NOUVEAU REPORT DU PROCES EN APPEL DU JOURNALISTE AHMED ABBA : Ces manœuvres dilatoires qui cachent mal une cabale judiciaire
Pauvre journaliste ! Ahmed Abba doit toujours s’armer de courage pendant encore près d’un mois, pour espérer voir ses droits à la défense respectés par la Justice de son pays qui semble être prise dans un certain aveuglement en ce qui concerne son cas. En effet, condamné à 10 ans de prison à l’issue d’un simulacre de procès, son recours en appel programmé le 21 septembre dernier a été de nouveau reporté, à peine ouvert. Et ce, après l’annulation, à la dernière minute, d’une première audience qui était inscrite au rôle le 17 août dernier. C’est dire que depuis plus de deux ans, il a été jeté en prison pour des chefs d’accusation aussi ahurissants : «non-dénonciation» et «blanchiment du produit d’un acte terroriste ». Ahmed Abba, le correspondant de RFI en langue haoussa, est engouffré dans les méandres d’une Justice vraisemblablement aux ordres. Sinon, c’est à ne rien comprendre de ces incessants reports d’un procès en appel, si ce n’est qu’une violation des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Autrement dit, ces renvois ne font que conforter la conviction de tous les défenseurs des droits de l’Homme que le dossier Ahmed Abba est vide et qu’il est maintenu en prison par le seul fait du Prince, à travers une cabale judiciaire qui ne dit pas son nom, au regard même des difficultés que le Tribunal militaire a rencontrées dans l’instruction de cette affaire.
C’est l’ensemble des journalistes camerounais qui doivent craindre pour leur métier
Il faut le rappeler, Ahmed Abba a été arrêté, torturé et condamné dans le cadre de l’exercice de son métier de journaliste. En le condamnant à cette lourde peine pour une prétendue « collusion » avec la secte islamiste Boko Haram, l’on peut dire que la Justice camerounaise veut ainsi envoyer un signal fort aux médias du pays de Paul Biya, pour qu’ils se tiennent tranquilles. Pour ne pas dire que tout indique qu’il y a bien une intention de museler la presse camerounaise sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme. Au-delà du cas Ahmed Abba, c’est l’ensemble des journalistes camerounais qui doivent craindre pour leur métier. Toujours est-il que ce n’est pas en condamnant ou en intimidant les journalistes que l’on pourrait venir à bout du terrorisme sous nos tropiques. La preuve en est que dans la même journée, trois soldats camerounais ont péri dans l’explosion d’une mine dans l’extrême-Nord du pays en proie à des incursions permanentes des djihadistes de Boko Haram. C’est dire donc que ce n’est pas en embastillant un journaliste qui ne faisait que son travail d’information, que l’on mettra fin aux attaques terroristes. La lutte contre le terrorisme est ailleurs. On ne le dira jamais assez, cette condamnation d’Ahmed Abba est une atteinte grave à la liberté de presse et il appartient à tous ceux qui défendent le droit à l’information de se mettre debout, comme un seul homme, pour dénoncer ce verdict qui tombe à quelques jours de la commémoration de la Journée mondiale de la liberté de la presse dont le thème porte de surcroît sur la protection des journalistes.
Drissa TRAORE