LESGISLATIVES EN RCI : Que nous réservent les urnes?
Les Ivoiriens en âge de voter ont été appelés hier, 18 décembre 2016, aux urnes pour élire leurs 255 députés. Comme lors du référendum, ce scrutin a été émaillé d’incidents, notamment le saccage de quelques urnes par de jeunes excités dans certains bureaux de vote dans certaines localités comme Guiglo. Mais ces incidents sont mineurs, car dans l’ensemble, ces législatives se sont déroulées dans un climat apaisé. La seule similitude qu’il pourrait y avoir avec les précédentes élections, pourrait être la faible participation des électeurs au scrutin dans certaines localités du pays comme à Abidjan ou à Bouaké, ex-bastion de la rébellion ivoirienne où dans la mi-journée, des agents électoraux se tournaient les pouces parce que les électeurs ne se bousculaient pas devant les bureaux de vote. Mais la situation était différente à la même heure dans certaines villes du Nord et de l’Ouest du pays. En effet, les électeurs des villes comme Ferkessédougou, Korhogo, ou Gagnoa dans l’Ouest, notamment dans la région de Gôh, fief de Laurent Gbagbo, étaient plus nombreux devant les bureaux de vote. Et cela n’est guère étonnant. En effet, l’enjeu de ces élections, au-delà de la désignation de ceux qui vont contrôler l’action gouvernementale, légiférer au nom du peuple et consentir l’impôt, est de préparer l’horizon 2020, opposition comme majorité jouant leur avenir. En attendant que les résultats soient publiés aujourd’hui ou demain, on peut se hasarder à avancer que le nouveau parlement ivoirien ne sera pas monochrome comme le précédent. Et pour causes. D’abord, parce que cette fois-ci, l’opposition, à l’exception de l’aile radicale du Front Populaire Ivoirien menée par Aboudramane Sangaré qui a décidé de poursuivre son boycott, la branche du Front populaire ivoirien menée par Pascal Affi N’Guessan, a présenté 187 candidats à ces législatives. Même si l’envol de cette opposition peut être plombé par ses dissensions internes, il est difficilement imaginable qu’elle sorte bredouille de la compétition.
ADO devra compter avec une opposition qui pourrait reprendre du poil de la bête
Ensuite, parce que dans les rangs de la majorité, le Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), la sérénité n’est pas la mieux partagée. En témoignent les bisbilles qui ont entouré la désignation des candidats à l’élection. La super machine née de la coalition du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié et du Rassemblement des républicains (RDR) d’Alassane Ouattara, est donc face à elle-même et il n’est pas évident que les gros moyens qui ont été déversés dans l’arène, suffisent à la dégripper entièrement. Enfin, parce qu’il y a un nombre important d’indépendants dans la course et qui ont promis de tenir la dragée haute aux partis politiques. Avec tous ces facteurs, l’on se demande ce que nous réservent les urnes. Même ADO qui souhaite disposer d’une majorité à l’Assemblée nationale pour gouverner tranquillement, ne peut, à l’étape actuelle des choses, dire combien de députés il obtiendra, tant la bataille a été âpre. Tout laisse donc croire que l’on va vers une reconfiguration de la carte politique ivoirienne et c’est tant mieux pour la vitalité de la démocratie en Côte d’Ivoire. ADO, même s’il ne devrait pas en perdre le sommeil, devra compter avec une opposition qui pourrait reprendre du poil de la bête. Certains débats très sensibles qu’il avait tranchés unilatéralement en faisant adopter la nouvelle Constitution, pourraient émerger à nouveau.
Les plus grands perdants restent les dissidents du FPI menés par Aboudramane Sangaré, qui ont opté pour la politique de la chaise vide. Visiblement, ces frondeurs n’ont pas encore tiré toutes les leçons de cette politique qui, à long terme, les réduit comme une peau de chagrin.
« Le Pays »