HomeA la uneNATHALIE SOME, PRESIDENTE DU CSC : « Je déplore ce journalisme de type nouveau qui fait dans l’acharnement… »  

NATHALIE SOME, PRESIDENTE DU CSC : « Je déplore ce journalisme de type nouveau qui fait dans l’acharnement… »  


 

Certains l’appellent affectueusement la « grande sœur », d’autres « la dame de fer ». C’est selon ! Nathalie Somé, présidente du Conseil supérieur de la communication (CSC) puisque c’est d’elle qu’il s’agit, n’est plus à présenter. L’institution qu’elle dirige fait face à une grave crise qui aura duré depuis plus d’un an. Les faits remontent au coup manqué du 16 septembre 2015 où un des conseillers accusé d’être de mèche avec les putschistes, avait été demis de ses fonctions. S’en est suivi un bras de fer judiciaire. Dans l’interview qu’elle a bien voulu nous accorder, le 28 octobre dernier, Nathalie Somé revient avec force détails sur cette affaire. Tirant leçon de ce qui s’est passé, elle pense qu’une révision de la loi organique du CSC s’impose, surtout que, dit-elle,  cette loi comporte beaucoup d’insuffisances. Pour cela, elle dit ne pas craindre qu’une éventuelle révision de la loi organique du CSC, aboutisse au départ de l’équipe qu’elle dirige. Ce serait « sans regret », conclut-elle.

 Comment se porte le CSC ?

 

Le Conseil supérieur de la communication (CSC) se porte bien, puisque la capitaine se porte bien (rires…). Le CSC continue d’afficher ses ambitions, les ambitions d’une institution qui sait ce qu’elle veut, celles d’une institution forte, crédible, qui assure au mieux ses missions de régulation de la communication. Du reste, le CSC vient de se doter d’un ambitieux plan stratégique pour la période 2017-2021, une première dans l’histoire de l’institution.

C’est quoi ce plan stratégique. Est-ce qu’on peut en savoir davantage ?

Le sens premier d’un plan stratégique c’est de dire qu’on ne navigue pas à vue. Le plan stratégique 2017-2021 du CSC est une feuille de route. C’est un document de planification qui traduit la vision de l’institution sur les cinq prochaines années et les moyens de réalisation de cette vision. Nous disons qu’après le formidable travail abattu par nos prédécesseurs, Adama Fofana pour qui nous avons une pensée pieuse, Luc Adolphe Tiao, Béatrice Damiba, pour asseoir l’institution et lui assurer un ancrage institutionnel, il nous fallait amorcer une autre étape, celle du développement institutionnel qui va consister à donner au CSC ses véritables lettres de noblesse. C’est-à-dire faire du CSC une institution forte, crédible, une institution de référence dans la sous-région, qui contribue amplement à l’enracinement de la démocratie, parce qu’elle aura travaillé à asseoir une presse plus professionnelle et responsable.

Ce plan va coûter la bagatelle de 9 milliards de F CFA, avec 77 actions à réaliser, depuis l’acquisition des équipements de suivi des médias, en passant par un vaste programme de formation des professionnels de la communication jusqu’au plan de carrière des agents, le renforcement des mécanismes de régulation, etc. Neuf milliards de F CFA, c’est beaucoup d’argent. Nous sommes conscients des contraintes budgétaires de l’Etat, mais disons également que nous sommes confiants quant aux capacités de l’Etat à actionner certains ressorts de coopération pour nous accompagner. La régulation de la communication est un enjeu sociétal qui vise la consolidation de la paix et de la cohésion sociale. Cela n’a pas de prix, mais un coût. L’Etat en sera, nous l’espérons, le principal financier. Ce qui n’exclut point que nous allions rechercher d’autres sources de financement.

Madame la Présidente, vous présentez un tableau très beau du CSC, et pourtant, vous faites l’objet d’attaques de toutes parts, liées à votre gestion. Que répondez-vous ?

N’exagérons pas ! Franchement, connaissez-vous beaucoup de responsables qui ne soient pas passés au fil de l’épée dans ce contexte post- insurrectionnel ? Ce n’est pas que l’on soit exempt de critiques, la critique est constructive. Mais ce qui chagrine, c’est ce journalisme de type nouveau qui fait dans l’acharnement, au mépris du simple principe basique du recoupement de l’information. Nous avons effectivement lu dans certains médias, toujours les mêmes, des choses qui, pour nous, s’apparentent plus à des ragots de sous-bois qu’à un désir réel d’informer, et je ne crois pas que le CSC doit pour autant s’arrêter de fonctionner.

Mais on a vu des organisations professionnelles marcher sur le CSC, faire des déclarations. Il y a également la démission d’un conseiller et des dossiers en justice. C’est quand même beaucoup de choses à la fois !

Si vous faites allusion à l’épisode des émissions interactives, je vous dirai que cet épisode n’a pas encore fini de livrer tous ses secrets. C’est bien naïf de croire que le mouvement d’humeur contre la décision de suspension des émissions interactives, était simplement une lutte pour le renforcement de la liberté de la presse. C’était tout sauf cela. A preuve, l’histoire nous a, par la suite, donné raison. La raison d’être du CSC est d’assurer le droit à l’information du citoyen ; lequel droit passe par la liberté de la presse, mais une liberté responsable sans laquelle le Burkina ne saurait connaître la prospérité. Et nous y travaillons chaque jour. Pour le conseiller démissionnaire, pourquoi faire des choux gras sur ce qui n’est pas ? Le conseiller démissionnaire dont vous parlez continue de siéger parce que son remplaçant n’est pas encore dûment nommé. Certains Burkinabè ont cette fâcheuse manie de vouloir expliquer ce qu’ils ne savent pas. Est-ce un crime pour un fonctionnaire  de chercher à enrichir son parcours professionnel d’une autre expérience, surtout si cette expérience est plus gratifiante ? Je ne crois pas.

Pour les dossiers pendants en justice, certainement que vous ne le savez pas, mais ce n’est pas la première fois que le CSC comparaît. Les précédents collèges ont vu également leurs décisions attaquées. Si ma mémoire est bonne, le CSC a un différend avec le journal le Quotidien qui n’est pas encore vidé et qui date de 2013. Mais pour me  recentrer sur votre préoccupation, je dirai qu’il n’y a qu’un seul dossier en justice, celui de l’Evènement contre une décision de suspension. Une mesure pour laquelle le CSC n’éprouve aucun regret, compte tenu de sa justesse. Pour le reste, c’est un conseiller qui attaque ses collègues. Je ne suis pas juriste, et comme les voies de la justice sont insondables, je me garde de tout commentaire. Mais je ne crois pas que quand il s’agit d’élection, on peut obliger un groupe de personnes à vous accorder sa confiance. Que vaudrait un tel acte, quelle légitimité ? C’est dans cette situation que nous sommes, avec le remplacement de Monsieur Désiré Comboïgo au poste de vice-président.

Suite à des soupçons de malversations relayés par certains médias, le CSC a été audité par l’ASCE-LC. Etes-vous inquiète ?

Le budget du CSC provient des fonds publics. C’est l’Etat qui met des ressources financières à la disposition de l’institution. C’est tout à fait normal que le CSC fasse l’objet de contrôle de la part de structures habilitées. Ça pouvait être aussi la Cour des comptes. Nous sommes assujettis à ce genre de contrôles et je dois vous dire que nous avons bien accueilli cet audit de l’ASCE-LC.

Certains spécialistes du droit pensent que le CSC gagnerait à revoir sa loi organique en vigueur, qui, dit-on, comporte beaucoup d’insuffisances (…).

Après  deux ans de mise en œuvre de la loi organique n° 015 qui régit le CSC, nous avons pu nous rendre compte effectivement des limites et insuffisances de cette loi. Je suis donc  parfaitement d’accord avec les spécialistes qui pensent que pour plus d’efficacité et de performance, cette loi a besoin d’être retouchée. Mais comme nous n’avons pas d’initiative législative, notre devoir sera de rendre compte de ces imperfections, constatées dans la pratique, aux autorités compétentes qui en décideront. Nous avons, de par la loi, un pouvoir de recommandation et de conseil à l’endroit du gouvernement, pour toute initiative dans le domaine de la communication dont le bon fonctionnement de l’autorité de régulation. Et sur cette base, nous ne manquerons pas de saisir les autorités compétentes de ce qui ne va pas bien dans notre loi organique.

 

Avez-vous envisagé la possibilité qu’à la suite de votre éventuelle saisine de l’autorité, cela aboutisse à une révision de la loi avec possibilité de départ de l’équipe actuelle que vous dirigez ?

 

Oui, nous n’écartons pas cette éventualité, et ce sera aux pouvoirs publics d’en juger en fonction de l’intérêt général et non des intérêts individuels des 9 membres du collège actuel. Je pense qu’en prenant la décision de saisir les autorités, nous avons d’abord le sentiment d’accomplir notre devoir en tant que première responsable de l’institution. Le prétexte idéal d’une relecture de cette loi est le désir des autorités actuelles de doter notre pays d’institutions fortes et stables à travers la réécriture de notre loi fondamentale ; ce serait dommage de ne pas nous inscrire dans une telle dynamique. Nos intérêts égoïstes doivent s’effacer devant l’intérêt supérieur de la Nation, et pour moi, ce serait sans regrets  si une nouvelle loi venait à commander le renouvellement du collège des conseillers. Nous sommes des commis de l’Etat et nous devrions pouvoir répondre présents partout où le devoir nous appelle. J’ai pour philosophie que l’Etat se renouvèle toujours par ses hommes.

Le CSC a récemment invité les médias, surtout audiovisuels qui conduisent des émissions interactives, au respect de l’éthique et de la déontologie. Une nouvelle bagarre en perspective… ?

 

Non, je ne crois pas. C’est dans l’ordre normal des choses. En matière de régulation des médias, c’est la veille et l’interpellation en cas de besoin. Nous sommes dans un contexte post-insurrectionnel encore fragile et sensible, et il ne faut pas que des violences surviennent du fait de la communication. Les médias, dans notre contexte actuel, devraient s’appliquer à aider à la canalisation de tous les efforts et de toutes les énergies des Burkinabè vers le développement ; toute autre option serait faillir. C’est pour cela que nous appelons toujours à la vigilance, les animateurs de ces émissions face aux propos des auditeurs. Il y va de la responsabilité de tous.

Quelle appréciation faites-vous de la mise en place du Fonds d’appui à la presse privée ?

La sagesse nous apprend que l’échec est orphelin, seul le succès a beaucoup de parents. J’éviterai de rentrer dans les détails de l’origine de ce Fonds, pour vous dire simplement que le CSC se réjouit de la mise en place du fonds d’appui à la presse. Notre souhait est que l’objectif recherché qui est la viabilité des entreprises de presse, soit atteint, que le comité de sélection des projets soit rigoureux et évite de faire dans la complaisance.

 

Comment le CSC peut-il contribuer à sa manière à l’atteinte des objectifs de ce fonds ?

 

Les médias sont sous la tutelle institutionnelle du CSC. A ce titre, le CSC dispose d’une banque de données sur les médias, qui pourrait aider le comité.  Vous le savez certainement, le CSC n’est pas représenté dans le comité d’octroi mais je déclare que notre expertise reste disponible.

Propos recueillis par Thierry Sou


Comments
  • Bonne interview

    5 novembre 2016
  • Impecable Madame la Presidente

    5 novembre 2016

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