HomeA la uneJACOB ZUMA EN FRANCE : Une visite guidée par le réalisme

JACOB ZUMA EN FRANCE : Une visite guidée par le réalisme


 

Jacob Zuma, le président sud-africain, est en visite à Paris. Il devra mettre ce séjour à profit pour se rendre, avec François Hollande, dans la Somme pour le centenaire de la Bataille du Bois Delville où plus de 3 000 soldats sud-africains ont été, en soutien à la France, aux prises avec l’armée allemande lors de la Première Guerre mondiale. Cette visite a donc un côté historique, commémoratif. Mais pas seulement. En effet, ce séjour a également une dimension fortement économique. Car, Jacob Zuma entend booster les relations économiques de son pays avec l’Hexagone. Certes, des échanges existent déjà entre les deux pays, mais ils sont moins intenses que ceux que la République sud-africaine entretient avec la Grande-Bretagne. Du reste, il faut dire que la Nation arc-en-ciel entretient, dans l’ensemble, des relations difficiles avec les pays occidentaux depuis l’avènement de l’African National Congress (ANC) au pouvoir en Afrique du sud.

Cette visite est l’occasion d’une rencontre entre deux chefs d’Etat dont le dénominateur commun est, en ce moment, l’impopularité

Fidèle à sa posture anticoloniale, justifiée par son passé douloureux de pays où a longtemps régné l’apartheid mis en place par les colons, l’Afrique du sud post-apartheid s’est toujours illustrée dans son opposition à l’interventionnisme occidental. Avec la France particulièrement, les sources de tensions n’ont pas manqué ces dernières années. Ce fut le cas dans la crise ivoirienne où l’Afrique du Sud a toujours été du côté de Laurent Gbagbo contre l’ancienne puissance coloniale française. Ce fut également le cas en Libye où la République sud-africaine n’a jamais fait mystère de son dégoût face à l’intervention occidentale orchestrée par la France de Sarkozy, contre le régime du Guide libyen, Mouammar Kadhafi. Le régime de Zuma n’a pas non plus vu d’un bon œil l’intervention militaire française sur le territoire malien. C’est dire combien il y a des raisons de méfiance, voire de défiance entre les deux pays. Cette visite n’est donc pas anodine. Il est évident qu’elle est l’occasion d’une rencontre entre deux chefs d’Etat dont le dénominateur commun est, en ce moment, l’impopularité. En effet, Hollande, tout comme Zuma, ne jouit pas d’une bonne cote de popularité au sein de l’opinion publique. Il est au plus bas dans les sondages si bien que briguer un second mandat présidentiel semble être pour l’instant une ligne d’horizon. Aux prises avec les mouvements sociaux, il donnerait tout pour voir cette téméraire courbe du chômage s’inverser résolument. Mais rien n’est moins sûr. De son côté, Jacob Zuma est passé maître dans le compostage des scandales. Sa gestion scabreuse de la Nation arc-en-ciel jure complètement avec la sagesse légendaire de celui dont il dit être le fils spirituel, c’est-à-dire Nelson Mandela. Au regard de ses frasques à répétition, on peut dire que Zuma ne ménage aucun effort pour détruire son image et celle de son pays. C’est bien dommage pour ce pays longtemps meurtri et qui a d’énormes chantiers à réaliser. On en veut pour preuve les mouvements sociaux récurrents et violents, symbole du désarroi de populations encore largement dans le dénuement, la misère, malgré la fin officielle de l’apartheid et l’accès des Noirs au pouvoir d’Etat. Et pour couronner le tout, les deux chefs d’Etat se sont illustrés à maintes reprises dans des histoires de mœurs indignes de la noblesse de leurs fonctions.

Les sujets qui fâchent n’auront pas leur place

On pourrait donc penser que Zuma, acculé par les scandales, cherche à souffler un peu par cette sortie.  Mais, au-delà des soucis plus ou moins similaires des deux chefs d’Etat, c’est surtout les impératifs économiques qui ont dicté cette rencontre. En effet, cette visite de Jacob Zuma en France est guidée par le réalisme. L’Afrique du sud a besoin d’investisseurs étrangers. Elle a aussi besoin de pouvoir mieux exporter ses produits, notamment dans le domaine agricole. On peut penser également que le Brexit n’est certainement pas étranger à cette visite du président sud-africain en France. Le pays de Madiba a peut-être à cœur de garantir, voire améliorer son accès au marché européen à des conditions avantageuses. De ce fait, c’est une exigence pour lui de trouver des solutions face à la sortie de l’Union européenne (UE) de la Grande-Bretagne, son principal partenaire économique en Europe et les incertitudes que cela fait peser sur les conditions d’accès des uns et des autres au marché des pays de l’Union. De son côté, le pays de De-Gaulle a également besoin de débouchés pour ses produits. Il ne saurait s’offrir le luxe de cracher sur un gros morceau qu’est le marché de la République sud-africaine qui est l’un des plus importants du continent noir en termes de potentialités. En outre, la France n’est pas non plus dans une période économique des plus fastes. C’est le moins qu’on puisse dire au regard de ses difficultés actuelles. Dans un tel contexte, tout nouveau marché ou tout agrandissement d’un marché déjà existant, est le bienvenu. Chaque partie espère ainsi tirer tous les dividendes de cette visite d’Etat. Autant dire que les sujets qui fâchent n’auront pas leur place. Du moins, les deux chefs d’Etat s’emploieront, autant que faire se peut, à les mettre en veilleuse, au nom des intérêts économiques réciproques. C’est cela le réalisme économique.

« Le Pays »


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