HomeA la uneMe HALIDOU OUEDRAOGO, PRESIDENT DE LA COMMISSION CONSTITUTIONNELLE : « Ce qui s’est passé à propos de l’article 37, ne devrait plus jamais se répéter… »

Me HALIDOU OUEDRAOGO, PRESIDENT DE LA COMMISSION CONSTITUTIONNELLE : « Ce qui s’est passé à propos de l’article 37, ne devrait plus jamais se répéter… »


C’est le vendredi 10 juin 2016 que Me Halidou Ouédraogo, connu pour son activisme dans la défense des droits de l’Homme, a été nommé, par décret pris en Conseil des ministres, à la tête de la Commission constitutionnelle. La Commission qu’il est amené à diriger sera chargée d’élaborer une nouvelle Constitution pour le passage à la Ve République au Burkina Faso. Mais déjà, des voix s’élèvent pour décrier, entre autres, les procédures de mise en place de l’équipe constitutionnelle. Le 14 juin 2016, dans la soirée, nous avons rencontré son président, à son cabinet, entouré d’une pile de documents disposés dans sa bibliothèque, sur son bureau et à même le sol. « J’ai ici les Constitutions les plus élaborées du monde », nous dira-t-il. Justement, à notre arrivée, l’Homme tenait entre les mains, la Constitution de l’Allemagne. Lisez cet entretien que nous avons eu avec lui.

 

Vous avez été nommé président de la Commission des réformes constitutionnelles. Dans quel esprit vous trouvez-vous en ce moment ?

 

Nous sommes toujours sur la brèche. Se voir être commis à cette tâche, c’est exaltant. C’est difficile mais enthousiasmant. Les évènements d’octobre 2014 ont créé, dans notre pays, des espaces de droit, de liberté et des possibilités. La préoccupation principale qui est posée ici, c’est de construire un pays démocratique susceptible de favoriser son développement de façon pleine et entière. Pour cela, il faut une loi fondamentale. Ce qui s’est passé à propos de l’article 37, ne devrait plus jamais se répéter dans notre pays. Les autorités actuelles ont décidé de tenir leur promesse d’écrire une Constitution pour la Ve République et cela mérite d’être regardé de très près. Nos populations et nos intellectuels, tout le peuple,  à quelque niveau que ce soit, doivent mettre tout en œuvre pour que cela soit une réussite. Donc, je me trouve dans une bonne disposition d’esprit.

 

Quel rôle sera amené à jouer le président que vous êtes ?

 

J’ai suivi comme vous tout ce qui se passe. Le président d’une organisation est appelé à voir comment le travail doit se faire ; comment cela devrait s’organiser et comment réussir le travail. En tant que président, je constate, premièrement, que toutes les tendances et toutes les capacités de notre pays sont réunies au sein de cette Commission. Deuxièmement, il suffira et il faudra les amener à mesurer toute la confiance qui a été placée en chacun d’eux, en chacune des personnes membres de cette Commission. Troisièmement, il sera question de demander à chacun et à chacune de donner toute sa capacité pour que le travail n’échoue pas. Je dis cela parce qu’il faudra mettre de côté les appréciations subjectives, hâtives… comme le fait d’apprécier un travail qui n’est pas encore fait. Tout le monde sait qu’une Constitution ne peut pas s’écrire sans forme, sans cadre et sans hommes et femmes de bonne volonté capables de le faire. Mais avant même que cela ne prenne forme, il y a eu des critiques. Les critiques doivent prendre en compte l’aspiration des insurgés d’octobre 2014 et au-delà, tenir compte de l’aspiration de notre peuple depuis les années difficiles. Notre peuple a connu de belles années certes, mais il a aussi connu des années difficiles. Il faut donc faire en sorte que ces années difficiles ne se répètent plus, en faisant en sorte que ce qui est à venir soit meilleur. Cela doit se dessiner de façon entière, avec le concours de tous. Les critiques doivent se centrer sur cela. Donc, je vous invite à prendre part au débat. Les membres de la Commission doivent également se départir de ces critiques et s’adonner véritablement à la tâche à eux confiée. Ils sont appelés à écrire une loi fondamentale et à faire en sorte que cette loi fondamentale soit comprise, acceptée et que le peuple se l’approprie. Parce qu’elle prend en compte la règlementation  des pouvoirs de l’Etat et de toutes ses composantes. Donc,  les membres de la Commission doivent tabler sur des valeurs qui nous sont propres et propres à l’universalité. Ce sont les valeurs comme les droits humains, qui comprennent toute une panoplie de droits qui vont des droits politiques aux droits de l’environnement en passant par tous les droits possibles intégrés dans l’imaginaire des uns et des autres. Il s’agira de faire en sorte que notre peuple soit toujours respecté comme il l’a été et comme cela a été à la suite des évènements d’octobre 2014.

 

Parlant de critiques, d’aucuns disent effectivement qu’il y a eu une opacité autour de la composition des membres de la Commission. Etes-vous de cet avis ?

 

Cela m’importe peu. Quelle est cette opacité qui est dénoncée ? Nous avons tous entendu dire que la Constitution sera réécrite et cela, depuis la lutte pour limiter le nombre de mandats au président qui est parti. Le peuple qui s’est mis debout a exprimé sa volonté de changement et ensuite, il y a eu la Transition qui a été soutenue par la Constitution de la IVe république et la Charte de la Transition. Il a, ensuite, été décidé d’écrire une Constitution pour le passage à une Ve République demandée d’ailleurs par notre peuple. Tout le monde a suivi cela et tout le monde s’y attendait. Où est donc l’opacité ? Il faudra exprimer cette volonté de changement et pour ce faire, il faut créer un cadre. Ce cadre, tout le monde ne peut pas le créer. Il faut des responsabilités. Donc, avant la création du cadre, on peut opiner mais pas critiquer négativement puisqu’on n’a pas les données. Le cadre est créé et il est même composé de personnalités de notre pays. Et ces personnalités doivent effectivement faire en sorte que le travail qui leur a été confié, soit bien accompli. On ne peut pas critiquer objectivement une Commission avant même de connaître sa composition. Pourtant, les critiques ont commencé avant son installation, alors qu’il nous appartient de travailler ensemble. Les 90 personnes qui ont été nommées dans la Commission, sont responsabilisées et il leur appartient de faire en sorte que tout s’éclaircisse. Donc, en attendant, on ne peut pas parler d’opacité. Nous sommes en Afrique et nous connaissons le niveau d’avancement de chaque pays. Nous savons que notre peuple est un peuple de refus positif. Depuis 1932, il a refusé sa partition. Nous savons également que notre peuple a participé aux deux Guerres mondiales, à la guerre d’Algérie et celle d’Indochine. Ce sont nos frères qui ont lutté tout ce temps jusqu’à l’indépendance, des années 1960 à aujourd’hui. Il faut partir de la quintessence de toutes ces expériences et de ces situations pour sortir une Constitution qui va profiter à toute la population.

 

« On vient de boucler le cycle des scrutins, il faut maintenant construire l’Etat de droit »

 

Mais qu’en est-il de l’opportunité du moment ? Autrement,  ne pensez-vous pas que ces réformes constitutionnelles auraient dû être envisagées sous la Transition qui était supposée être neutre ?

 

Sous la Transition, il y a aussi eu des critiques. Mais je crois qu’il faut rendre un hommage particulier à la Transition. Pourquoi ? Parce que les gens ont critiqué les réformes sous la Transition, mais on lui doit un certain nombre d’initiatives. La Transition a joué son rôle. Les élections couplées présidentielle et législatives ont été tenues de façon excellente et cela a surpris le monde entier, l’Afrique, et même notre peuple qui les a acceptées. Il a été tenu loin des violences et on a vu des adversaires se donner des accolades, se féliciter… On vient de boucler le cycle des scrutins. Il faut maintenant construire l’Etat de droit. La loi fondamentale est le pilier de l’Etat de droit. Il faudra donc faire en sorte de ne pas décevoir le peuple. Ceux qui ont été choisis par le peuple doivent se sentir responsables collectivement et on leur demande de produire quelque chose qui reflète les aspirations de notre peuple. C’est ce à quoi nous allons nous en tenir.

 

Vous qui avez pris part à l’élaboration de l’ancienne Constitution, pensez-vous que beaucoup de points méritent d’être relus ?

 

Ah bon, vous savez bien que j’ai pris part à l’écriture de la Constitution de 1990 ! Ceux qui critiquent ne le savent peut-être pas. Il y en a qui se sont même permis de critiquer ce travail qui a guidé le pays pendant 30 ans, tout en ignorant les conditions dans lesquelles on a écrit le texte. Bref, nous sommes actuellement commis pour écrire la nouvelle Constitution et nous allons l’écrire. Il est demandé de créer une loi fondamentale conforme aux aspirations de notre peuple, traduites en partie dans le cadre de l’insurrection populaire et même avant l’insurrection  et plus au-delà. Il s’agit de créer les conditions d’un Etat de droit véritable, pour un progrès social réel au profit de notre population.

 

Le chef de l’Etat a déjà annoncé la couleur en déclarant que l’une de ces réformes porte sur l’indépendance de la magistrature. Trouvez-vous cela opportun ?

 

Bien sûr. De toute manière, il faut créer une loi fondamentale. Immanquablement, il y aura un préambule. Il y aura un titre consacré à l’Exécutif, à savoir le président du Faso et son gouvernement. Il y aura un titre consacré au législatif et un autre consacré à la Justice. A l’intérieur des titres, nous allons procéder à des réformes. Si les constituants doivent les prendre en compte pour que ce soit une loi fondamentale complète et réelle, on les prendra. La question de la magistrature sera aussi évoquée dans l’écriture de cette Constitution. On peut noter des points qui font la fierté de notre pays. Au niveau du partage du pouvoir, il y a des dispositions qui sont là. Il faut seulement souhaiter que les principaux intéressés comprennent le sens de ce partage de pouvoir et que s’agissant justement de la séparation des pouvoirs, cela ne soit pas compris comme une muraille de Chine comme l’a dit le chef de l’Etat.

 

Dans une récente sortie médiatique, Dr Saïdou disait que si l’on n’y prend garde, la Ve République pourrait être pire que la IVe. Que lui répondez-vous ?

 

Il se base sur quoi, le Dr Saïdou, pour dire cela ? Moi, je l’attends à l’élaboration de la Constitution. S’il y a quelque chose, qu’il vienne nous le dire pour qu’on corrige. C’est ensemble que ce que nous allons faire, sera meilleur que sous la IVe république.

 

Mais est-ce que déjà on peut savoir ce que vous entendez faire et le chronogramme de vos activités ?

 

J’ai appris ma nomination et il faut quand même attendre de rencontrer les principaux acteurs de l’opération pour échanger. Nous ne sommes pas encore installés mais nous savons ce que nous devons faire. Maintenant, le chronogramme viendra par la suite, même si nous avons une idée de la forme que prendra le travail. Mais on ne devance pas l’iguane dans l’eau. Nous attendons de nous asseoir, d’échanger et de nous donner des conseils sur la conduite à tenir pour que ça marche. Concédez-nous le temps d’arriver à ce stade avant de revenir à vous pour le reste.

 

Propos recueillis par Adama SIGUE

 

 


Comments
  • HOMMAGE A NOS MARTYRS du 30, 31 Octobre 2014 et 16,17 Septembre 2015

    Tonton Halidou on vous respecte mais faites très attention car les pilleurs depuis 27 ans(trio) ne sont pas des enfants de chœur. Ils sont capables du pire dans la rédaction de la constitution pour leurs propres intérêts inavoués.

    A NOS MARTYRS QU’ILS SE REPOSENT EN PAIX. QUE JUSTICE LEUR SOIT RENDUE RAPIDEMENT
    .
    JUSTICE POUR NORBERT ZONGO
    JUSTICE POUR THOMAS SANKARA
    JUSTICE POUR SALIFOU NEBIE
    JUSTICE POUR DAVID A OUEDRAOGO
    JUSTICE POUR DABO BOUKARY

    VICTOIRE TOUJOURS AU BRAVE PEUPLE
    VIVE LA DÉMOCRATIE AU FASO
    VIVE LE BRAVE PEUPLE BURKINABÉ

    QUE LE SEIGNEUR BÉNISSE LE BURKINA QUE NOUS AIMONS TOUS.AMEN
    PAIX ET SUCCÈS A TOUS LES BURKINABÉS . AMEN

    ACHILLE DE TAPSOBA LE BOBOLAIS
    Insurgé

    16 juin 2016
  • Je crois Me Halidou Ouedraogo doit se tenir loin de ces affaires, quel qu’en soit son intelligence, à un certain âge il faut savoir se retirer sagement!

    19 juin 2016

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