HomeA la uneMISE A L’ECART ANNONCEE DES MILITAIRES DE LA SPHERE POLITIQUE : Il était grandement temps !

MISE A L’ECART ANNONCEE DES MILITAIRES DE LA SPHERE POLITIQUE : Il était grandement temps !


 

La Transition, nous l’avons déjà écrit, offre au Burkina Faso une opportunité historique de poser les jalons d’une démocratie vraie. L’un de ces jalons est l’organisation dans les règles de l’art, du double scrutin du 29 novembre dernier, qui a valu au pays l’admiration de tous. Un autre pourrait être la mise à l’écart annoncée des militaires de la sphère politique. A ce sujet, une commission a été mise en place,  le 30 novembre 2015. Ses membres ont été installés officiellement le mardi 8 décembre dernier par Michel Kafando himself. Ces derniers ont 6 mois pour faire des propositions allant dans le sens de la mise en place d’une armée véritablement républicaine.

La longue parenthèse du pouvoir kaki se caractérise par un long chapelet d’assassinats politiques

Cette finalité exige qu’il y ait une césure nette entre la carrière militaire et la sphère de la politique. Et cela est un minimum auquel s’attendent tous les Burkinabè épris de démocratie et de paix. Et pour cause. En 55 ans d’indépendance, sur les 8 présidents que le pays a connus, il n’y a que deux qui ne soient pas parvenus au sommet de l’Etat à la suite d’un pronunciamiento. Et ces deux, Maurice Yaméogo et Michel Kafando pour ne pas les nommer, réunissent à eux deux 7 ans de pouvoir. Six pour le premier (1960-1966) et un an pour le second. Pendant 48 ans donc, le Burkina a été dirigé par le pouvoir kaki. C’est un record mondial. Et personne ne doit s’en réjouir. Tous les démocrates devraient en pleurer. En effet, lorsque l’on fait sans complaisance le bilan de cet accaparement prononcé de l’espace politique par la Grande muette, l’on peut relever les éléments suivants. D’abord, au titre du bilan moral, les choses sont répugnantes. On peut le dire avec d’autant plus d’aisance que sous le long règne du capitaine Blaise Compaoré, l’on a pratiquement consacré l’immoralité voire l’amoralité. Et cela se décline en termes de non-respect systématique des jeunes vis-à-vis des aînés, du fils vis-à-vis du père, de l’élève à l’égard du professeur, du non-respect du bien public et de promotion de la culture de la courte échelle.  Cet affaissement moral a tué le goût de l’effort et du travail. Le renouveau du Burkina passe impérativement par le pansement de ces plaies morales. Et sans vouloir jouer les Cassandre, l’on peut affirmer que cela ne sera pas une tâche aisée. Ensuite, au titre du bilan politique, cette longue parenthèse du pouvoir kaki se caractérise par un long chapelet d’assassinats politiques, de tortures, d’intolérance et du refus maladif de tout discours contredisant ou nuançant les vérités du chef. Et à moins d’avoir une pierre à la place du cœur, l’on ne peut qu’avoir froid dans le dos devant le désastre humain dont se sont rendus coupables, à des degrés divers, certains de nos militaires. Sous ces régimes, le Burkina avait touché le fond de l’abîme en termes d’exactions, d’exécution sommaires et de traitements inhumains. Enfin, au titre du bilan économique, le tableau n’est pas particulièrement reluisant. Car, pendant que l’écrasante majorité des Burkinabè broyaient le noir, une minorité repue se livrait ostentatoirement à tous les excès.

Tout le monde a intérêt à ce que la commission installée par Michel Kafando n’accouche pas de mesurettes et de textes ambigus

C’est ce bilan calamiteux que nous lègue presqu’un demi-siècle de gouvernance militaire. Et trop, c’est trop. Il faut en  sortir définitivement. C’est pourquoi l’on peut dire qu’il était grandement temps de repenser les choses au niveau de l’armée, pour que plus jamais les Burkinabè ne dorment avec la peur de se réveiller et d’entendre sur les ondes qu’un groupe de soldats, d’officiers et de sous-officiers se sont vu obligés d’intervenir dans les affaires de l’Etat pour sauver la nation en péril. Ce genre de discours a rythmé la vie politique du pays. Et invariablement, ceux qui les ont prononcés, se sont, par la suite, mués en prédateurs des droits humains et de la démocratie. L’heure est donc à la renaissance de l’armée burkinabè. Et cette renaissance, si l’on veut véritablement qu’elle prenne appui sur les exigences de la démocratie, doit être portée par la société politique. Autrement, l’on court le risque d’aboutir à des réformes corporatistes dont la mise en œuvre ne résoudra pas fondamentalement le mal qui ronge notre armée. Pour éviter cela, la problématique de la restructuration de la Grande muette doit incomber en priorité au politique. C’est ainsi que toutes les nations civilisées ont procédé. Cela a l’avantage de battre en brèche l’idée surannée selon laquelle les questions qui touchent à l’armée relèvent de la compétence exclusive des seuls militaires. Cette vision est militariste et elle est aux antipodes de la démocratie. Et tout le monde a intérêt à ce que cette commission installée par Michel Kafando n’accouche pas de mesurettes et de textes ambigus qui pourraient être un jour exploités par les antidémocrates pour freiner la marche des Burkinabè vers la liberté et le développement. Pour ce faire, la société civile et le parlement qui sera mis en place dans les jours à venir, doivent mettre un point d’honneur à ce que toutes les propositions qui seront formulées par la commission soient en phase avec le renouveau démocratique en cours dans notre pays. De ce point de vue, seules les missions régaliennes de l’armée doivent être réaffirmées. S’en écarter un seul instant par des dérogations, pourrait ouvrir la boîte de Pandore d’où surgiront des pratiques qui ne peuvent que faire du mal au Burkina. Mais pour se donner toutes les chances de réussir la mutation républicaine de notre armée, il faut que la classe politique fasse du respect de la Constitution sa pierre philosophale. C’est cela qui peut contribuer à soustraire notre pays définitivement du péril kaki.

 

« Le Pays »


Comments
  • Conseil des ministres du 09/12/2015,
    Toutes mes excuses aux lecteurs, je ne suis pas jaloux de qui que ce soit, juste un brin réaliste. Eclairez ma lanterne, bonnes gens, y a-t-il déjà eu au monde, un ministre en fonction nommé pour aller ambassader? Je suis profondément déçu de cette fin de transition. La sagesse du vieux père a foutu le camp et il se laisse manipuler. La transition a-t-elle autorité pour prendre certaines décisions, surtout à quelques jours de sa fin? A qui le tour, car vite fait, on va se caser et caser ses copains, copines, coreligionnaires avant fin décembre et se mettre ainsi à l’abri. Le peuple n’est pas dupe. Qu’avez-vous fait de si exceptionnel? Etes-vous plus méritants que les autres? Comme le disait quelqu’un au lendemain de l’insurrection, le mérite ne se mérite ni à l’aune de la vitesse pour fuir les sicaires du RSP, ni à la quantité de lacrymogène inhalée. Il vous a été demandé de garder le temple, le temps que nous décidions de qui prendra les rênes de notre beau pays, pas de le piller, de vous remplir les poches et vus enrichir de manière astronomique et insultante. Il revient au président Rock, dès sa prise de fonction, de commander un audit sans complaisance de la transition, ceci le prémunira. Il lui revient également de revenir sur certaines nominations qui frisent l’indécence et même l’immoralité, car les plates-formes à venir des syndicats inscriront ces aspects en gros caractères. Pendant que les syndicats des AE luttent pour la promotion des professionnels, on nomme encore des allogènes, juste pour se récompenser, de quoi? La question reste posée.
    Honte à cette fin de transition, haro sur la mal-gouvernance.
    Dieu sauve le Burkina et donne la lucidité aux futurs gouvernants

    10 décembre 2015
  • C’est Thomas Sankara qui disait : « Un militaire sans formation politique et patriotique est un criminel en puissance » ! Cette assertion peut avoir une double interprétation. A notre humble avis, cette déclaration pose toute la problématique du rapport de l’Armée à la politique. Si la « mise à l’écart des militaires de la sphère politique » signifierait que les militaires sont interdits de faire la politique active, comme battre campagne ou mener des activités politiques pour accéder à la magistrature suprême, c’est tout à fait réaliste, faisable et même nécessaire ! Car l’Armée ne saurait se mettre au service d’un quelconque parti politique ! Mais, si par contre cette « mise à l’écart » signifierait de cantonner strictement les cadres militaires dans leurs casernes sans possibilité aucune en cas de besoins, qu’ils occupent des fonctions techniques et politiques, tels que : Ministres, Ambassadeurs, Directeurs etc. nous pensons humblement que ce serait une grave erreur à ne pas commettre ! Au demeurant, par exemple, si dans un gouvernement, les départements ministériels techniques et politiques sont professionnalisés, alors vous aurez les Ministères de la Défense et de la Sécurité qui constituent des secteurs très sensibles et stratégiques, et pour lesquels il faudrait également des spécialistes en la matière ! Que faire si même à ce niveau, il y’a des interdictions ? Voyez-vous, il y’a des questions qui ne sont pas seulement théoriques mais pratiques ! D’autre part, il faut que les cadres civils politiciens fassent également leurs autocritiques sincères dans la gouvernance de l’Etat, car ils n’ont pas toujours gouverné, pour ceux qu’on a connus, en respectant la volonté du peuple ! Conséquemment, ce sont les « Crises de Gouvernances », « la Mauvaise gouvernance », « Les tribalismes, les népotismes et les injustices sociales » qui conduisent toujours et le plus souvent à des « pronunciamientos » dans nos pays en Afrique ! A cet effet, le Burkina a raté plusieurs fois l’occasion d’instituer une Conférence Nationale, qui aurait pu traiter de toutes les questions d’intérêts nationales, dont la place et le rôle de l’armée dans notre structuration institutionnelle, démocratique et politique afin d’arriver à une stabilité démocratique, politique, économique et sociale dans l’intérêt du peuple Burkinabé ! C’est notre point de vue ! Dieu Bénisse le Burkina Faso ! Salut !

    10 décembre 2015
  • Personne ne doit se rejouir que sur 48 ans, 7 ans aient ete pour des civils comme presidents, sauf pour les rhetoriciens, pour qui la verite n’ est pas important. Emberlificoter les masses, ouiais, c’ est pus important pour eux. Plus jamais de militaires au pouvoir.

    22 décembre 2015

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