HomeA la uneLUC MARIUS IBRIGA, (A PROPOS DE LA CORRUPTION ELECTORALE) : « Les sanctions prévues par le Code électoral ne sont pas dissuasives »

LUC MARIUS IBRIGA, (A PROPOS DE LA CORRUPTION ELECTORALE) : « Les sanctions prévues par le Code électoral ne sont pas dissuasives »


Depuis le 8 novembre 2015, l’ensemble des formations et partis politiques est à pied d’œuvre dans tout le Burkina. Ils sont à la conquête des voix en vue des élections couplées du 29 novembre prochain. Faut-il le rappeler, cette période, de par sa particularité, est très sensible et peut être sujette à certaines dérives, notamment la corruption, les achats de consciences. Les autorités de la Transition, certaines institutions étatiques et certaines OSC ont entrepris des actions pour limiter au maximum ces dérives. Mais, la réalité du terrain peut être tout autre et la confusion sur la notion de corruption électorale est vite faite soit par les électeurs eux-mêmes, soit par les partis politiques. Pour certains partis politiques, c’est même l’un des moyens pour se faire élire. Mais la règlementation en la matière est claire et tout contrevenant encourt des sanctions. Luc Marius Ibriga, professeur de droit et président de l’Autorité supérieur de contrôle d’Etat (ASCE), que nous avons rencontré le 18 novembre 2015, explique, dans cet entretien, ce qu’il faut entendre par corruption électorale. Il nous dit comment l’éviter et quelles sont les sanctions que peuvent encourir les éventuels corrupteurs.

 

« Le Pays » : Que faut-il entendre par corruption électorale ?

Luc Marius Ibriga : La corruption électorale, c’est l’ensemble des manœuvres qui sont utilisées par les candidats ou leurs militants en vue de modifier le choix des électeurs. Cela peut se passer en amont, à savoir par l’achat des consciences, en faisant en sorte de modifier le comportement des électeurs par le versement de sommes d’argent ou de biens matériels en vue de modifier leur choix. Cela peut se passer pendant les opérations électorales à travers les personnes qui administrent les bureaux de vote en vue de ne pas prendre en compte les incidents qui se déroulent pendant le vote ou en vue de favoriser un groupe. Avant, quand il y avait des bulletins de vote par candidat, l’une des astuces de la corruption électorale était que le président du bureau de vote recevait de l’argent et faisait en sorte que le bulletin de tel ou tel candidat disparaisse, à un moment donné, pendant le vote. Maintenant que nous avons un bulletin unique, cette astuce est difficilement applicable et là, la corruption électorale arrive souvent après le processus de vote, c’est-à-dire au moment du dépouillement et du transfert des résultats. Là, il y a la possibilité que par la fraude ; on puisse fausser les résultats ; d’où la nécessité pour les candidats et pour leurs représentants, d’être au fait de l’ensemble de la règlementation en matière électorale pour exiger l’application des règles et de détenir, par-devers eux, une copie du procès-verbal du dépouillement qui atteste du résultat qui a été donné dans le bureau de vote. La corruption électorale est donc l’ensemble des manœuvres utilisées pendant les périodes électorales pour fausser les résultats des élections.

Quel est le rôle de l’ASCE dans la lutte contre la corruption électorale ?

L’ASCE a une compétence générale en matière de corruption à savoir qu’elle est la structure chargée de la lutte contre la corruption au niveau des structures étatiques. La corruption électorale est un élément important dans la campagne que nous menons actuellement dans le cadre des élections. Nous disons dans notre message qu’il est clair que des élections corrompues aboutissent à un gouvernement corrompu, dans la mesure où il est clair que si la corruption entache le processus électoral, il est certain qu’elle va enserrer la gouvernance pendant cinq ans. Et cela est quelque chose de systémique dans la mesure où toutes ces personnes qui, par des manœuvres, vous ont aidé à arriver au pouvoir, vont exiger, par la suite, la rétribution de leur soutien. Voilà pourquoi on aboutit à des gouvernements ploutocratiques dans la mesure où de grands commerçants, de grands opérateurs économiques vous ont donné leur argent et attendent en retour que vous faussiez les résultats des marchés et autres pour payer en retour ; d’où la nécessité de faire en sorte que la corruption ait très peu de place au moment des élections. Si déjà le fait d’être chef vous amène à utiliser les voies de la corruption, il est certain que vous donnez un mauvais message au niveau du citoyen en faisant en sorte que la corruption devienne un acte banalisé. Voilà pourquoi nous avons entrepris, cette année, pendant les élections, en partenariat avec le REN/LAC (NDLR : Réseau national de lutte anti-corruption) et le soutien de DIAKONIA et du CNT (NDLR : Conseil national de la transition), de faire une campagne de diffusion de messages pour véritablement informer le public burkinabè. Nous avons pris l’engagement de faire cette campagne principalement dans les langues nationales pour que les Burkinabè comprennent qu’ils doivent faire leur choix de façon libre et penser à l’avenir du Burkina Faso.

« Tant qu’on ne va pas, en amont, faire en sorte que le financement politique soit transparent, on cultive le système ploutocratique »

Vous avez tantôt évoqué le cas de certains grands commerçants ou opérateurs économiques qui apportent leur soutien aux candidats et attendent quelque chose en retour. Cela signifie-t-il que les candidats ne doivent pas recevoir ce type de soutien ?

Nous, nous avions souhaité qu’il y ait un système qui permette à l’Etat de répartir le soutien des opérateurs économiques à tous les candidats. Ce système consiste à faire un panier commun et tout opérateur économique qui veut investir dans l’activité publique, c’est-à-dire du point de vue institutionnel, donne à l’Etat sa contribution. En retour, l’Etat lui donne soit une déduction fiscale, soit un avantage dans le cadre du dégraissement fiscal, de ce qu’il devrait payer et cet argent, l’Etat le répartit à tous les candidats dans le cadre du financement public comme il l’a fait actuellement pour la campagne présidentielle où chacun a eu 25 millions de F CFA. A ce moment, c’est une action civique qui est faite vis-à-vis de l’Etat et des citoyens par l’opérateur économique. Ce n’est pas une action qui est faite vis-à-vis d’un candidat et qui conduit ce candidat à être redevable après, parce que c’est ainsi que se créent des réseaux et vous vous rendez compte après que ce sont les mêmes personnes qui obtiennent les marchés, ce sont les mêmes personnes qui sont appelées lors des consultations restreintes et avec lesquelles on passe les marchés gré à gré. Tant qu’on ne va pas, en amont, faire en sorte que le financement politique soit transparent, on cultive le système ploutocratique avec les opérateurs économiques qui sont au-dessus de tout, qui ne paient pas leurs impôts, qui ne sont pas en règle vis-à-vis des lois mais qui ne sont pas inquiétés. D’où la nécessité de mettre en place un système. Notre proposition n’a pas abouti, alors qu’elle permettrait véritablement d’avoir un financement public qui protège les candidats vis-à-vis de la gouvernance de demain. Au moment où vous allez en campagne, vous avez besoin de ce soutien mais après, vous ne savez pas à qui vous avez affaire et on va vous tirer vers le bas. Ce qui tue le régime, ce sont ces personnes agglutinées autour qui se disent être celles qui ont fait le régime et qui veulent en tirer le meilleur profit. A ce moment, ces gens ont des comportements arrogants, comme s’ils étaient au-dessus de la loi et c’est ce qui fait le lit de la plupart des régimes africains.

Etant donné que vous n’avez pas pu mettre en place ce panier commun, que peut faire l’ASCE pour contrôler les flux des financements des candidats ?

Actuellement, l’ASCE a très peu d’emprise sur le contrôle des flux financiers puisque ces flux financiers ne sont pas publics et il n’y a pas une disposition de la loi qui fait obligation aux partis politiques de publier les dons qu’ils ont eus. S’il y avait une règle qui faisait obligation aux partis politiques de le faire, à ce moment, l’ASCE aurait pu demander aux partis politiques de lui faire le point. S’il y avait une loi, elle aurait dit quelles sont les conditions dans lesquelles il faut donner parce qu’on peut donner. Et pour qu’il y ait une traçabilité, il faut faire un virement dans un compte. A ce moment, l’ASCE peut avoir des pièces justificatives mais quand il s’agit du numéraire où on vous dit « j’ai donné 100F », alors, il est difficile de le vérifier. C’est donc ensemble que nous devons construire un système transparent de financement politique pour éviter la corruption. De ce point de vue, on devrait arriver à des sanctions si on dépasse le plafond qui est fixé. Mais pour l’instant, il n’y a pas de plafond qui ait été fixé ici au Burkina Faso pour les dépenses de campagne. S’il n’y a pas de plafond, on ne peut pas demander à quelqu’un quelle est l’utilisation qu’il a faite de l’argent privé qu’il a reçu mais de l’argent public.

« Les sanctions prévues par le Code ne sont pas dissuasives dans la mesure où elles ne touchent pas les bénéficiaires de la corruption électorale à savoir les partis politiques »

Quelles sont les sanctions prévues pour les candidats qui viendraient à enfreindre la loi en matière de corruption électorale ?

Des dispositions sont prévues par le Code électoral, et elles prévoient par exemple la perte du siège, c’est-à-dire le fait que vous soyez en situation d’être déclassé. Quand vous êtes pris en flagrant délit de fraude, c’est la perte de vos droits civiques et l’inéligibilité pendant un certain nombre d’années selon la gravité du cas. Mais le problème qui se pose c’est que nous, nous considérons que ces sanctions ne sont pas dissuasives dans la mesure où on ne met pas un lien entre ce que l’on peut avoir par la fraude et le risque qu’on doit encourir. Il faudrait que le risque soit très grand pour amoindrir l’idée de la corruption électorale. Par exemple, si vous avez un de vos militants qui, dans un bureau de vote, passe pour acheter les voix des gens pour les influencer. Ce monsieur est pris, mais le fait qu’il a posé cet acte n’a pas de conséquence sur le parti parce que c’est lui, en tant qu’individu, qui sera sanctionné. Pourtant, il ne le fait pas pour lui mais pour un parti. Il aurait fallu qu’on élargisse la sanction au parti en disant que le militant qui est pris en flagrant sera sanctionné avec son parti. A ce moment, le parti sera regardant sur le comportement de ses militants parce que l’argument utilisé par les partis politiques, c’est de faire croire que c’est une initiative du militant alors que c’est peut-être quelque chose qui a été planifié au sein du parti et mis en exécution par le militant. Mais, comme celui-ci s’est fait prendre, on l’abandonne. Il faudrait dans ce cas de figure que le parti soit déclassé. Cela peut permettre d’assainir la vie politique dans la mesure où les partis politiques vont inviter leurs militants à se comporter de façon régulière. Par rapport aux sanctions, les situations dans lesquelles il n’y a pas de plafonnement des dépenses de campagne, amènent à se demander à quoi sert le financement public parce que celui-ci doit viser à assurer une certaine équité entre les différents candidats pour faire en sorte que le citoyen se détermine non pas en fonction des moyens du parti ou de l’individu, mais en fonction de son pouvoir. Mais, si l’Etat donne de l’argent et n’assure pas l’équité en plafonnant les dépenses de campagne, à ce moment, le financement public n’a plus de sens. Et cela rend encore plus difficile la lutte contre la corruption électorale dans la mesure où les citoyens réclament le paiement de leur participation à des meetings, alors qu’on a pris la résolution de combattre l’achat des consciences. Certains ont la capacité de donner, d’autres n’en ont pas. Cela veut dire qu’il faudra que nous ayons un système encore plus transparent en amont, avec le financement des partis politiques jusqu’au moment des dépouillements avec des bureaux de vote dans lesquels les citoyens jouent leur rôle de contrôle. Pour ma part, je considère que les sanctions prévues par le Code électoral ne sont pas dissuasives dans la mesure où elles ne touchent pas ceux qui sont les bénéficiaires de la corruption électorale à savoir les partis politiques. Il faudrait que les partis paient le prix et que l’individu ne se substitue pas au parti politique quand il s’agit de sanctionner.

« Beaucoup de gens considèrent qu’en ayant un pied dans l’Etat, on a la chance d’avoir de l’argent »

Quels sont, selon vous, les moyens que l’on peut utiliser pour lutter efficacement contre l’achat des consciences ?

Il faut que nous arrivions à mettre en place un système équitable lors des campagnes électorales. Curieusement, on voit que ce sont les plus pauvres ou considérés comme tels, qui investissent des sommes importantes dans les campagnes électorales. Quand on fait le rapport entre le coût de nos campagnes électorales et notre niveau de vie, le résultat fait pleurer. Alors, vous comprendrez qu’après, ceux qui arrivent au pouvoir soient tentés de refaire leur trésorerie. Mais de quelle manière ? En ponctionnant l’argent de l’Etat d’autant plus que dans nos pays, c’est l’Etat qui reste la structure qui permet de créer la richesse. C’est l’Etat qui donne les gros contrats. Les contrats miniers, les contrats de routes… Contrairement à ce qui se passe dans les pays occidentaux où le secteur privé est très développé, dans nos pays, l’Etat reste toujours le lieu d’enrichissement. C’est pourquoi la conquête de l’appareil de l’Etat est un élément qui passionne les gens. Beaucoup de gens considèrent qu’en ayant un pied dans l’Etat, on a la chance d’avoir de l’argent. Donc, il nous faut faire en sorte que ce soit l’Etat qui soit au-devant pour que l’on mette les différents candidats dans des situations équitables. Certes, on nous dira que d’un certain point de vue, les candidats ne sont pas égaux. Mais, l’Etat doit prôner le plus possible l’égalité et la transparence. Cela suppose que l’on doit réfléchir au financement des partis politiques en premier lieu. Ensuite, nous devons aller vers une rationalisation du paysage partisan parce qu’aujourd’hui, le parti politique est utilisé parfois comme un strapontin pour avoir une place au soleil, pour vendre une ambition personnelle et non pas pour vendre un projet de société. Je peux créer mon parti tout en sachant que je n’arriverai pas à faire quoi que ce soit. Je tourne en rond pour finalement soutenir un autre parti en vue d’avoir un poste de directeur ou de ministre. Mais si nous avions un système partisan dans lequel nous avions 3 ou 4 partis, nous verrions que l’assainissement serait important parce que les différents partis auraient la possibilité non seulement de s’auto-surveiller, mais également de construire de véritables projets de société qui puissent véritablement être proposés aux citoyens. Un autre élément tout aussi important et sur lequel jouent les partis, c’est la misère des populations. Il est certain que la lutte contre la corruption électorale doit s’accompagner de la lutte pour le développement. Moins vous aurez des personnes analphabètes et dans le besoin, moins vous aurez la corruption électorale. Elle va peut-être changer de forme, mais elle ne prendra pas la forme primaire telle qu’on la connaît actuellement. Elle prendra peut-être d’autres formes, mais elle évitera qu’au niveau primaire, on considère que le positionnement politique s’achète en payant les voix des uns et des autres. En troisième lieu, la corruption électorale pourra diminuer lorsque le plus grand nombre des citoyens sera en situation de connaître ses droits et ses devoirs. Malheureusement, nous avons un système qui part du principe de suffrage universel face à des acteurs qui ne comprennent même pas pourquoi ils votent. Nous avons au Burkina Faso un scrutin de liste qui suppose que l’on vote pour des listes mais en réalité, c’est un scrutin uninominal. C’est simplement dire que l’on vote pour des personnes. C’est parce que telle ou telle personne est sur la liste que l’on choisit de voter et non pour le message de la liste. Nous avons donc un système ambigu et ambivalent. Dans ce genre de système, la fraude s’insère facilement dans la mesure où on peut détourner facilement le vote de quelqu’un sur la base d’un achat de conscience. Et ce, d’autant plus que les politiciens jouent également sur le ressort traditionnel. C’est-à-dire la loyauté de nos parents des campagnes. On joue sur ce registre en disant que tel candidat t’a remis tel ou tel cadeau, donc tu dois être loyal à son égard. Certains n’en ont pas connaissance mais c’est de la corruption électorale. Nous devons travailler à mettre en place un système de financement des partis politiques et de gestion des campagnes électorales qui mette moins l’accent sur l’argent. Nous devons travailler au développement et à la lutte contre la pauvreté et également faire en sorte que la plupart des Burkinabè soient éclairés. Dans ces conditions, la corruption électorale va diminuer et elle n’aura plus sa forme actuelle.

« La question des droits et libertés des citoyens s’oppose à ce qu’il y ait des activités de contrôle tous azimuts »

Avez-vous déployé des observateurs sur le terrain ?

L’ASCE n’a pas déployé d’observateurs. C’est notre partenaire, le REN-LAC, qui a déployé des observateurs sur le terrain pour permettre de faire un point. Mais l’ASCE dispose d’un site internet sur lequel les uns et les autres pourront envoyer leurs constatations qui nous permettront à la fin du processus, de voir quels sont les modes de corruption les plus utilisés pendant la campagne. Sinon, nous n’avons pas déployé d’observateurs sur le terrain. Nous n’avons personne sur le terrain. Nous avions 20 contrôleurs de l’Etat. Heureusement que maintenant, nous avons eu encore 12 autres contrôleurs. Ce qui amène le nombre de contrôleurs à 32. Même avec ce nombre, nous ne pouvions pas déployer un observateur par province. C’est pourquoi on a établi un partenariat avec le REN-LAC qui, lui, a déployé des observateurs sur le terrain.

Peut-on savoir comment le site de l’ASCE fonctionne ?

Il est le suivant : www.asceburkina.com, et toute personne peut y intervenir pour déposer ses constatations.

La campagne électorale bat son plein. Quels constats faites-vous déjà en matière de respect de la règlementation en vigueur ?

Pour l’instant, ce que l’on peut dire c’est qu’il n’y a pas véritablement de remise en cause de la règlementation dans la mesure où un certain nombre de moyens que les uns et les autres utilisaient pour la corruption électorale, leur ont été enlevés. A savoir, les gadgets, les tee-shirts… dont l’engouement permettait de cacher un certain nombre d’activités occultes. Mais le problème est que nous sommes dans une situation dans laquelle la question des droits et libertés des citoyens s’oppose à ce qu’il y ait des activités de contrôle tous azimuts. Si vous mettez un sac de riz dans votre voiture et que pendant la nuit, vous allez le remettre à une famille, on ne le saura pas. On ne peut pas mettre un agent derrière chaque concession pour faire le contrôle. Le mieux, c’est de conscientiser l’électeur pour lui montrer que si l’on vient lui donner de l’argent ou un sac de riz, c’est qu’il est important et qu’il a un pouvoir. Donc, ce pouvoir-là, il doit l’utiliser à bon escient. Si pour un plat de lentilles, il donne sa voix, il risque fort de le regretter pendant 5 ans. L’éducation au vote est un élément fondamental pour éviter la corruption primaire qui existe toujours. Mais, il faut dire que sur ce plan, beaucoup d’efforts ont été faits pendant cette campagne. Il y a beaucoup de messages de sensibilisation pour amener les citoyens à voter selon leur conscience, aussi bien de la part de l’Etat et de ses institutions que des Organisations de la société civile. Aujourd’hui, il est certain que des actes de corruption existent, mais ils ne sont pas publics. Vous avez suivi le débat en cours sur le fait de s’habiller en orange ou en blanc… Comme il n’y a pas eu de règles fixes au départ, du point de vue du contrôle, il est difficile de savoir si ces tee-shirts ont été donnés ou s’ils ont été achetés. Néanmoins, il y a là, matière à réflexion pour que lors des prochaines campagnes, on puisse définir de façon claire les règles. Sinon, le fait de vouloir contourner les règles et renouer avec les anciens comportements, peut véritablement empêcher que les populations aient une autre perception de la campagne électorale qui doit pourtant être un moment où des projets de société sont proposés et par lesquels les uns et les autres doivent se déterminer. On n’a pas la même situation de corruption ostentatoire que nous avions dans le passé mais, nous ne devons pas être dupes : il y a des actes de corruption plus discrets.

Vous travaillez en tandem avec le REN-LAC et DIAKONIA pour suivre le processus électoral dans son ensemble. Que comptez-vous faire de l’ensemble des irrégularités que vous aurez constatées ?

Nous allons faire le point de notre campagne et des constats. Nous avions souhaité déployer certains contrôleurs dans certaines régions pour faire le constat et suivre tout cela de plus prêt. Malheureusement, nous ne disposons pas de moyens nécessaires pour le faire. Ce serait peut-être possible pour les campagnes à venir et pour y arriver, il faudra que les autorités placent l’ASCE comme un acteur du processus électoral pour des élections crédibles et transparentes. On s’attèle souvent au comptage des voix, mais on ne voit pas le problème posé par la question de la corruption. Cette corruption peut générer des tensions qui peuvent dégénérer en affrontements entre des partis politiques. A l’issue des élections, nous comptons donc faire le bilan de toutes les constatations et inscrire l’ASCE dans la perspective des élections à venir. Nous avons un nouveau mécanisme de suivi de la corruption et il faut que nous l’appliquions dans le processus électoral.

Avez-vous un dernier mot ?

C’est aussi le rôle de la presse d’œuvrer pour la lutte contre la corruption… L’ASCE a aussi été constitutionnalisée et cela montre qu’un pas important a été franchi pour le refus de la corruption. La loi organique qui va être adoptée dans les jours à venir, donnera aussi de nouvelles prérogatives à l’ASCE. Il y a donc un partenariat à nouer entre l’ASCE et la presse dans la mesure où les dénonciations que la presse porte à la connaissance de l’opinion, sont des matériaux pour l’ASCE. En retour, les rapports de l’ASCE peuvent être des sources d’informations pour la presse. Donc, si nous travaillons en tandem, nous arriverons à faire en sorte que les corrupteurs et les corrompus se retrouvent dans un environnement hostile, à même de les dissuader. Et il faut que le risque d’être pris et le risque d’être sanctionné soient les plus grands possibles.

Propos recueillis par Adama SIGUE

 


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