HomeA la uneLUC ADOLPHE TIAO, PRESIDENT DU RPD

LUC ADOLPHE TIAO, PRESIDENT DU RPD


Le 6 novembre dernier, il lançait son propre parti politique et ce, après avoir démissionné du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) quelques mois plus tôt. L’homme, bien connu au Burkina Faso et à l’extérieur pour avoir occupé de hautes fonctions administratives et politiques, n’est autre que Beyon Luc Adolphe Tiao. Le Rassemblement patriotique pour le développement (RPD) est son parti. Le 11 novembre dernier dans la soirée, il a reçu notre équipe de rédaction dans sa résidence à Ouagadougou. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, l’ancien Premier ministre répond à plusieurs questions en lien notamment avec la création de son parti et la situation nationale. Lisez plutôt !

 

« Le Pays » : Quelles sont vos occupations actuelles ?

 

Luc Adolphe Tiao : Je consacre ma vie à l’élevage et à l’agriculture. Je fais aussi de la consultation. Voilà comment je passe mon temps tranquillement.

 

Qu’est-ce qui vous a incité à créer un parti politique ?

 

Toute personne dans la vie a toujours des rêves qu’elle aimerait réaliser. J’ai longtemps milité en politique même si je n’étais pas toujours  au-devant de la scène.  La politique m’a passionné dès mon jeune  âge. J’ai milité dans les mouvements estudiantins, dans les mouvements révolutionnaires clandestins, jusqu’à la création de l’ODP/MT et du CDP.  Aujourd’hui, après beaucoup de temps de réflexion, j’ai décidé de quitter le CDP sans bruit. Le parti politique dans lequel j’étais, ne répondait plus ni à ma vision ni à mes aspirations. J’ai une  longue expérience professionnelle et politique. J’ai occupé de nombreux postes de responsabilités tant sur le plan national qu’international. J’ai côtoyé de grands hommes de ce pays, des présidents Thomas Sankara à Roch Marc Christian Kaboré en passant bien sûr par Blaise Compaoré. C’est cela l’avantage de la profession journalistique.  J’ai  donc des idées que je peux partager avec ceux qui peuvent avoir la même vision que moi, de la gestion de la chose publique, de l’avenir de notre pays. Ce sont ces facteurs réunis qui m’ont poussé à créer mon parti, notre parti politique, puisque c’est avec  un ensemble de personnes autour de moi que nous avons décidé de créer le Rassemblement patriotique pour le développement (RPD). Je m’intéresse particulièrement aux jeunes et aux femmes qui constituent l’avenir de notre pays.

 

En quoi le CDP ne répondait-il plus à votre vision ?

 

Les partis politiques naissent, évoluent et disparaissent. C’est la loi de la nature.  Quand je dis que le CDP ne répondait plus à ma vision, c’est parce qu’il ne se présentait plus comme un mouvement de rassemblement à même d’offrir une alternative crédible dans sa quête du pouvoir. Etre dans un parti politique, c’est se sentir utile, participer à sa gestion. Après les élections, le parti est tombé dans une espèce de léthargie, laissant de nombreux militants à leur propre sort. Un parti qui n’est pas capable de juguler ses crises successives, court à sa perte.   A partir du moment où j’ai fait ce constat, j’ai préféré m’en aller tout simplement. J’avais besoin d’un espace dans lequel je me sentirais  beaucoup plus à l’aise.

 

Vous étiez l’un des soutiens de Eddie Komboïgo, c’est surprenant que vous preniez vos distances vis-à-vis de lui. Qu’est-ce qui s’est passé ?

 

Rien du tout. Il ne faut pas personnaliser les choses. Je n’ai pas eu  de problèmes personnels avec Eddie Komboïgo. Et  lui seul ne constitue pas le CDP. Le CDP, c’est une direction qui fonctionne de façon collective. Il se peut qu’à l’intérieur, certains ne lui rendent pas service. Autrement, je n’ai eu aucun problème avec M. Komboïgo que je considère comme un frère et même un ami. Mais vous savez qu’à un certain niveau,  on ne fait pas la politique par sentiment. Car, les rapports personnels en politique ne vous lient pas à vie à une personne. Je suis un homme de principes. Lorsque je  m’engage  pour une personne ou une cause,  j’y vais à fond, sans arrière- pensées, sans attendre quoi que ce soit.  Mais lorsque je ne me retrouve plus, je m’en vais sans histoire et sans état d’âme.  Mais vous savez que la politique, c’est le monde de tous les possibles.  Peut-être qu’on va se retrouver un jour dans le même camp ou dans des camps différents. La politique, ce n’est pas une affaire d’individus. C’est une affaire de principes personnels ; c’est une affaire de conscience.

 

 

Avez-vous informé Blaise Compaoré avant de créer votre parti ?

 

Bien sûr ! C’est la moindre des choses. Lorsque j’ai décidé de partir du CDP, j’ai tenu à informer le président Compaoré de cette décision. De la même manière, quand j’ai décidé de lancer le parti politique, je l’ai également informé pour qu’il ne soit pas surpris et qu’il apprenne cela à travers les médias. Dans les deux cas, le président Compaoré a été très réceptif et il m’a encouragé dans mes initiatives.

 

De quelle obédience idéologique est le RPD ?

 

En Afrique, particulièrement au Burkina Faso, quel type de système politique correspond-il le plus à la réalité socio-politique, à la réalité économique, à nos valeurs culturelles ? Est-ce que dans un pays où la grande majorité de la population vit sous le seuil de la pauvreté,  nous pouvons appliquer le libéralisme intégral, le capitalisme qui est avant tout bâti sur l’individualisme ? Est-ce que ce n’est pas mieux d’opter pour un système politique fondé sur  la solidarité, la justice sociale,  l’égalité, l’équité, l’accès au bien-être pour tout le monde ? Si on part de ce principe et qu’on veut se définir, on va dire que nous sommes des socio-démocrates, c’est-à-dire que nous prenons nos fondements idéologiques dans le socialisme tout en étant démocrates.  La démocratie n’est pas l’apanage d’un seul système économique, en l’occurrence le capitalisme. Les courants socio-démocrates  nés en Europe au 19ème siècle, ont permis à des pays d’atteindre ou même de dépasser aujourd’hui des pays capitalistes tout en réduisant de façon extraordinaire, les inégalités dans la société.  C’est cela qui a fait que nous avons opté pour la social-démocratie parce que nous voulons être un parti politique qui fonde sa vision sur la solidarité, la justice, l’équité, le partage des ressources des biens entre les populations. Si vous regardez notre sigle, vous verrez  le vert qui signifie  que nous intégrons pleinement  l’écologie dans notre approche politique. La préservation de l’écosystème face au changement climatique que nous vivons, est un  devoir pour les générations futures. Ceci étant, la  social-démocratie ne remet pas en cause la libre entreprise indispensable dans le développement économique de notre pays. Tout ce que nous voulons est  que les richesses et les biens de notre pays doivent être répartis de façon équitable entre toutes les couches de la population.  Je veux ajouter un autre aspect qui fonde notre orientation. C’est la prise en compte du patriotisme comme un choix idéologique et politique majeur. Sans patriotisme, il n’y a pas l’amour du pays, le sens du service public, la discipline et le civisme. Nous avons perdu beaucoup de ces qualités ; toutes choses qui expliquent un certain nombre de situations que nous vivons.

 

« Nous  accueillons tout le monde.  Que des personnes viennent de l’Opposition,  de la Majorité ou n’ayant jamais milité, elles  trouveront leur place au sein du RPD »

 

Etes-vous de l’opposition ou de la majorité ?

 

C’est une question qui, en ce moment, ne préoccupe pas beaucoup les fondateurs du RPD. Si nous nous précipitons pour dire que nous sommes de l’Opposition ou de la Majorité, tout de suite, on va nous catégoriser. Nous avons un manifeste qui donne les grandes orientations de notre vision politique, notre vision sociale, notre vision économique. Nous avons comme préoccupation majeure, en ce moment,  de structurer et d’implanter  le parti sur l’ensemble du territoire. Nous  accueillons tout le monde.  Que des personnes viennent de l’Opposition,  de la Majorité ou n’ayant jamais milité, elles  trouveront leur place au sein du RPD.  Nous allons construire notre parti politique à l’abri de toute pression, nous allons   évoluer  à notre rythme. Les alliances se font en fonction de la réalité du moment.  Nous ne voulons pas tout de suite être catégorisés comme un parti de l’opposition ou de la majorité. Peut-être que dans nos discours, l’opposition  et la majorité ont  des discours dans lesquels ont peut se retrouver.

 

 

N’est-ce pas de l’équilibrisme ?

 

L’équilibrisme n’est pas de l’opportunisme. Il ne faut jamais se précipiter dans la vie. Il faut avoir le temps avec soi et  la patience pour évoluer. Nous sommes dans un système qui nous catégorise déjà. Vous créez un parti politique ou bien vous n’êtes même pas d’un parti politique et on veut savoir si vous êtes de l’opposition ou de la majorité, comme si la société est divisée ainsi. Et malheureusement, dans la conception des gens, la société est comme cela. Ou vous êtes avec moi ou vous êtes contre moi. Vous devez être en mesure de créer des passerelles qui vous permettent  de prendre là où c’est bon, de gauche à droite et vous allez vous-même arriver à mettre en place votre conception de la politique. Nous ne voulons pas nous précipiter pour le moment ; nous ne faisons pas de l’équilibrisme. Nous sommes tout simplement raisonnables. Nous voulons   tracer une voie qui n’est pas forcément celle qui nous amène obligatoirement à nous aligner.  Le moment viendra, si les circonstances le dictent. Le parti décidera de façon démocratique de quel côté se positionner. Du reste, nous ne sommes pas les seuls parce qu’il y a aussi d’autres partis qui se sont créés et qui ont refusé de se rallier à la majorité ou à l’opposition.

 

 

Pour certains, le fait de créer un parti politique est une façon pour vous de vous fabriquer un parapluie quand on sait que vous avez un dossier en justice. Qu’en dites-vous ?

 

Cela me fait sourire.  Quand on me pose cette question,  je ne vois pas le rapport avec ma situation judiciaire.  Est-ce parce que j’ai un parti politique que je ne serai pas jugé ? Il faut être  naïf pour le croire. Cela n’a absolument rien à voir. Les gens oublient. De même, j’ai battu la campagne électorale passée sous les couleurs d’un parti politique qui est le CDP. Est-ce que je me suis engagé pour me protéger de la Justice ? Je ne crois pas. Si aujourd’hui, je crée avec des amis un parti politique, je reste un Burkinabè justiciable comme n’importe qui. Je ne me mets pas au-dessus de la Justice. Je ne m’imagine pas être au-dessus de la Justice. La loi protège tous les Burkinabè de la même manière ; il n’y a personne qui soit au-dessus de la loi.  Si vous posez des actes qui vont à l’encontre de la loi, vous aurez affaire à la Justice, quitte à ce que vous démontriez que ces actes n’étaient pas contre la loi. J’ai créé avec des amis le RPD pour être au service de mon peuple. Point barre comme dirait l’autre.

 

 

Lors de la cérémonie de lancement de votre parti, vous avez souhaité que le procès de votre dernier gouvernement se tienne le plus tôt possible. Comment vous y préparez-vous ?

 

Cela fait 7 ans que cette situation dure. D’abord, c’est  difficile pour les familles des victimes et les personnes blessées qui attendent.   Du reste, parlant de toutes ces victimes, je voudrais saluer la mémoire de toutes les victimes de l’insurrection,  réitérer toute ma profonde compassion à l’endroit des familles, souhaiter prompt rétablissement aux blessés.  Je pense que toutes ces personnes attendent que le procès ait lieu pour qu’elles comprennent davantage ce qui s’est passé. Nous qui sommes mis en accusation, nous attendons également que ce procès ait lieu pour pouvoir nous expliquer et nous libérer.  Dans mon gouvernement, il y avait beaucoup de cadres et surtout des jeunes. Certains  ont vu leurs carrières brisées. D’autres se débrouillent et d’autres encore  vivent  sous le traumatisme de ce qui s’est passé. Je pense que si le procès se tient, nous serons tous fixés. C’est pour cette raison que nous attendons que justice soit rendue.  Par ailleurs,  si le procès se tient, ce sera un pas de plus vers la réconciliation nationale puisqu’un certain nombre de dossiers pendants doivent être jugés pour que les Burkinabè puissent entrer réellement en réconciliation, le cœur apaisé.

 

Quels sont actuellement vos rapports avec les anciens membres de vos gouvernements successifs ?

 

J’ai des relations avec certains d’eux parce qu’après tout ce qui s’est passé, chacun essaie de se chercher comme on le dit. Je comprends les uns et les autres. A l’occasion, on peut s’appeler, se rendre visite mais nous sommes solidaires des uns et des autres. Nous nous disons que c’est un moment difficile dans nos vies ;  le reste, c’est la vie.

 

 

Pour le cas particulier du président Blaise Compaoré, quel commentaire faites-vous de sa situation ?

 

Ce n’est plus un secret pour personne. Le président Compaoré ne se porte pas très  bien. Les dernières nouvelles que j’ai me rassurent qu’il y a une amélioration de sa santé et je ne peux que lui souhaiter un prompt rétablissement et que Dieu lui permette de recouvrer toute sa santé et qu’un jour, il puisse retrouver sa terre natale.

 

Que retenez-vous de l’homme ?

 

Ce que je retiens de lui, c’est que c’est un homme d’écoute, qui a une grande capacité d’analyse et c’est un homme généreux. Dans le fond, il est resté, malgré ses nombreuses années à la tête du pays, un soldat dans l’âme. On ne peut pas être parfait partout. Néanmoins,  je garde de bons souvenirs de  lui car c’est un homme plaisant et cultivé, avec qui l’on peut discuter de tout  pendant des heures et des heures. Je ne regrette pas de l’avoir connu et d’avoir travaillé avec lui, même si malheureusement,  on aurait pu éviter ce qui est arrivé en 2014. C’est le destin de l’homme et je crois que c’est Dieu qui sait ce qu’il fait pour chacun de nous à un moment donné de notre vie.

 

« Moi, j’ai tiré suffisamment de leçons en ce qui me concerne et je sais que si c’était à refaire, il y a des choses que je ne referais pas »

 

Pourquoi dites-vous qu’on aurait pu éviter ce qui est arrivé en 2014 ?

 

Quand vous subissez quelque chose de difficile, vous tirez des leçons. Il faut avoir le courage de dire que l’on s’est trompé quand réellement on s’est trompé. Quand on ne tire pas de leçons, on recommence toujours les mêmes bêtises. Moi, j’ai tiré suffisamment de leçons en ce qui me concerne et je sais que si c’était à refaire, il y a des choses que je ne referais pas. On aurait été plus à l’écoute de la population, on aurait été plus attentifs  à la clameur publique qu’on n’aurait pas eu besoin d’insister sur la révision de l’article 37. 

 

Quelle est la différence entre Blaise Compaoré et Roch Marc Christian Kaboré ?

 

Je n’aime pas faire des comparaisons de ce genre. Le président  Blaise Compaoré  a son style de gouvernance. Le président Roch Marc Christian a le sien. Il appartient à chacun de les apprécier sans doute en fonction de sa vision politique. Je ne suis pas dans le gouvernement de M. Kaboré. Donc, je ne peux pas juger son style de management. Je constate qu’il y a une politique qui se mène.  Chacun a son style qui lui réussit ou pas. Je connais bien le président Kaboré  avec qui nous avons milité au sein du CDP et humainement parlant, pris de façon intrinsèque, c’est quelqu’un qui est aussi aimable. Dans la politique, on est des adversaires mais pas  des ennemis.

 

 

A l’occasion de la même cérémonie, vous avez demandé pardon alors que le procès n’a pas encore lieu. Est-ce un aveu de culpabilité ?

 

Non. Ce n’est pas parce que l’on demande pardon que l’on est coupable. Ce sont des évènements qui sont arrivés pendant que j’étais au gouvernement. Il faut avoir la modestie de reconnaître que ces évènements sont arrivés pendant que nous étions au pouvoir. Maintenant,  les chefs d’accusation pour lesquels nous sommes inculpés et sur lesquels je n’apporterais aucun commentaire, c’est autre chose. C’est à la Justice que je vais m’exprimer, me défendre. Ceci étant, il y a eu des personnes qui sont décédées pendant l’insurrection, des blessés, des personnes  ont perdu leurs biens. On ne peut pas  regarder tout cela avec indifférence. En attendant que le procès ait lieu, cela ne me gêne pas d’exprimer des regrets qui sont sincères.

 

 

 

Quels sont les autres ténors du parti, en dehors de vous ?

 

Chez nous,  on ne joue pas au vedettariat. Je suis certes  le leader du parti. Mais,  il y a autour de moi, je vous l’assure,  des jeunes, des personnes, des femmes de qualité et de valeur que je ne connaissais pas pour la plupart. Mais lorsque j’ai lancé l’idée du parti, j’ai été très surpris du nombre et de la qualité des personnes qui ont répondu à mon appel.  Très bientôt,  nous allons publier dans la presse, les noms des  responsables de notre bureau exécutif national et chacun pourra se faire une idée de qui est ténor ou pas. J’ai dit, lors de notre assemblée générale constitutive, que toutes les personnes qui ont accepté d’être à cette rencontre et qui ont adhéré au RPD, sont considérées comme des fondateurs du parti. Pour moi, elles sont aussi importantes les unes que les autres.

 

Pourquoi avoir fait publiquement appel à Mélégué Traoré de vous rejoindre ?

 

J’étais très heureux de voir le président Mélégué Traoré  venir assister à titre personnel, à l’Assemblée générale. Le président Mélégué et moi, nous nous connaissons depuis que nous étions au secondaire. J’ai connu le président Mélégué dans le scoutisme. Il a été mon chef et c’est un homme brillant, fascinant et  extraordinaire. L’ambassadeur Mélégué a façonné une partie de la jeunesse burkinabè passée par le scoutisme et qui, depuis trois  décennies, a occupé ou occupe encore aujourd’hui de hauts postes de responsabilités tant dans le public que le privé.  Et au-delà du scoutisme, nous avons gardé des liens de famille, des liens d’amitié. Je vais régulièrement dans son village et lui aussi, il vient chez moi à Pouni. Donc, on s’est retrouvé au CDP depuis sa création et nous siégions depuis 2012  au Haut-conseil. Sur beaucoup de sujets, nous avons la même lecture sur la situation politique nationale, la situation au sein du CDP. Ceci étant, ma décision de quitter le CDP est  personnelle. Quand je l’ai vu à l’assemblée du RPD, en réalité, j’ai voulu faire une boutade  pour détendre l’atmosphère dans la salle.  Mais je ne bouderais pas si un jour  le président Mélégué rejoignait le RPD.  Ou bien qu’est-ce qui vous dit qu’il ne créera pas lui aussi un parti politique et que nous allons nous retrouver pour former une coalition ? Sinon, c’est une boutade à l’endroit d’un ami et pas plus. Je n’ai pas à faire pression sur lui pour qu’il quitte le CDP pour venir au RDP. D’ailleurs, je vais vous dire que d’autres personnalités et non des moindres, ont aussi assisté à cette AG dont l’ambassadeur Frédéric Korsaga, Mahamadi Kouanda, le Balkuy Naaba et plusieurs chefs coutumiers.

 

Faut-il s’attendre à ce qu’une bonne partie du Haut-conseil du CDP et même des militants du CDP, vous rejoignent ?

 

Je peux vous rassurer que je n’ai démarché personne. Je n’ai démobilisé personne. Chacun prend sa décision en fonction de ce qu’il pense. Certes, il y a déjà beaucoup de militants du CDP, notamment ceux de ma région, qui m’ont apporté leur soutien. Ça se comprend parce qu’il s’agit là de ma base politique naturelle. Je tiens vraiment à saluer la forte délégation venue du Sanguié, du Boulkiemdé, du Houet et d’autres provinces.  Je n’ai pas fait de démarches particulières et je n’ai pas à aller débaucher des gens dans un autre parti politique. Peut-être des anciens camarades du CDP qui partagent ma vision, vont-ils rejoindre le RPD. Pour le moment, je n’en sais rien. Je suis déjà comblé du nombre d’adhérents qui,  chaque jour, venant de tous les horizons, s’inscrivent au RPD. 

 

 

Quelle est la place que votre parti réserve aux jeunes et aux femmes ?

 

99% des membres à vue d’œil, sont des jeunes. Aujourd’hui, il faut être réaliste. Moi, je fais partie  d’une génération qui a fait son temps et qui est en train de passer la main. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de contribuer à former la jeunesse pour qu’elle prenne le relais. A partir de mes expériences professionnelle et politique, je pense, comme je l’ai dit plus haut, partager des valeurs avec la jeunesse et les femmes. Ces couches de notre société jouent un rôle important. Pour le moment, les femmes arrivent timidement. Mais si vous prenez au niveau du Bureau exécutif national, sur les cinq vice-présidents,  deux  sont des femmes et la plupart sont jeunes. De même, plusieurs occupent des postes stratégiques dans le bureau. Pour nous, la société burkinabè ne peut pas se construire sans les jeunes et   les femmes. Il faut leur faire confiance, il faut les mettre devant leurs responsabilités. Une fois que le RPD sera lancé et que j’estime  l’objectif personnel atteint, je céderai ma place pour que les jeunes prennent le relais et conduisent le parti. J’ai le souci du renouvellement de la classe politique. Je suis sincère quand je le dis. Mais le renouvellement de la classe politique ne se fait pas de façon spontanée. Il y a des gens qui pensent qu’il suffit de dire : on chasse du parti tous les vieux et les jeunes vont rester. Non. Cela ne se fait pas comme cela. On prépare les jeunes qui, eux-mêmes, montent. Dans 5 ans, 10 ans, nous, nous ne serons plus des personnes politiquement actives et j’aimerais vraiment contribuer, pour le temps qui me reste, à former une jeunesse, de nouveaux leaders pour le Burkina de demain.

 

En attendant, l’élection présidentielle de 2025 n’est pas loin. Avez-vous des ambitions présidentielles ?

 

Mon ambition est de bâtir un parti fort. Pour le reste, on verra. C’est Dieu qui décidera. Il ne faut pas se précipiter. Il faut donner du temps à la construction du parti.

 

On a vu ce qui a été servi à Kadré Désiré Ouédraogo. Ne craignez-vous pas de subir le même sort que lui ?

 

Je ne suis pas le Premier ministre Kadré Désiré Ouédraogo que je respecte beaucoup. Il a été mon patron. Il a beaucoup de qualités et une bonne expérience professionnelle.   Je ne peux pas dire que les gens l’ont désavoué. Vous savez, pour ce qui est des élections, vous avez beau dire que vous avez des qualités, c’est le peuple qui juge et on ne va pas à une élection en se disant forcément qu’on va gagner. Ce n’est pas un concours.  Si on n’est pas investi de la confiance des électeurs, on en tire des leçons. J’ai été aux élections législatives dans le Sanguié, j’ai perdu mais je ne dis pas que les gens m’ont désavoué.  Vous savez, vous pouvez bien aimer Luc Adolphe Tiao mais pour des  raisons diverses, vous préférez voter pour un autre. Donc, ce n’était pas un désaveu et je sais que dans la province du Sanguié, du Sud au Nord, les populations ont une bonne estime de moi (Rires).

 

 

L’organisation et la vie d’un parti politique en Afrique, demandent beaucoup de moyens. En avez-vous assez ?

 

Malheureusement, je peux dire que l’argent a tout gâté. A cause de l’argent, il n’y a plus de morale. Chacun veut s’enrichir tout de suite. Le sens du sacrifice et du service a disparu. Tout le monde pense que la politique est la voie royale pour s’enrichir. Depuis ces dernières années, l’argent a pris le dessus dans la politique. Notre monde politique a été pourri. Est-ce que nous allons continuer à évoluer comme cela ? On a pris des décisions limitant les gadgets de campagne. C’est bien. C’était pour lutter contre le fait que l’argent ne doit pas beaucoup peser, ou être un facteur décisif dans le choix des électeurs. Aujourd’hui, si vous n’avez pas d’argent, vous ne prenez pas le risque de vous engager en politique. Et il faut changer cette vision. C’est peut-être utopique de ma part mais il faut la changer. Et nous, nous voulons en finir avec ces pratiques. Je me souviens qu’il y a un groupe de jeunes qui est venu me voir. Au cours de nos échanges, j’ai dit qu’il n’était pas  question de conditionner une participation à une assemblée générale avec des billets d’argent.  Il faut qu’on accepte que la politique, c’est un don de soi. Si on doit dépenser de l’argent, c’est pour bâtir le parti politique, le faire connaitre et non pour aller acheter des gens. J’ai des amis et  des parents qui m’ont permis d’organiser cette assemblée générale constitutive. Je leur en suis reconnaissant. Mais je sais que je dois me battre maintenant, à travers mes relations et mes propres activités, pour qu’on ait l’argent pour implanter le parti.  Je n’ai pas l’argent des grands partis qui sont là en ce moment.  Celui qui pense venir au RPD parce qu’il croit qu’on y distribue de l’argent, il vaut mieux pour lui d’aller regarder ailleurs. Nous voulons qu’au RPD, même si c’est de façon modeste, chaque militant mette la main à la poche selon ses capacités. Mais je reste convaincu que demain ou un jour, l’argent ne sera plus le facteur déterminant pour remporter des élections en Afrique. Vous pourrez dépenser des milliards de F CFA et perdre des élections. Le peuple a commencé à comprendre. Vous  donnez de l’argent aux électeurs,  mais dans l’isoloir, chacun  est libre de son vote. Je pense que les gens veulent être convaincus. Il faut mettre l’accent sur le  discours vrai. Nous serons très ambitieux dans notre programme de développement mais  n’allons pas non plus promettre ce que nous ne pouvons pas réaliser. En tout cas, le RPD n’a pas d’argent à distribuer aux gens. Je préfère être clair là-dessus.

 

 

« Je  respecte le grand-frère  Laurent Bado. C’est un homme de principes et un idéaliste »

 

Ne craignez-vous pas de subir la même désillusion que certains politiciens comme Laurent Bado et autres qui ont cru que le discours seulement pouvait influencer le vote des populations ?

 

Je  respecte le grand-frère  Laurent Bado. C’est un homme de principes et un idéaliste.  Il a grandement contribué à  une prise de conscience chez les populations même si les résultats des élections n’ont pas été à la hauteur de ses attentes. Je pense que dans la vie, il faut avoir un idéal.  Je suis convaincu que dans la société, les gens deviennent de plus en plus mûrs et ne se laissent plus attirer facilement par l’argent. C’est un combat, c’est un risque que nous prenons mais je suis convaincu que nous allons construire un discours politique cohérent, crédible, qui fera que les Burkinabè nous feront confiance. Vous avez suivi l’élection du président tunisien en octobre 2019. Il était sans doute le moins fortuné et a battu sa campagne presqu’à pied. Et pourtant, les électeurs l’ont plébiscité.  Notre pays peut arriver à ce niveau aussi où l’argent ne sera plus déterminant dans les choix des personnes  élues soit au niveau de l’Exécutif soit au niveau du législatif, soit au niveau municipal.

 

 

Quelle analyse faites-vous de la situation nationale ?

 

Le point sur lequel je me focalise actuellement, c’est sur la question sécuritaire. Pour moi, la question sécuritaire est très préoccupante. Il suffit d’écouter les gens, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, chacun reste inquiet de l’avenir de notre pays. Est-ce que nous allons pouvoir un jour en finir avec le terrorisme qui est le problème principal à l’heure actuelle ? La résolution de cette question est complexe. Le problème fondamental demeure la communication. L’opacité dans la gestion de l’information, alimente toutes les rumeurs déversées sur les réseaux sociaux, les maquis et  semble alimenter aussi les discours des partis de l’opposition, de la société civile et du citoyen lambda. Face aux multiples attaques tragiques contre les positions des FDS, des VDP et des populations civiles, que savons-nous réellement du moral des troupes ?  De leurs équipements ? De la situation réelle sur le terrain ? Nous sommes installés dans la spéculation et la psychose face à différentes attaques meurtrières. Chacun est devenu expert militaire. Voilà une des équations qu’il faut résoudre au plus vite parce que, par ricochet, cela joue sur le moral de toute l’armée et fait  que les gens perdent de plus en plus confiance en l’Etat.  Ensuite, il faut mettre en place des mécanismes qui permettent  au gouvernement de s’imprégner à la minute près  de l’évolution de la situation militaire et sociale  sur tous les fronts du pays. Par ailleurs, si un sujet devait souder les Burkinabè, c’est la lutte contre le terrorisme. Nul n’a la solution magique et nul n’a intérêt à voir notre pays s’effondrer. Nous ne devrions pas être, comme c’est le cas en ce moment, à des divergences graves entre opposition et majorité dans la lutte contre le terrorisme. Le RPD  prône, dans le contexte actuel,  que l’on dépassionne le débat et que nous travaillions en bonne intelligence les uns avec les autres pour que notre pays retrouve la paix. Où que vous soyez, si vous pensez réellement que vous pouvez apporter votre contribution à la lutte pour la sécurité de notre pays, pour moi, c’est prioritaire par rapport à tout. Donc, par rapport à cette situation, nous attendons que le gouvernement fasse plus d’ouverture à l’endroit de tous ceux qui peuvent contribuer à lutter pour ramener la paix sociale au Burkina Faso. Il n’y aura jamais assez d’efforts à faire dans ce domaine-là. Et si les attaques continuent de cette façon, cela veut dire que quelque part, il y a des insuffisances et chacun doit apporter sa contribution pour qu’on y mette fin.   L’autre question de la situation nationale  est le débat autour de la réconciliation nationale. C’est un grand débat. Il y a une approche institutionnelle voulue par le gouvernement. Mais quand on écoute et qu’on observe le Burkinabè, je pense que nous continuons de nous regarder en chiens de faïence.  Pour reprendre une expression de l’imam Dicko du Mali qui demande « que le pays cesse d’être celui où personne n’écoute personne ». On ne peut pas aller à une réconciliation s’il n’y a pas de concessions, s’il n’y a pas d’éducation. La réconciliation, c’est un processus qui ira lentement mais c’est un processus qui est indispensable si nous voulons construire notre pays en paix. Enfin,  on constate que la bonne  gouvernance pose toujours problème au Burkina Faso. Les questions de corruption, les questions de favoritisme sont des questions qui interpellent  tout le monde. Nous ne pouvons pas être dans un pays pauvre où on laisse certaines tares de cette nature, continuer de prospérer. J’entends des critiques qui viennent aussi bien du  côté de la majorité que de  l’opposition concernant la corruption. Il faut éviter que le sujet tombe dans la banalisation. Donc, il y a un effort à faire pour que nous ayons une gouvernance plus vertueuse, au service des populations. Quand on parle de corruption, ce n’est pas seulement la corruption d’en haut, il y a aussi  la corruption d’en bas. C’est comme une gangrène. Nous avons également traversé des moments difficiles avec la Covid-19 et cela a impacté négativement certains secteurs du développement de notre pays et de la même manière, la qualité de vie des citoyens.

 

Vous avez demandé à ce que le gouvernement fasse une ouverture. En quoi faisant exactement ?

 

Pourquoi pas un dialogue sur la sécurité ? Je crois que le débat sur la sécurité faisait parti du dialogue politique. Mais il y a des fois où il faut l’ouvrir parce que nous sommes toujours dans l’institutionnel. A un moment donné, je crois qu’il faut transcender tout cela et organiser un dialogue inclusif  autour de la question sécuritaire. Je ne dis pas un forum où on vient déballer les secrets militaires.  Ce dialogue est nécessaire pour explorer de nouvelles pistes ou orientations dans la lutte contre le terrorisme. D’un côté, le gouvernement pense qu’il travaille et il y a des choses qui se font sur le terrain. De l’autre côté, l’opposition pense que rien n’est fait. C’est le manque de dialogue et de communication dont j’ai fait cas plus haut,  qui fait que nous sommes  sur ce terrain conflictuel en permanence. En matière de sécurité,  nul n’a le monopole de la vérité.  L’opposition ne peut pas dire qu’elle a une solution miracle pour nous permettre d’en finir avec le terrorisme. De même, s’il est vrai que  le gouvernement a la responsabilité de conduire la politique de la Nation, rien ne l’empêche de créer un cadre d’échanges avec tous ceux qui peuvent apporter leur contribution à la lutte contre le terrorisme. Les politiques de sécurité et de défense des pays sahéliens, doivent être elles aussi  plus intégrées qu’elles ne le  sont aujourd’hui. Les groupes terroristes passent facilement d’un Etat à l’autre.  L’intégration de la politique sous-régionale suppose qu’à l’intérieur de chaque pays, les citoyens parlent le même langage.

 

Le procès de l’assassinat de Thomas Sankara se tient actuellement. Quel commentaire faites-vous par rapport au fait que ce procès a finalement lieu ?

 

Je salue la tenue de ce procès parce qu’il a longtemps traîné et   a divisé énormément les Burkinabè. J’espère qu’à l’issue du procès, au-delà des condamnations auxquelles nous allons assister, les Burkinabè sauront pardonner. Ils sauront tirer des leçons de ce qui s’est passé il y a une trentaine d’années, afin que nous ne puissions plus jamais revivre de pareilles choses.

 

Mais la vérité judiciaire n’est pas toujours synonyme de vérité absolue !

 

Absolument ! Voilà pourquoi d’autres avaient préféré la justice transitionnelle. Mais le gouvernement a opté pour le tryptique vérité-justice-réconciliation. C’est une autre option mais elle est insuffisante. La vraie justice viendra de notre capacité à accepter  la vérité et à pardonner.   C’est un processus qui nécessitera  un vaste travail   parce qu’on ne vit pas éternellement sur les torts du passé. Il faut passer à autre chose et voir l’avenir.

 

Souhaiteriez-vous qu’on aille aux élections municipales en 2022, comme le réclament certains partis politiques malgré la situation que vit le Burkina ?

 

Les élections passées, tous les Burkinabè n’ont pas pu voter. Pour les élections municipales, je pense qu’il y a un projet de loi qui va passer à l’Assemblée nationale, qui admet qu’une partie des Burkinabè ne pourra pas voter. Est-ce que nous allons continuer à vivre ce genre de démocratie ? C’est quoi finalement la démocratie ? On est pris entre l’éthique politique et le droit. Si nous appliquons le droit de façon intrinsèque, aucun mandat ne doit normalement dépasser son délai.  En même temps, nous sommes dans une situation où on se demande si nous allons continuer à voter dans une situation d’insécurité aggravée.  C’est pourquoi je dis que la question sécuritaire  doit être la priorité de toute la société. J’espère que le gouvernement  va faire une évaluation objective de la situation sécuritaire du pays pour voir dans quelles conditions les prochaines élections pourront se tenir ou pas.     Mon souhait est que des  Burkinabè  soient contraints de ne pas voter   parce que leur village, leur commune, leur hameau de culture sont menacés constamment par des terroristes.

 

Pour finir, quel regard critique portez-vous sur le travail de vos confrères de la presse aujourd’hui ?

 

Votre question me donne l’occasion de faire une mise au point d’un extrait fait dans une interview que j’ai accordée la semaine passée à une chaîne de télévision burkinabè. On sort une phrase de son contexte et de son esprit, on balance sur les réseaux  sociaux,  juste pour faire sensation. Cela n’est pas élégant et encore moins professionnel. S’en tenir au bout de phrase selon laquelle Blaise Compaoré a soutenu la rébellion ivoirienne mais n’a pas abrité des terroristes, c’est oublier qu’ici, l’objet de la question était le terrorisme qui sévit dans notre pays. Tout le monde sait qu’après le coup d’Etat manqué en 2002 en Côte d’Ivoire, certains militaires et même civils de ce pays, se sont réfugiés au Burkina Faso. Quand la rébellion a commencé là-bas, certains ont regagné leur pays d’où ils ont pris part à la lutte. Du reste,  plusieurs opposants africains  ont été des réfugiés politiques au Burkina et certains, de retour dans leur pays, ont accédé au pouvoir par des élections démocratiques.   Mais je n’ai jamais eu l’intention de dire que le Président Compaoré a soutenu la lutte armée des rebelles ivoiriens. Du reste, tout le monde le sait, le Président Compaoré, sous l’égide de la CEDEAO, de l’Union africaine, a été le médiateur clé de la résolution de  cette crise dont les accords de paix ont été signés à Ouagadougou en 2008. La profession journalistique a tout de même gagné en qualité dans notre pays. Je constate que le journalisme d’investigation a fait un grand  bond en avant. Cela prouve que le niveau de formation des journalistes s’est élevé.  Je félicite « Le Pays » pour la rigueur des analyses et la très bonne écriture journalistique des grands reportages.

 

Propos recueillis par Françoise DEMBELE et Michel NANA

 

 

 Luc Adolphe Tiao au journal « Le Pays »

 

« Je voudrais réitérer mes félicitations au Fondateur de votre organe de presse, Monsieur Boureima Jérémie Sigué qui a été mon directeur. Je suis très heureux de voir que 30 années après, le journal se porte bien. De mon point de vue, ce journal est parmi les plus crédibles sur le plan africain ».


No Comments

Leave A Comment