MISE EN PLACE DE LA ZLEC A NIAMEY
L’Union africaine (UA) a tenu, le 7 juillet dernier à Niamey, capitale du Niger, un sommet extraordinaire. L’objectif de cette rencontre au sommet, est la création de la ZLEC (Zone de libre-échange continental). D’entrée de jeu, l’on peut saluer la pertinence de l’initiative. En effet, la ZLEC a pour vocation de donner un coup de fouet au commerce intra-africain qui stagne à 15% contre environ 47% en Amérique, 61% en Asie et 67% en Europe. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En effet, en matière d’échanges interafricains, le continent noir présente un tableau piteux, comparativement aux autres. Il est heureux donc que l’Afrique ait pris conscience de cela et ait mis un point d’honneur à inverser les tendances. L’on peut se réjouir que cette préoccupation soit partagée par presque tous les pays du continent. Et au nombre de ces pays, l’on peut s’arrêter sur l’Egypte, l’Afrique du Sud et le Nigeria. Ce dernier cité, qui, initialement, s’était montré réticent au projet, a fini par parapher, via son premier responsable, Muhamadu Buhari, l’acte de naissance de la ZLEC. Et cet acte vaut son pesant d’or puisque le Nigeria est aujourd’hui la première puissance économique du continent. Et il représente avec l’Egypte et l’Afrique du Sud, 50% du PIB cumulé de l’Afrique. De la même manière que l’Union européenne (UE) ne peut pas se passer de la première puissance européenne, c’est-à-dire l’Allemagne, l’Afrique ne peut pas espérer une ZLEC fiable et viable sans la participation de sa première puissance économique. Et ce qui rend davantage l’adhésion du Nigeria indispensable à la ZLEC, est que ce pays est non seulement la première puissance économique du continent, mais aussi sa première puissance démographique. Chapeau bas donc à Muhamadu Buhari, pour avoir compris, même si cela intervient sur le tard, que la place de son pays est dans la ZLEC.
Pour réaliser ce genre de projets, les pays de l’UA ont l’obligation de partager certaines valeurs en matière de gouvernance politique
L’on peut enfin relever et saluer à sa juste valeur, le rôle déterminant joué par Mahamadou Issoufou pour l’avènement de la ZLEC. En effet, le président nigérien aura tout fait pour intéresser ses pairs à ce puissant outil économique d’intégration des pays du continent. Et à cet hommage, l’on peut associer celui qui doit être rendu à l’homme mince de Kigali, Paul Kagamé. En effet, le président rwandais a mis à profit son mandat à la tête de l’UA, pour convaincre ses pairs de la nécessité pour l’Afrique, de se prendre en charge. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la ZLEC peut en être un des moyens. Depuis 1963, date de la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), ancêtre de l’UA, des visionnaires comme Kwame Nkrumah y avaient pensé, allant même jusqu’à préconiser que les micro-Etats que représentent les pays africains, se fondent en un seul Etat à l’effet de mieux peser dans le concert des nations. Et pour lui, il n’y avait pas d’alternative à cela. L’on se souvient, en effet, de sa célèbre formule prémonitoire martelée face à ses pairs à l’occasion de la création de l’OUA en 1963 et qui se résumait en ces termes : « S’unir au périr ». 56 ans après, l’UA, en créant la ZLEC, semble avoir compris en partie le message de l’Osagyefo. En tout cas, l’on peut avoir l’impression que l’UA veut enfin grandir au regard du grand nombre de pays qui ont fait le déplacement de Niamey pour mettre en route la ZLEC. Mais le tout n’est pas de créer la ZLEC. Il s’agit maintenant de la rendre opérationnelle dans l’intérêt du continent. Ce défi sera difficile à relever. Et pour cause. Les embûches ne manqueront pas de se dresser sur la route. Il y a d’abord, les égoïsmes nationaux. En effet, certains petits esprits pourraient voir en l’avènement de la ZLEC, un danger pour leur souveraineté et pour leurs intérêts. Et c’est cet esprit qui avait eu raison du projet panafricaniste de Kwame Nkrumah. Et l’on se remémore la phrase assassine de Houphouët Boigny selon laquelle « la Côte d’Ivoire ne sera pas la vache à lait de l’Afrique ». La deuxième entrave à l’opérationnalisation de la ZLEC, peut être d’ordre exogène. En effet, les puissances occidentales et plus particulièrement les anciennes puissances coloniales, peuvent être disposées à ne pas permettre que l’Afrique s’accorde pour promouvoir les échanges interafricains. Et comme les Africains sont facilement manipulables, ces puissances occidentales, auxquelles il faut ajouter celles de l’Asie, trouveront au sein de l’UA des pays qui n’auront aucun scrupule à poser des peaux de banane sur le chemin de la ZLEC.
Les Africains doivent cesser de croire que leur sécurité doit être assurée par les autres
La troisième et derrière embûche qui pourra se dresser sur la route de la ZLEC, est liée à ceci. Pour réaliser ce genre de projets, les pays de l’UA ont l’obligation de partager certaines valeurs en matière de gouvernance politique. Et une de ces valeurs, est incontestablement la démocratie. Et sur ce terrain, l’on peut faire le constat que tous les pays africains sont loin d’être logés à la même enseigne. Si les Européens ont pu faire des avancées dans le cadre de l’UE, c’est parce que chaque pays membre est soumis à cette valeur. Ce qui est loin d’être le cas de l’UA où les dictateurs font bon ménage avec les démocrates. Cela dit, les populations africaines fondent beaucoup d’espoirs sur la ZLEC. De ce point de vue, cet instrument doit être plus celui des peuples que celui des présidents. En tout cas, c’est aux résultats que les populations jugeront. En attendant, l’on peut souhaiter bon vent à la ZLEC. Car, le plus long voyage commence toujours par un premier pas. Et c’est ce premier pas que l’UA vient de faire à Niamey. Seule l’atypique et sulfureuse Erythrée n’a pas daigné le faire. En plus de la création de la ZLEC, les chefs d’Etat et de gouvernement ont aussi échangé sur le terrorisme dans le lac Tchad et dans le Sahel africain. Là aussi, les propositions formulées par l’hôte du sommet, Mahamadou Issoufou, ont reçu l’approbation pratiquement de tous les participants. En rappel, le président nigérien appelle à une coalition internationale contre le terrorisme en Afrique à l’exemple de celle qui a été mise en place en Syrie et en Irak. Le président nigérien est dans son bon droit de formuler cette requête car quelque part, la communauté internationale, pour avoir chassé le dictateur libyen sans en assurer le service après vente, est responsable en partie de ce qui arrive aujourd’hui au Sahel africain. Cela dit, les Africains doivent cesser de croire que leur sécurité doit être assurée par les autres. Pour ne l’avoir pas compris très tôt, ils sont réduits aujourd’hui à se lamenter. Et cela n’émeut plus vraiment les grands de ce monde.
« Le Pays »