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MORT DE 12 PREVENUS A TANWALBOUGOU


Dans la déclaration ci-dessous du procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Fada N’Gourma, il ressort qu’aucune « trace n’est visible » sur les corps des prévenus retrouvés morts dans leur cellule à Tanwalbougou. Il précise toutefois que pour les besoins d’une enquête approfondie, le dossier sera transmis au procureur militaire. Lisez !

« Par un communiqué en date du 13 mai 2020, nous informions l’opinion nationale de l’ouverture d’une enquête à la suite du compte rendu qui nous a été fait par le Commandant de Compagnie de gendarmerie de Fada N’Gourma, le 12 mai 2020, de ce que vingt-cinq (25) personnes interpellées par La gendarmerie de Tanwalbougou pour suspicion de faits de terrorisme ont été gardées dans les locaux du poste, mais que malheureusement douze (12) d’entre elles ont perdu la vie.
1-Sur les actes d’enquête qui ont été posés. Au reçu de cette information, deux enquêtes ont été ouvertes :

-La première a concerné les faits de terrorisme reprochés à vingt-cinq personnes interpellées pour suspicion de terrorisme dont douze ont trouvé la mort.

-La deuxième a concerné les douze (12) corps sans vie dans les locaux de la Brigade à Tanwalbougou.

S’agissant de cette deuxième, elle a permis aux Officiers de police judiciaire de la Brigade de Recherche de la Gendarmerie de Fada N’Gourma de se rendre à la gendarmerie de Tanwalbougou pour le constat d’usage, en compagnie de l’infirmier chef de poste de Tanwalbougou. Le constat de douze (12) corps sans vie a été fait avec des prises de photos. Et sur la trentaine de clichés qui ont été pris et produits dans le dossier, aucune trace n’est visible sur les douze (12) corps.

Par le certificat médical daté du 18 mai 2020 délivré par l’infirmier chef de poste, celui-ci certifie avoir examiné les corps sans vie de douze (12) personnes au sein du poste de sécurité de Tanwalbougou.

Que l’examen physique révèle des corps inertes, rigides à la palpation et qu’on ne note pas de lésions d’allure traumatiques sur les corps et qu’il n’a pas non plus observé de saignement sur les corps. Il a conclu qu’au vu de ce constat, il n’a aucun
élément matériel pour préciser la cause exacte des décès et que cependant, seule une autopsie pourrait permettre de situer les causes exactes.

Nous avons alors, après ces constatations, sollicité l’aide de la mairie de Fada N’Gourma pour que les corps puissent être transférés au Centre hospitalier régional de Fada N’Gourma pour que des investigations plus approfondies soient menées.

C’est ainsi que Monsieur le
maire, avec toute son équipe, à

qui nous disons un grand merci, a pu mobiliser deux ambulances qui sont allées chercher les corps pour les ramener à la morgue du CHR de Fada N’Gourma dans la soirée du 12 mai 2020.

Il a été requis des médecins du Centre hospitalier régional de Fada de procéder à un examen plus approfondi des corps et envisager la réalisation d’une autopsie.

Le 13 mai 2020 au matin, nous nous sommes rendus à la morgue du Centre hospitalier régional de Fada N’Gourma à l’effet, d’une part, de faire le constat et d’autre part, assister à l’examen des corps avec les médecins requis à cet effet.

Nous avons pu nous-même constater la présence de douze (12) corps dans une salle de la morgue, à gauche, dès l’entrée. Nous avons senti une forte odeur nauséabonde. Chaque corps était recouvert d’un linceul blanc et scotché.

Malheureusement, la morgue ne disposant pas de chambre froide, les corps n’ont pas pu bénéficier de bonnes conditions de conservations. Les médecins requis ont fait le constat que les corps étaient en état de putréfaction et que dans ces conditions, leur examen ne pouvait être fait. Et un rapport médical en réponse à la réquisition, nous a été produit, daté du 13 mai 2020 et signé par le Docteur Hamadoum Dicko et onze (11) autres médecins.

C’est ce qui nous a amené à envisager la mise des corps à la disposition des familles qui étaient présentes à la morgue pour leur inhumation avec le soutien des autorités communales sollicitées à cet effet.

L’enquête a permis d’auditionner quinze (15) personnes à savoir:

-Le commandant du poste de sécurité de Tanwalbougou ;

-Les douze (12) détenus survivants parce qu’un a été libéré provisoirement compte tenu de son âge avancé et de sa condition physique ; Et parmi les douze, trois (03)
étaient dans la même cellule avec ceux qui sont décédés. Ils ont été entendus comme témoins oculaires des faits. Ils expliquent tous avoir été appréhendés ensemble avec ceux qui sont décédés dans le marché de Kpentchangou. Ils mentionnent à l’unanimité que les infortunés n’ont pas été exécutés par balles.

-Deux parents des personnes décédées.

Les résultats de ces enquêtes ne permettent pas de déterminer les causes exactes de ces décès, d’où la nécessité d’envisager des investigations plus approfondies qui sont toujours possibles.

11-Sur les suites de ces deux enquêtes

Pour l’enquête concernant les treize (13) autres personnes interpellées pour suspicion de fait de terrorisme, elle est toujours en cours et beaucoup d’actes ont déjà été posés. Les investigations se poursuivent toujours et le Procureur du Faso du pôle judiciaire spécialisé anti-terrorisme a déjà été informé afin que des initiatives soient prises pour que la Brigade spécialisée dans les investigations anti­ terroristes soit saisie pour approfondir cette enquête. Nous rassurons que si ces personnes, à la fin des enquêtes, n’ont rien à voir avec les faits pour lesquels elles ont été interpellées, elles seront immédiatement remises en liberté.

Pour l’enquête concernant les douze (12) personnes décédées, au stade actuel, les faits tels qu’ils résultent de l’enquête ouverte s’ils devaient recevoir une qualification pénale et au regard des articles 34, 45 et 46 de la loi no24-94/ADP modifiée par la loi n044-201/AN portant code de justice militaire, relèvent de la compétence du Tribunal militaire étant donné que les faits se sont déroulés dans un service ou établissement militaire.

En effet, l’article 34 que dessus cité, prévoit que les juridictions militaires sont compétentes pour instruire et juger les infractions de droit commun commises par les militaires ou assimilés dans le service ou dans les établissements militaires ou chez l’hôte ainsi que les infractions militaires prévues par le présent Code conformément aux règles de procédure applicables devant elles.

L’article 45 précise qu’en temps de guerre, la compétence des juridictions militaires s’étend en outre aux infractions commises par les prisonniers de guerre, aux infractions à la législation sur les armes et munitions, à toute infraction dans laquelle se trouve impliqué un militaire ou assimilé, aux infractions connexes telles que définies par le Code pénal.

Et enfin, l’article 46 prévoit qu’en période d’état d’urgence ou d’état de siège décrété dans tout ou partie du territoire, les juridictions militaires sont également compétentes pour connaître des infractions visées à l’article précédent ainsi que des infractions fixées par la loi organique sur l’état d’urgence ou des infractions
énumérées par la législation sur l’état de siège.

La procédure sera donc transmise au Procureur militaire afin qu’il soit requis par cette autorité, des investigations plus approfondies s’il y a lieu et les éventuelles suites à y donner.

Et pour terminer, nous déplorons ce qui est arrivé à Tanwalbougou, qui nous attriste tous et réitérons toutes nos sincères condoléances aux familles des disparus.

Fada N’Gourma, le 27 mai 2020.

Le Procureur du Faso


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