HomeA la uneLI JIAN, AMBASSADEUR DE CHINE AU BURKINA, A PROPOS DU COVID-19

LI JIAN, AMBASSADEUR DE CHINE AU BURKINA, A PROPOS DU COVID-19


Premier pays touché par la pandémie du Covid-19, la République populaire de Chine, après avoir maîtrisé la situation sanitaire à l’intérieur, est au four et au moulin pour apporter de l’aide aux autres Etats. Dans le même temps, cette Chine fait l’objet de plusieurs critiques, notamment de la part des Occidentaux, pour son éventuel rôle dans la propagation de la maladie dans le monde. Nous avons rencontré à ce sujet, l’ambassadeur LI Jian et voici ce qu’il nous a dit!

« Le Pays » : La Chine vient d’envoyer une équipe médicale au Burkina pour aider à lutter contre le Covid-19. Quelles sont les missions spécifiques de cette équipe?

LI Jian : C’est une équipe composée de 12 médecins chinois dont les spécialités couvrent les maladies respiratoires, l’imagerie médicale, la désinfection, les maladies infectieuses, les enquêtes épidémiologiques et bien d’autres. Chacun d’eux a une dizaine d’années d’expérience dans son domaine d’activité et beaucoup d’entre eux ont activement pris part à la lutte contre le Covid-19 à Wuhan en Chine. Ils ont cumulé beaucoup d’expériences pratiques sur le terrain concernant le traitement et les soins des malades graves, les méthodes de protection des agents de santé dans les différentes situations et la nécessité de recevoir des patients en différentes catégories avec des mesures adaptées, etc. Leur mission ici est de partager sans réserve ces expériences avec leurs collègues burkinabè qui forment déjà une équipe formidable, afin de perfectionner le système de prévention contre le Covid-19 et rendre les méthodes de traitement encore plus efficaces. Ils ont aussi apporté leur expertise pour renforcer le plan de riposte du gouvernement burkinabè et pour fournir des suggestions et des références au guide de traitement de l’équipe burkinabè. Dès leur arrivée, ils ont commencé le travail avec un agenda très intense. Ils ont déjà été au ministère de la Santé, au CHU Tengandogo, au CHU Yalgado Ouédraogo et au siège de la représentation de l’OMS pour s’imprégner des réalités, trouver des problèmes et chercher des solutions. En quelques jours, ils ont organisé et participé à une dizaine d’ateliers pour partager leurs expériences et leurs recommandations dans la prévention et le traitement du Covid-19 avec leurs homologues burkinabè. Beaucoup de cas spécifiques ont été discutés pour trouver ensemble les meilleures solutions. Ils ont également apporté du matériel composé de machine thérapeutique d’oxygénation à haut débit, de consommables médicaux et d’équipements de protection individuels aux institutions sanitaires burkinabè. Leurs collègues burkinabè ont apprécié positivement cet élan d’entraide et de solidarité. Pour eux, les connaissances et les expériences dévoilées par les experts chinois sont très importantes en ce sens qu’elles élucident beaucoup de zones d’ombres et de questionnements.

En dehors de cette équipe, pouvez-vous nous faire le point de l’aide chinoise apportée au Burkina pour faire face à cette pandémie?

Nous apportons nos soutiens au peuple burkinabè en quatre volets. Tout d’abord, il y a des dons en équipements de protection contre le Covid-19. Des dizaines de tonnes de matériels composés notamment de masques, de combinaisons médicales, de kits de protection des yeux, etc. sont déjà arrivés au Burkina et d’autres sont en cours d’acheminement. Parmi les matériels fournis par le gouvernement chinois, il y a plus de 580 000 masques de protection, 6 800 combinaisons, 6 000 kits de protection des yeux, 31 000 gants, 12 000 couvre-pieds, 500 thermomètres infrarouges, etc. C’est une course contre la montre parce que nous savons que la chaîne logistique est maintenant aussi une chaîne de la vie. C’est pourquoi la Fondation Jack Ma ainsi que d’autres personnes venant du secteur privé se sont mobilisées pour apporter aussi leur aide. Ce sont notamment plus de 200 000 masques de protection, presque 5000 combinaisons et 40 000 réactifs de dépistage à leurs amis burkinabè, déjà arrivés ou en cours de l’être. Pour répondre à la préoccupation très importante des besoins en respirateurs, 50 respirateurs non invasifs du gouvernement chinois et 8 autres de la Fondation Jack Ma, inclus dans son deuxième don d’équipements, viennent d’arriver. Tout cela montre la solidarité indéfectible du peuple chinois envers leurs frères burkinabè. Deuxièmement, nous apportons des soutiens techniques comme l’a démontré parfaitement l’arrivée de la mission d’expertise médicale chinoise spécialisée dans la lutte contre le Covid-19. De plus, des mécanismes d’échanges ont été établis pour permettre aux experts, de part et d’autre, de partager les expériences pratiques. Un système de communication et de consultation en ligne a été mis en place entre le CHU Tengandogo et l’Hôpital populaire de la province de Shandong. Plusieurs téléconférences des experts sino-africaines ont eu lieu, auxquelles les experts burkinabè ont participé avec l’assistance technique de la société chinoise Huawei. Troisièmement, l’Ambassade apporte sa contribution à l’amélioration des infrastructures sanitaires. Il y a quelques jours de cela, j’ai lancé les travaux de réhabilitation du Centre d’isolement du CHU Yalgado Ouédraogo. C’est un projet qui vise à renforcer les capacités d’accueil et d’hospitalisation des patients atteints du Covid-19. Quatrièmement, des acteurs sociaux comme les entreprises, la diaspora et les villes de jumelage chinoises ont été mobilisés à apporter leur contribution. L’Ambassade va canaliser toutes ces bonnes intentions pour apporter des soutiens concrets et utiles à nos amis burkinabè. Il y a aussi des entrepreneurs chinois qui apportent leurs soutiens à travers l’Ambassade du Burkina Faso en Chine ou directement au gouvernement burkinabè.

Quelle appréciation faites-vous de la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement du Burkina ? Avec l’envoi de cette équipe, peut-on dire que la situation est très alarmante au Burkina, qui puisse nécessiter un tel appui ?

Pendant les échanges de ces derniers jours, la mission d’expertise chinoise a été impressionnée par le professionnalisme, le dévouement et l’abnégation de tous les médecins, infirmiers et les agents de santé burkinabè qui travaillent au premier front dans la lutte contre le Covid-19. Je salue également S.E.M. Roch Marc Christian Kaboré, Président du Faso et le gouvernement burkinabè pour les mesures sanitaires, sécuritaires, économiques et sociales prises non seulement pour vaincre le virus mais aussi pour renforcer la conviction de pouvoir y arriver. Auparavant, j’ai affirmé, dans un article, que j’avais l’impression de revoir l’image de la Chine il y a deux mois, où tout un peuple s’est uni dans le seul et unique objectif de remporter cette guerre populaire. Cette pandémie est un défi pour toute l’humanité; ce qui nécessite une coopération au niveau mondial. Nous avons répondu à l’appel du Président du Faso et du gouvernement burkinabè en envoyant une mission d’expertise médicale spécialisée dans la lutte contre le Covid-19. C’est aussi un engagement pris avec l’Organisation mondiale de la santé, d’apporter plus de soutien au continent africain. Pour des raisons techniques, cette mission n’a pas participé directement à la prise en charge des malades mais leur travail contribue à renforcer les capacités de la partie burkinabè pour faire face efficacement au virus. Nous souhaitons qu’à travers cette mission, le jour de la proclamation de la victoire sur la maladie soit encore rapproché.

Votre pays est accusé d’avoir dissimulé des informations sur le Covid-19 déclenché à Wuhan. Que répondez-vous à cette critique?

La Chine n’a rien dissimulé. Bien au contraire. Elle a fait d’énormes efforts pour être transparente depuis l’apparition du Covid-19. Dès les premiers instants, la Chine a déclaré à l’OMS avoir trouvé ce virus, a partagé avec les pays du monde entier les séquences d’ADN du virus, a entamé la coopération technique avec les experts médicaux d’autres pays et a prêté une main forte à d’autres pays qui en ont besoin. La communauté internationale a positivement apprécié lesdites mesures. Ce sont des réalités que nul ne peut nier. N’oublions pas que le Covid-19 est un virus tout nouveau. Au début, on ne connaissait pas sa contagiosité, sa durée d’incubation, son origine, son traitement, etc. En moins d’un mois, la Chine a identifié les séquences d’ADN du virus, a élaboré une stratégie de riposte et a mis en quarantaine toute la ville de Wuhan qui a une population de plus de 10 millions d’habitants. Ceux qui dénigrent et diffament la Chine sont dans une logique de détourner l’attention afin de camoufler leurs propres défauts dans la gestion de la crise.

Les morts supplémentaires annoncés à Wuhan ne signifient-ils pas que la Chine n’a pas dit toute la vérité sur le Covid-19?

Cela montre exactement la véracité et la transparence des chiffres chinois. Avec des ressources limitées au début, il y a des cas et des décès qui n’ont pas été calculés dans le système à l’heure. C’est tout à fait normal de mener une enquête de vérification et de faire une révision quand la situation est stabilisée. Le 21 avril, Reuters a révélé que le chiffre réel de décès en Angleterre et au Pays de Galles était 41% plus élevé que le chiffre officiel parce que les décès hors hôpitaux n’étaient pas comptés. D’où l’importance de mener une enquête rétrospective afin d’identifier et de répertorier tous les cas. Je pense que quand la situation se stabilisera, tous les pays qui prennent une position responsable envers leur peuple vont faire une enquête de vérification méticuleuse au cas par cas. En réalité, le standard statistique en Chine est plus élevé que beaucoup de pays occidentaux. Nous comptons non seulement ceux qui ont été testés positifs au Covid-19 avec des réactifs de dépistage PCR, mais aussi ceux qui présentent des symptômes identiques et à travers les pistes épidémiologiques. Le gouvernement central a déjà projeté de lancer une campagne de dépistage d’envergure dans l’ensemble du pays et nous allons rester transparents comme avant.

La Chine a réussi, en trois mois, à contenir la propagation du virus. Qu’est-ce qui pourrait, selon vous, expliquer ce succès ?

La Chine a une très grande population de 1,4 milliard d’habitants. C’est aussi le premier pays qui a subi la pandémie. La ville de Wuhan a enregistré au total plus de 50 000 cas confirmés et maintenant, il ne reste que 47 cas actifs là-bas. Il faut savoir que nous avons surmonté beaucoup de difficultés et ce n’est pas du tout une victoire facile. Nous avons pu y arriver notamment grâce à notre système politique qui nous a permis de mobiliser d’énormes ressources sur des points essentiels et de pouvoir appliquer les politiques du plus haut jusqu’au plus bas. Dès l’apparition du Covid-19 en Chine, le gouvernement chinois n’a pas hésité un instant à mettre en place les mesures les plus strictes et les plus complètes. Nous avons déjà dit que la lutte contre ce virus était une guerre populaire qui nécessite la mobilisation de toute la nation. Toutes les ressources humaines, matérielles et logistiques ont été mobilisées et convergées vers l’épicentre pour devenir notre force qui pèse sur ce virus. Des mesures ont été adoptées, mais il faut encore que tout le peuple les respecte et les suive dans la discipline et dans la cohésion. Ces mesures prises n’auraient pas été efficaces sans le leadership, le sacrifice et une coordination centralisée du Parti communiste chinois.

Certains pays occidentaux accusent l’OMS d’avoir pris parti pour la Chine dans cette pandémie. Qu’en dites-vous?

Je pense qu’il faut arrêter de chercher des boucs émissaires ailleurs, et mettre ces énergies dans la gestion de la crise au sein de leurs propres pays. L’OMS est une organisation internationale scientifique qui regroupe en son sein des experts issus de pays différents, y compris des pays occidentaux. En tant qu’institution internationale, la plus professionnelle en matière de sécurité sanitaire mondiale, l’OMS joue un rôle irremplaçable dans la réponse aux crises mondiales de santé publique. Depuis l’apparition du Covid-19, l’OMS, avec son Directeur général, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a rempli activement son devoir et a joué un rôle central et impartial de coordination dans la coopération mondiale contre la pandémie; ce qui a valu à l’OMS non seulement la reconnaissance et les félicitations de beaucoup de dirigeants mais aussi les soutiens moraux et financiers au niveau mondial.

Selon certaines informations, la communauté africaine fait l’objet de stigmatisation en Chine du fait du Covid-19. Quelle en est la situation actuellement?

Ce que je voudrais souligner, c’est que la Chine n’a jamais stigmatisé l’Afrique tout comme l’Afrique n’a jamais stigmatisé la Chine. Ce qui s’est passé à Guangzhou est très simple. Ce sont des malentendus entre le gouvernement local de Guangzhou et quelques étrangers qui sont allés à l’encontre des mesures de prévention qui s’appliquent pourtant à tout le monde. Il y a beaucoup d’exagération et même de manipulation artificielle sur les réseaux sociaux pour faire croire à une discrimination. Ces points ont déjà été clarifiés ou démentis par le ministre nigérian des Affaires étrangères et beaucoup de résidents africains qui vivent actuellement à Guangzhou. Je réaffirme fermement que rien au monde ne peut ébranler la solidité des relations d’amitié entre les peuples chinois et africains. Nous sommes absolument convaincus que le socle de cette amitié ne sera jamais secoué ni affaibli par de quelconques manipulations qui tentent de dérouter l’opinion publique et de nuire aux relations entre la Chine et l’Afrique. Ces jours-ci, des amis m’ont montré quelques vidéos sur les réseaux sociaux. La plupart n’ont rien à voir avec Guangzhou et je ne peux même pas comprendre la langue parlée dedans. Certaines ont été filmées par ceux qui veulent échapper à la quarantaine. D’autres sont des malentendus causés par la barrière linguistique, ou par le fait qu’ils n’ont pas utilisé le code de santé (code vert) ou encore qu’ils ne connaissent pas les hôpitaux désignés qui peuvent communiquer avec des étrangers dans leur langue. De ce fait, l’Ambassade a publié sur sa page Facebook, il y a une semaine, une lettre ouverte de Guangzhou qui réaffirme la politique de tolérance zéro à l’égard de la discrimination, des numéros verts pour rendre service aux amis étrangers et une liste des hôpitaux disponibles pour donner des services en anglais. Je voudrais aussi réaffirmer, ici, que les mesures de protection et de prévention contre le Covid-19 ne tolèrent aucune discrimination et aucun traitement différencié à l’égard des citoyens chinois et des ressortissants étrangers. Tous ceux qui violent les lois seront sanctionnés conséquemment. Mais si on respecte le règlement, tout le monde est protégé.

Quelle suite est-elle réservée aux projets de réalisation financés par la Chine au Burkina Faso quand on sait que la pandémie a réduit les possibilités de financement de ces projets?

La Chine n’a jamais manqué à sa parole. Tout ce que nous avons promis, nous nous engageons à le réaliser. C’est ma mission en tant qu’Ambassadeur de Chine. La Chine continuera d’accompagner le développement du Burkina Faso pour engranger encore plus de fruits dans nos relations d’amitié. La pandémie pourrait avoir des impacts sur l’exécution des projets en raison d’une circulation limitée de personnes et de matériels, mais le financement ne sera pas influencé. Après la levée de limitation de circulation, nous prendrons les dispositions nécessaires pour relancer, dans les plus brefs délais, les projets concernés et limiter les impacts négatifs au minimum.

Les pays du G20 ont accordé un moratoire d’un an aux pays africains pour payer leur dette. Qu’en est-il de la Chine? Etes-vous pour l’annulation ou la suspension de la dette africaine ?

En raison de la propagation de la pandémie, les pays en développement, en particulier les pays africains, sont confrontés à de plus grands défis. La Chine y attache une grande importance, travaille sur les canaux bilatéraux à discuter des solutions et à apporter des soutiens dans la lutte contre le Covid-19. Nous espérons que les membres du G20 pourront travailler ensemble et renforcer leurs soutiens aux pays en développement, notamment aux pays africains. Nous appelons surtout les créanciers multilatéraux et privés à adopter des mesures appropriées pour accompagner les pays en difficulté.

Comment la Chine compte-t-elle gérer la dette bilatérale avec le Burkina Faso ?

Je vous rappelle que toutes les dettes gouvernementales entre la Chine et le Burkina Faso ont déjà été annulées depuis la reprise des relations bilatérales.

Qu’avez-vous à dire au peuple burkinabè souffrant du Covid-19?

Pendant les moments les plus durs en Chine, nos amis Burkinabè nous ont soutenus et encouragés. C’est quelque chose que le peuple chinois gardera toujours en mémoire. Aujourd’hui, nous voulons répondre à cette solidarité de nos amis burkinabè en apportant nos soutiens par tous les moyens. Nous sommes avec vous pour vaincre cet adversaire totalement. Bon courage !

Interview réalisée par Michel NANA


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