HomeDroit dans les yeuxMAUVAISE EXECUTION DES OUVRAGES PUBLICS:Peut-on émerger sans de bonnes infrastructures ?

MAUVAISE EXECUTION DES OUVRAGES PUBLICS:Peut-on émerger sans de bonnes infrastructures ?


L’un des termes les plus usités aujourd’hui en Afrique est le mot « émergence ». Une sorte de course contre la montre semble engagée par les Etats pour atteindre cet objectif. Dans cette perspective, des chantiers d’ouvrages publics poussent comme des champignons. Cela est une bonne chose a priori, puisque l’émergence passe nécessairement par là. Mais l’on peut se poser des questions sur la qualité de ces ouvrages. Au Burkina Faso, cette inquiétude est d’autant plus justifiée que par le passé, des cas d’ouvrages publics mal exécutés ont été déjà constatés.

Les structures de gestion des marchés publics sont de véritables cavernes d’Ali Baba

Le dernier cas en date est celui du tronçon Dédougou-Nouna-Djibasso-Frontière du Mali. Des failles, qui ont été portées à la connaissance du public par la presse, ont été relevées dans l’exécution des travaux de cette route qui suscite beaucoup d’espoir pour les populations en termes d’échanges et de désenclavement. Au-delà de cet exemple, l’on peut avoir l’impression que certains ouvrages publics (routes, pistes rurales, écoles, barrages, etc.) sont mal exécutés au Burkina. Quelles peuvent en être les causes ? Quelles solutions peut-on envisager pour y remédier ?

Par rapport aux causes, l’on peut dire qu’elles sont multiples. D’abord, l’on peut relever le manque de transparence dans le processus de passation des marchés publics. Toutes sortes de magouilles et de tripatouillages se font à ce niveau. En réalité, les structures mises en place par l’Etat pour gérer les marchés publics sont de véritables cavernes d’Ali Baba âprement disputées par des fonctionnaires sans scrupule. Du coup, l’équité des soumissionnaires, qui devrait être observée, est biaisée. Au finish, les marchés sont attribués à des copains et à des coquins pour lesquels l’essentiel est d’empocher l’argent au plus vite. La qualité des travaux est le cadet de leurs soucis. Ensuite, l’on peut déplorer le fait que l’on confie des travaux qui requièrent un haut niveau de technicité, à des entreprises qui peuvent avoir des difficultés à construire une simple cantine scolaire, parce que, visiblement, elles n’ont ni les ressources humaines, ni les ressources matérielles nécessaires pour conduire les travaux dans les règles de l’art. A cette insuffisance, l’on peut ajouter la boulimie de certaines entreprises qui ferraillent pour s’arracher plusieurs marchés à la fois, alors qu’elles savent qu’elles n’ont pas suffisamment les moyens humains et matériels pour tenir les délais. Aussi, assiste-t-on souvent à des abandons de chantiers et à des délais outrageusement dépassés, dans l’exécution de certains ouvrages. La dernière cause de la mauvaise exécution des ouvrages publics réside dans l’accointance entre le monde politique et le monde des affaires. En réalité, derrière certains entrepreneurs qui connaissent aujourd’hui la notoriété, se cachent des hommes politiques, qui ont trouvé une astuce pour se faire de l’argent facile afin d’étendre leur empire politique. Le fait d’être à la fois juge et partie rend compliquée la tâche des techniciens chargés du suivi des travaux. Dans ces conditions, l’on peut parier que la mauvaise exécution des ouvrages publics a de beaux jours devant elle. Il faut être suffisamment téméraire voire fou, pour oser remonter les bretelles à de telles entreprises. Elles ont la « liberté » de bâcler les travaux au vu et au su de tout le monde.

La mauvaise exécution des ouvrages publics cause beaucoup de préjudices au pays

Des techniciens de contrôle routier, le Burkina en a certainement. Mais des techniciens de contrôle qui peuvent prendre le risque de faire reprendre des travaux visiblement mal exécutés par certaines entreprises sont rarissimes. A toutes ces causes, l’on peut ajouter le manque de concertation en amont, entre les services dont la collaboration s’avère pourtant nécessaire pour réaliser des infrastructures de qualité. Il n’est pas rare de voir des routes bitumées, fraîchement construites, éventrées et charcutées par les services de l’ONEA (Office national de l’eau et de l’assainissement) pour installer des canalisations. Tout cela fait désordre et nécessite qu’on repense véritablement les choses. Cela dit, la mauvaise exécution des ouvrages publics cause beaucoup de préjudices au pays. Elle renvoie notamment aux calendes grecques, le rendez-vous avec l’émergence. Pour y remédier, il faut punir les entreprises fautives. L’Etat est donc interpellé. Il doit sévir car, l’enjeu ici, c’est le développement du pays, qui va demeurer un mythe tant que les infrastructures publiques seront mal exécutées. Mais avant, l’Etat doit respecter tous ses engagements vis-à-vis des entreprises qui exécutent ses travaux. Les décaissements notamment doivent se faire à temps, de manière à leur permettre de remplir leur part de contrat. Cela naturellement ne peut être envisagé qu’à la condition d’une déconnexion entre le monde politique et le monde économique. C’est dans ces circonstances seulement que l’on peut espérer marcher résolument et irréversiblement vers l’émergence. Autrement, l’on se chatouille pour rire.

Sidzabda


Comments
  • Par rapport à l’article sur la construction des routes, je confirme en tant que résidente du secteur de Boulmiougou que l’échangeur sur la route nationale qui va vers les grandes villes de Koudougou et de Bobo crée déjà des inquiétudes.

    19 août 2014

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