HomeA la uneMISE EN ACCUSATION DE BLAISE COMPAORE DANS L’AFFAIRE THOMAS SANKARA

MISE EN ACCUSATION DE BLAISE COMPAORE DANS L’AFFAIRE THOMAS SANKARA


Le 13 avril 2021, la Justice militaire a procédé à la mise en accusation de l’ex-président Blaise Compaoré dans l’affaire de l’assassinat de Thomas Sankara et ses compagnons le 15 octobre 1987. Suite à cette décision, nous sommes allés à la rencontre, hier dans la mi-journée, de Me Prosper Farama, l’un des avocats de la partie civile. Nous vous laissons découvrir ce qu’il nous a dit dans ce bref entretien dans son bureau à Ouagadougou.

 

« Le Pays » : La Justice militaire a mis en accusation l’ex-président Blaise Compaoré dans l’affaire de l’assassinat de Thomas Sankara et ses compagnons. Qu’est-ce que cela signifie sur le plan juridique ?

 

Me Prosper Farama : Sur le plan juridique, cette mise en accusation veut dire simplement que la Chambre de contrôle a confirmé que les éléments que le juge d’instruction avait réunis comme étant des charges suffisantes contre Blaise Compaoré pour l’amener dans un jugement dans l’affaire Thomas Sankara et ses compagnons, étaient avérés. Cela veut dire aussi que contre Blaise Compaoré, comme on le dit dans le jargon, il y a de nombreux indices graves et concordants qui tendraient à faire croire qu’il y a une implication personnelle dans l’assassinat de Thomas Sankara. N’empêche que Blaise Compaoré jouit, jusqu’à ce qu’il soit jugé et condamné éventuellement, de la présomption d’innocence. Donc, nous attendons qu’un jugement soit programmé pour que les parties puissent être éventuellement entendues.

 

Quelles sont les implications d’une telle mise en accusation ?

 

Déjà, cela signifie que l’ex-président Blaise Compaoré n’est pas, aujourd’hui, formellement, dans une situation d’enquête où on pouvait avoir des doutes sur son implication dans l’assassinat de Sankara. Aujourd’hui, Blaise Compaoré est un accusé qui va être jugé dans ce dossier. Qu’il comparaisse ou qu’il ne comparaisse pas, il va être jugé. Cela veut dire aussi que si la Justice le souhaite, elle peut, à partir de cette décision, réactiver d’éventuels mandats ou relancer de nouveaux mandats contre Blaise Compaoré pour qu’il soit amené au Burkina pour être jugé dans cette affaire qui le concerne.

 

Avec cette mise en accusation, certains ont-ils eu tort de penser que le dossier Thomas Sankara sera noyé dans cette affaire de réconciliation nationale ?

 

Je ne sais pas ce que les gens ont vraiment pensé mais nous tous, nous avons éprouvé, à un moment donné, cette crainte de voir le dossier noyé dans la réconciliation nationale quand on a entendu, d’une façon expresse ou tacite de la part des autorités burkinabè, que la réconciliation s’entendrait comme l’abandon éventuel des poursuites judiciaires engagées les uns contre les autres, et qu’il fallait prendre toutes les dispositions nécessaires pour que ceux qualifiés d’exilés politiques puissent rentrer au pays. Evidemment, en tant qu’avocat de la partie civile dans une telle affaire, on a éprouvé des craintes. Mais, ce que nous constatons, pour le moment, c’est que la Justice, jusqu’à preuve du contraire, poursuit sa marche normale. Donc, nous attendons de voir !

 

« A ce jour, moi, personnellement, je ne sais même pas le contenu exact de cette notion de réconciliation »

 

Le dossier Thomas Sankara peut-il impacter, selon vous, le processus de réconciliation nationale ?

 

Là, il faut poser la question aux politiciens parce que sur la question de la réconciliation, seuls les acteurs politiques en connaissent les vrais tenants et aboutissants. A ce jour, moi, personnellement, je ne sais même pas le contenu exact de cette notion de réconciliation. Si cette notion signifie assurer l’impunité à certaines personnes, il est évident que ce dossier aura forcément un impact sur le processus. Car, si on envoie des gens juger, alors la réconciliation s’entend qu’on ne juge personne et il y aura donc un couac quelque part. Mais si la réconciliation nationale s’entend le triptyque Vérité-Justice-Réconciliation, je ne vois pas où il pourrait y avoir une antinomie. Si la Justice, comme je le pense, doit se faire avant la réconciliation, il n’y a pas de problème.

 

A quand faut-il s’attendre à la tenue du procès de l’affaire Thomas Sankara et ses compagnons ?

 

Je ne suis pas l’acteur principal qui puisse programmer ce procès et donc, je n’en sais rien. Mais pour nous, partie civile,  on s’attend à ce que le procès ait lieu le plus tôt possible parce que cela fait de longues années que les parents des victimes attendent ce jugement. Maintenant que nous avons passé toutes les étapes procédurales, pour le jugement, nous espérons que ce sera le plus tôt possible.

 

En tant qu’avocat de la partie civile, quel sentiment vous anime face à l’avancée actuelle du dossier Thomas Sankara ?

 

Pour nous, c’est un grand soulagement. Lorsque vous suivez un dossier pendant des dizaines d’années, à la fin, cela devient une charge morale qu’il faut évacuer à un moment donné ou à un autre. Donc, quand on arrive vers l’épilogue, on est soulagé parce qu’on se dit que l’objectif tant recherché depuis des années, est en train d’être atteint. Le jour où ce jugement se fera, quoi qu’il advienne, si le jugement se tient dans les conditions normales d’un procès normal, aussi bien les accusés que les victimes s’en trouveront soulagés. Et à partir de ce moment, on pourrait passer à autre chose, surtout quand on aura le jugement et quand on aura connu la vérité sur l’assassinat de Thomas Sankara et ses compagnons.

 

Entretien réalisé par Michel NANA

 

 


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