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LIBERATION DE VICTOIRE INGABIRE AU RWANDA


Ce n’est qu’une opération de charme

Celle qui avait osé cracher à la face de Kagamé que le FPR (Front patriotique rwandais) n’était pas blanc comme neige dans les massacres du génocide et qui, pour cette raison, avait été condamnée pour « minimisation du génocide » à quinze ans de prison, en 2010, vient d’être libérée. En effet, ce samedi 15 septembre, Victoire Ingabire, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, a été autorisée à quitter la prison après 8 ans de détention. Elle doit cet élargissement à une mesure de grâce présidentielle accordée à 2140 prisonniers dont elle fait partie. Au pays de Paul Kagamé, cela représente un grand événement au point qu’on est en droit de se poser la question de savoir si cette générosité inédite de l’homme mince de Kigali, ne vise pas plus autre chose qu’une réelle volonté de sa part d’ouvrir l’espace politique de son pays, dont on sait qu’il est l’un des plus fermés d’Afrique. En tout cas, ils sont nombreux, les observateurs de la scène politique du pays des mille collines qui croient dur comme fer, que derrière la libération de l’opposante Victoire Ingabire, se cache une véritable opération de charme de Kigali à l’endroit de tous ceux qui expriment des réserves sérieuses face à la plus que probable désignation de la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, au poste de Secrétaire générale de la Francophonie.

Le timing en lui-même n’est pas anodin

Cette thèse selon laquelle la libération de l’opposante est une décision sur mesure tendant à donner plus de chances à la patronne de la diplomatie du Rwanda de briguer le poste, peut être étayée par plusieurs arguments qui sont loin d’être farfelus. Le premier est que le principal soutien à la candidature rwandaise, c’est-à-dire Emmanuel Macron, pourrait avoir demandé à Paul Kagamé, en contrepartie de la désignation de la ministre rwandaise des Affaires étrangères à la tête de la Francophonie, de poser ici et maintenant un acte fort susceptible de rabattre le caquet à tous ceux qui sont vent debout contre le choix du premier responsable de la patrie des droits de l’homme. Et l’argument massue qu’ils avancent est que le régime de Paul Kagamé est un grand prédateur des droits humains. A ce propos, rien que cette semaine, quatre anciens ministres français de la Coopération avaient publiquement critiqué le président Emmanuel Macron pour son soutien à la candidature de Kigali. Ils avaient notamment martelé le fait que le Rwanda de Paul Kagamé ne pouvait pas représenter l’aspiration démocratique inscrite dans la déclaration de Bamako, un des textes fondateurs de l’OIF.
Le deuxième argument qui va dans le sens de la décision sur mesure, pourrait être lié au moment où la grâce présidentielle a été prise. Elle intervient, en effet, à un mois du sommet de la Francophonie, au cours duquel le Rwanda espère voir sa candidate désignée. Le timing en lui-même n’est pas anodin. Et pour mettre la forme, Kigali a fait accompagner la libération de l’opposante emblématique, de celle de deux mille personnes. Et cela illustre l’adage africain selon lequel, « le caillou profite du haricot pour avoir l’huile ». En effet, ces genres de libérations massives de détenus, interviennent en général en fin d’année ou en début.

L’arbre ne peut cacher la forêt

Tout cela pour dire que Paul Kagamé a bien programmé et planifié sa stratégie de séduction de tous ceux qui pensent que son pays est disqualifié pour prétendre au poste de secrétaire général de la Francophonie. Il fallait donc impérativement apporter la preuve que le Rwanda sait pardonner. Et la meilleure manière de le faire, c’est d’élargir des opposants politiques. Et c’est ce qu’il vient de faire en libérant dame Victoire Ingabire et le chanteur activiste, Kizito Mihigo. Mais l’arbre ne peut cacher la forêt. En effet, la libération de ces deux poils à gratter de l’homme mince de Kigali, n’est qu’une goutte d’eau dans la mer. Un nombre important d’opposants croupit toujours dans les geôles du pouvoir. Rien que dans le parti de Victoire Ingabire, les Forces démocratiques unifiées (FDU), on en compte. Et puis, il y a évidemment le cas emblématique de Déo Mushayidi, un ancien proche de Kagamé qui a fait défection et qui purge aujourd’hui une peine de prison à perpétuité pour ses supposées activités contre le régime. Bref, malgré la libération de Victoire Ingabire, dont il faut saluer au passage le courage d’avoir promis qu’elle continue son combat politique, il faut reconnaître que le Rwanda n’est pas un exemple de démocratie. L’on peut même se demander si Paul Kagamé a l’intention de se défaire de ce label. Et effet, il clame à qui veut l’entendre que son régime est démocratique, n’en déplaise à l’Occident. Et ce n’est pas la France, pourtant d’habitude prompte à remonter les bretelles à certains dictateurs africains, qui osera faire des observations à l’homme fort de Kigali. Et l’on sait pourquoi. Le génocide est passé par là. Et le moins que l’on puisse dire, est que l’homme mince de Kigali s’en sert comme d’un fonds de commerce allant même jusqu’à redéfinir à sa manière, le concept de démocratie.

« Le Pays »


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