HomeOmbre et lumièreLA NOUVELLE DU VENDREDI : Une drôle d’amitié

LA NOUVELLE DU VENDREDI : Une drôle d’amitié


C’est tout d’abord l’histoire d’un vélo. Un vélo ordinaire, un vélo simple avec un porte-bagage, de bons freins, un phare et une lance-pierre accrochée au guidon. Le vélo arrivait au parking de l’immeuble vers 10h.  S’alignait sans complexe avec d’autres véhicules.  Mais  se garait toujours à côté d’une voiture de luxe. Le vélo restait là, puis repartait vers 15h. La voiture de luxe aussi.

Le vélo revenait le lendemain et ainsi de suite chaque jour de la semaine sauf  le dimanche, jour de repos. Le vieux cycliste, après avoir bavardé sur le temps et la société, commenté les évènements du jour et l’actualité, partagé les points de vue de celui-ci  à celui-là,  sur ceci ou cela, mangé parfois un plat du terroir ou de la viande, bu du jus de gingembre ou du zom-kom, dormait ou simplement s’affaissait sous l’arbre sur le banc derrière l’immeuble, en compagnie du propriétaire des lieux. De la voix, des rires ou des exclamations, ils étaient de part et d’autre simplement heureux de se retrouver.

Intrigué, un informaticien en contrat d’installation dans l’immeuble, voulant garer sa voiture un matin, demanda à un employé les raisons de la présence régulière de ce vélo au garage.

– C’est le vélo d’un vigile.

– De l’immeuble ?

– Ah non ! D’un ministère de la place. Et, c’est le meilleur ami du patron, le propriétaire de l’immeuble. Il ne se passe un jour sans qu’ils ne se voient. Même en voyage au bout du monde, le boss l’appelle sur son vieux portable avec la batterie qui  tient par miracle  sur un bout de scotch. Une drôle d’amitié, dit-on depuis cinquante ans. 

Les sens en éveil, l’informaticien eu la chance quelques jours plus tard de voir les deux amis à l’heure de séparation. Le vieux  boss entrant  dans sa voiture de marque en éclatant de rire par une blague bien ajustée de son acolyte. Et son vieil acolyte enfourchant fièrement son engin à deux roues digne d’un objet de musée.

De cette singulière amitié, l’informaticien en parla un soir à son père. Un vieil instituteur retraité de la vieille école. Intraitable sur la morale et les mœurs.

– Comment un homme aussi riche peut-il laisser son meilleur ami dans une telle misère ? Si c’est vraiment son ami ?

– Justement, c’est pour cela que c’est son meilleur ami. Répondit le père.

– Et comment ?

– Les autres voient l’homme fortuné, possédant ceci ou cela. Voulant profiter, partager ou se faire assister. Le vieux gardien ne voit que l’ami. Pas l’ami riche, mais simplement l’ami. C’est tout ce qui compte pour lui.

– Mais tout de même, il pourrait l’aider. Avec tout ce qu’il possède.

– S’il le fait, il tue leur amitié. S’il l’accepte, il tue leur amitié.

– Mais papa !

– Mon fils, la meilleure manière de garder un ami riche, c’et de ne jamais rien lui demander. Tu entends ? jamais rien ! Et il restera ton ami pour toujours. Le jour que tu verras l’ami riche, il cessera alors d’être ton ami.

L’informaticien ne comprenait pas la position de son père mais accepta sa vision. La vie sous l’arbre derrière l’immeuble continuait. Quand le boss n’était pas en Europe, dans la profondeur de l’Asie, aux Etats-Unis, à l’Orient ou au Maghreb pour ses affaires ou ses soins de plus en plus coûteux, il arrivait et attendait. Attendait  impatiemment son meilleur ami. Son meilleur ami dès qu’il quittait son job de veilleur de nuit pédalait, pédalait et pédalait fièrement vers l’immeuble. Souvent accroché au guidon du vélo un sachet de mangues, de patates ou d’arachides pour le bonheur de son meilleur ami.  Vraiment, une solide et drôle d’amitié pour la nouvelle génération.

 

Ousséni NIKIEMA

70-13-25-96

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