MORT DE MATHIEU KEREKOU : Un baobab politique vient de s’écrouler
Le Général Mathieu Kérékou a tiré sa révérence hier à l’âge de 82 ans. Au regard de la stature de l’homme et de la place qu’il a occupée par deux fois au sommet de l’Etat, la disparition de ce personnage pour le moins iconoclaste, est un véritable coup de tonnerre dans le ciel béninois. Pour un caméléon, c’en était vraiment un et il avait même choisi pour emblème ce reptile dont il portait le nom en guise de sobriquet. Un sobriquet qui renforçait le halo de mystère dont il aimait volontiers s’envelopper. Un peu à la manière de François 1er qui avait pour emblème la salamandre. Mathieu Kérékou qui s’est abreuvé à la source du marxisme-léninisme, a révolutionné son pays, et c’est peu dire.
Kérékou, c’est une vie bien remplie
Sous sa houlette, le Dahomey devient le Bénin et il fit de ce minuscule pays coincé entre le Nigeria, le Niger, le Burkina, le Togo et l’Océan Atlantique, le point d’attraction de toute la sous-région entre 1975 et 1989. Et pour cause. Le marxisme-léninisme était la bible de ce bruyant et petit pays fortement désireux de se soustraire des fourches caudines du sous-développement dans lequel l’avaient plongé tous les prédécesseurs du caméléon. Pour installer un régime de ce type à l’époque, il fallait avoir du cran et le Général en avait à revendre. Mais l’homme finit par renoncer à l’idéologie marxiste, pour entrer dans le giron du libéralisme, un peu comme gêné aux entournures par un environnement hostile. Mathieu aura, somme toute, une extraordinaire baraka en politique. Il aura étrenné le fauteuil présidentiel par deux fois avant de le céder à des héritiers politiques plus ou moins méritants. Mais entre-temps, la conférence nationale sera passée par là, impulsée et encouragée par le discours de la Baule en 1990. Ce fut le premier pays qui, en Afrique, expérimentera ce type d’assises nationales qui allaient, du reste, transfigurer le Bénin. En expérimentant et avec succès, les conférences nationales en Afrique, ce pays méritera le label de laboratoire de la démocratie sur le continent noir. Kérékou, c’est une vie bien remplie et qui était en fin de cycle. Ce marxiste qui, fort curieusement, croyait au pouvoir des amulettes et des statuettes (il en brûlera des dizaines de kilos en guise de repentir), laisse, à tout considérer, un précieux mémorial pour le Bénin.
« Le Pays »