HomeA la uneNKURUNZIZA  ET LA COURSE A LA PRESIDENTIELLE BURUNDAISE : Le sportif répond sévèrement au tacle de ses coéquipiers

NKURUNZIZA  ET LA COURSE A LA PRESIDENTIELLE BURUNDAISE : Le sportif répond sévèrement au tacle de ses coéquipiers


Ça y est, Nkurunziza vient de frapper et fort. En effet, il a mis à exécution ses menaces contre les frondeurs, en radiant de nombreux cadres de son parti parmi lesquels figurent des gouverneurs. Cette décision traduit la volonté du professeur d’EPS de poursuivre la course à la présidentielle. Mais en répondant ainsi sévèrement au tacle de ses coéquipiers, Pierre Nkurunziza court le risque de se mettre à dos le reste des membres de son parti. Car, depuis que l’épée de Damoclès a frappé le porte-parole du parti et le chef des services de renseignement, la fronde contre son projet de briguer un troisième mandat à la tête de l’Etat, a visiblement gagné du terrain.

En effet, on se rappelle qu’avec d’autres cadres du parti, le porte-parole du parti présidentiel, Onésine Nduwimana, et le porte-parole de Nkurunziza lui-même, Léonidas Hatungimana avaient lancé une pétition pour signifier clairement leur rejet d’un quelconque tripatouillage constitutionnel devant ouvrir la voie à un troisième mandat pour le chef de l’Etat burundais.

Le délitement de sa propre équipe  fragilise NKurunziza

Cette sorte de défection qui fait suite à toute une série de prises de positions hostiles à tout projet de tripatouillage constitutionnel par Nkurunziza, dont celle courageuse de l’Eglise catholique, complique la tâche au président. Et le coup est dur à encaisser par Nkurunziza, fût-il professeur de gymnastique. En effet, le gymnaste a été taclé par ses coéquipiers. Le triple saut qu’il veut faire à la tête de l’Etat, devient périlleux pour lui. En tout cas, l’hostilité de ses propres coéquipiers rend la partie beaucoup plus difficile pour lui. Tant que les contestateurs étaient loin de lui, il avait beau jeu de faire le dos rond. Mais, le délitement de sa propre équipe, le fait que des membres et non des moindres de cette équipe rejoignent avec armes et bagages le camp adverse, le fragilise.

En effet, des porte-parole qui tournent casaque, le fait est rare. Surtout en Afrique où cette casquette rime très souvent avec « griotisme ».   Un ministre de la communication dans les républiques bananières, ne rate généralement aucune occasion pour vanter contre vents et marées, les mérites, faire les éloges de son président bien éclairé. Jusqu’au jour de la débâcle. Que dire par exemple d’un certain Lambert Mendé, laudateur devant l’Eternel du régime Kabila au Congo par exemple ? Lui qui justifie sans sourciller toutes les turpitudes de l’actuel pouvoir de la RDC. D’habitude, le porte-parole d’un dictateur ne sait dire que ce que veut entendre son mentor. En Afrique, il est très souvent chargé de justifier l’injustifiable. Qu’il le veuille ou pas, le porte-parole du président n’ose point critiquer la moindre action du chef de l’Etat. Même en rêve. C’est dire combien cette attitude du porte-parole du président Nkurunziza et de celui du parti présidentiel, marque un tournant. Ces porte-parole ont décidé de ne plus cautionner les dérives de ceux au nom desquels ils avaient jusque-là parlé. Ils ont refusé de continuer à défendre des choses auxquelles ils ne croient pas ou plus. En le faisant, ils n’ignorent pas les risques énormes qu’ils courent. Ils ont décidé de s’assumer, quel que soit le prix à payer. Et ce courage mérite d’être salué à sa juste valeur.

Il serait bien que les opposants de tout bord aux velléités antidémocratiques de règne sans fin de Pierre Nkurunziza, accueillent et intègrent dans leurs rangs ces nouveaux parias de la galaxie présidentielle. A l’exemple de ce qui s’était passé avec les démissionnaires du parti de Blaise Compaoré en 2014, au Burkina, qui avaient rejoint et renforcé les rangs des opposants au projet de tripatouillage constitutionnel. Le mouvement burundais, qui s’inspire   de l’insurrection burkinabè, ferait mieux de tirer avantage de l’expérience du Faso pour se bonifier. Bien sûr qu’une telle perspective hante le sommeil de Nkurunziza. Car, comme on le sait, Blaise Compaoré, au temps où il était encore aux affaires, était une sorte de tête de pont de ceux qui règnent sans partage et rêvent de pouvoir à vie. C’était un prince qui avait su se rendre indispensable par ses médiations tous azimuts et qui suscitait la crainte. N’est-ce pas à lui qu’était revenue la responsabilité de recadrer Barack Obama sur sa vision de la démocratie en Afrique et ce, sur le sol même des Etats-Unis d’Amérique ? Cette audace avait été applaudie par bien des satrapes africains qui voyaient en Blaise Compaoré, leur chef de file, leur valeureux porte-parole. Quel ne fut donc leur désarroi quand, face à la clameur des croquants qui se rapprochaient de son palais, Blaise Compaoré, leur égérie, a dû prendre ses jambes à son cou, en plein midi !

Le temps où les peuples, en victimes résignées, se laissaient tondre, est révolu en Afrique

Cette leçon venue du Burkina, a assommé et écœuré bien des dictateurs. Seulement, en même temps qu’elle exaspérait ces partisans du règne sans partage, elle galvanisait les peuples opprimés. Mieux, elle achevait de convaincre certains proches des satrapes, des risques qu’ils encourent à encourager ceux-ci dans leurs dérives autocratiques. Tirant les enseignements de la galère des proches de l’ex-président burkinabè aux premières heures de la chute du régime Compaoré, les proches de certains tripatouilleurs et apprentis-tripatouilleurs de Constitutions ont décidé de ne plus subir, mais de réagir. Surtout que pour certains, connaissant la tradition de violence de leur pays, ils sont conscients que leurs peuples ne seront peut-être pas aussi tolérants que celui du Burkina dont le sens légendaire de la retenue a permis d’éviter bien des drames, des règlements de comptes. Du reste, de nombreux Burundais sont conscients des risques que leur président fait courir à leur pays. Eux qui ont déjà connu les affres du génocide, ne sont pas prêts à laisser Nkurunziza les entraîner encore sur les chantiers de la guerre. Les cadres du camp présidentiel burundais qui militent, comme la société civile et les opposants politiques, pour le respect de la Constitution, ont compris cette aspiration du peuple burundais à une paix véritable. Refusant de cautionner l’ingratitude dont fait preuve Nkurunziza qui a vite fait d’oublier qu’il doit son accession au pouvoir à l’accord de paix d’Arusha, les cadres frondeurs du parti au pouvoir, ont fait le bon choix pour la paix dans le pays. Nul doute que l’appel du bagnard évadé, Hussein Radjabu, ancien chef du parti au pouvoir, à contrer les velléités de Nkurunziza ainsi que la mobilisation populaire pour la libération du journaliste Bob Rugurika, ont aussi contribué à les conforter dans leur décision de faire défection. Et c’est sage de leur part.

Car, et les dictateurs ont intérêt à se le tenir pour dit, la lame de fond de la révolte populaire contre le pouvoir à vie, n’est pas prête de s’arrêter. Le printemps africain qui a démarré au Burkina, fait et continuera de faire des émules. Surtout que les peuples opprimés sont conscients désormais qu’ils sont les seuls maîtres de leur destin. Ils savent que si le peuple burkinabè a pu se défaire d’un dictateur si bien enraciné comme l’était Blaise Compaoré, ce ne sont pas de « petits » dictateurs comme les Joseph Kabila, Pierre Nkurunziza et autres qui pourront s’opposer à la déferlante populaire. Sale temps donc  pour les dirigeants de l’Afrique centrale, cette zone qui est la véritable honte de la démocratie africaine actuellement. Avec le réveil et l’organisation méthodique de la société civile surtout, Pierre Nkurunziza, Joseph Kabila et Paul Kagamé, pour ne citer qu’eux, pourraient passer à la moulinette des mouvements sociaux. Ils seraient bien inspirés de comprendre que le temps où les peuples, en victimes résignées, se laissaient tondre, est révolu en Afrique. Et qu’il y va de leur propre salut de ne pas ramer à contre-courant, de ne pas bloquer le fort désir d’alternance démocratique de leurs populations. La vague populaire pourrait les écraser, s’ils s’entêtaient à rester sur son passage. Ils peuvent du reste prendre conseil auprès de leur ex-mentor, Blaise Compaoré, qui s’est obstiné à ne pas voir venir le danger. En somme, ils ont intérêt à savoir lire les signes des temps.

« Le Pays »


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