambassadeur de Jacob W. Pasgo. Article 3, il est mis fin à la fonction de Amina Billa » sans aucune autre précision, sauf  que la disposition finale dit que « le décret abroge toute disposition antérieure contraire ». Ici, les termes ont leur sens précis. On n’abroge pas un texte qui a été annulé. C’est parce que ce texte a déroulé ses effets qu’on l’abroge. L’abrogation met fin au décret d’un texte et l’annulation annule rétroactivement le décret en question. Il est censé n’avoir pas existé dans l’ordonnancement juridique du Burkina. Ce qui n’est pas le cas de l’abrogation qui met fin, mais pour l’avenir.

D’aucuns vous accusent à tort ou à raison d’avoir perçu doublement votre salaire sous la Transition, quand vous étiez SG du ministère en charge des Affaires étrangères. Que répondez-vous ?

(Rires). Vous savez, lorsqu’on exerce une telle fonction, on est exposé. C’est une fonction publique très visible de la haute administration.  L’Administration n’est pas toujours en bonne entente avec les syndicats, mais elle administre et les syndicats défendent les intérêts matériels et moraux des adhérents. Il est vrai que sur certaines questions, nous avons eu quelques divergences qui ont servi de prétexte à une campagne de diffamation. Je le dis ainsi parce que nulle part, et à aucun moment, je n’ai perçu un double salaire. Et si j’avais perçu un double salaire, ça se saurait parce que les salaires qui sont gérés par la Solde, sont gérés en ligne. On appelle ce système le SIGASPE (NDLR : Système intégré de gestion administrative et salariale du personnel de l’Etat). Je ne peux pas m’introduire dans ce  système pour modifier quoi que ce soit. Donc, si par extraordinaire j’ai eu un double salaire, cela doit pouvoir se documenter. Or, au jour d’aujourd’hui,  aucun de tous ceux qui me critiquent sous cet angle, n’a amené le moindre début de preuves de ce qu’il avance. Et d’ailleurs, ils se sont limités à des insinuations parce que si un individu identifié signait ces articles-là, il serait passible de poursuites pour diffamation. Je le répète, si quelqu’un assume ces accusations, il est passible de poursuites judiciaires pour diffamation. Car, les propos répandus sur ma personne, sur ma personnalité, sont mensongers, mal intentionnés  et finalement sans aucune base.

Comptez-vous faire quelque chose ou allez-vous attendre que quelqu’un puisse brandir une preuve ?

Je ne vais pas ester en Justice contre X pour diffamation. Au jour d’aujourd’hui, personne ne m’a signé un article où un acte m’accusant  de quoi que ce soit. Ce sont des insinuations que j’entends sur les médias audiovisuels et dans la presse écrite ou en ligne. Mais, je n’ai pas vu monsieur Tartempion  me mettre en cause nommément et signer sa mise en cause. D’ailleurs, si je suis soupçonné d’avoir fait une malversation, ce n’est pas devant les médias que cela se règle. Ça se règle devant les tribunaux. Je considère que tous ceux qui ont pris part à cette campagne devraient avoir le courage d’aller jusqu’au bout et là ma réaction suivra.

Depuis un certain temps, la partie Nord du pays est en proie au terrorisme. Comment vivez-vous cette situation ?

En  tant  que citoyen patriote, je le vis presque dans ma chair. Et c’est affligeant que le septentrion burkinabè soit ainsi en proie à la prévarication d’ordre  d’insubordonnés qui orientent leurs instructions dans des officines non identifiées. Et même les exécutants ne sont pas tous identifiés à ce jour, puisqu’il ne nous a jamais été présenté des terroristes qui ont été arrêtés à la suite de leurs incursions. Je suis affligé d’autant plus que les dégâts humains et matériels sont énormes. Nous n’avons pas encore vu une réaction à la hauteur des agressions. En tant qu’observateur, je crois que cette situation mérite une riposte vigoureuse. Quand je dis une riposte vigoureuse, elle peut prendre la forme de la déclaration  d’un état d’urgence sur la partie qui fait l’objet de ces attaques, dont le Nord du Burkina ou même d’un décret supérieur qui peut faire l’objet d’un état de siège. Ces deux instruments constitutionnels donnent à l’Etat beaucoup d’instruments pour agir plus à l’aise, puisque le régime des libertés publiques est restreint. On  peut, à l’urgence, instruire les forces de l’ordre à faire des perquisitions de jour comme de nuit. Alors qu’en temps normal, c’est interdit par le droit pénal. En pareille circonstance, que ce soit en état d’urgence ou en état de siège, les forces armées sont libérées d’un certain nombre de formalités pour pouvoir être plus efficaces. En pareille circonstance, on doit mobiliser beaucoup plus de troupes pour couvrir la zone exposée ou encore déployer beaucoup plus de moyens logistiques ou financiers pour permettre à l’armée d’être efficace.

Mamouda TANKOANO

 

 


No Comments

Leave A Comment