HomeOmbre et lumièreLA NOUVELLE DU VENDREDI : Seul dans son domaine, une fierté ?

LA NOUVELLE DU VENDREDI : Seul dans son domaine, une fierté ?


« Le savoir est le seul bien qu’on accroît en partageant généreusement avec les autres. Dans le silence des cimetières se reposent des gens qui se croyaient trop précieux et indispensables. »

 

Ainsi écrivait le poète.

C’est bien connu, dans chaque domaine il faut bien un pionnier ou une pionnière pour semer la graine. Ensuite, des leaders-disciples pour l’arroser, l’entretenir pour en faire un arbre géant et profitable pour tous. A l’image des nobles croyances de l’humanité, des doctrines de lumière et des idéologies humanistes. Celui ou celle qui trace le chemin et ceux ou celles qui suivent pour la continuité et la consolidation de l’œuvre.

Au pays des Hommes intègres il nous arrive de rencontrer ou de lire dans la presse, l’éloge d’un spécialiste émérite dont le savoir-faire et la compétence depuis des lustres ne font l’objet d’aucun doute.  Des pionniers dont le travail et la maîtrise de l’ouvrage dépassent souvent les limites de nos frontières. Des hommes et femmes dont le sacrifice et l’ardeur au travail dans des facultés de références souvent lointaines ont permis de décrocher des médailles avec honneur et respect.

De retour au bercail, sollicité par les frères et sœurs pour leurs compétences précieuses et singulières, ces pionniers des temps modernes font la fierté de toute la Nation. Ils sont des boussoles de plusieurs générations.

Des hommes et des  femmes dont la performance nous invite à glorifier à sa juste valeur.

« Le meilleur des forgerons est celui qui, enveloppé par l’âge, regarde avec admiration ses jeunes disciples confectionner des nouveaux outils sur la base de son propre enseignement. »

 Ainsi dit-on dans la savane de Dunia.

Etre pionnier dans un domaine est une chose. Y  rester seul, isolé et renfermé avec son savoir pendant des décennies sans disciples pour perpétuer cette connaissance, nous inquiète. Parfois par fierté et par peur de perdre son prestige ou  juste pour garder précieusement, égoïstement son savoir et s’enorgueillir par des titres dont raffolent nos contemporains.

 Par des confidences d’étudiants déboussolés dans nos temples de savoir. Le  constat est triste et amer. Dans le milieu universitaire ou professionnel, dans l’arène politique ou dans le jardin du monde culturel ou de la communication. Le ver est présent dans le fruit.

La renommée d’un disciple par le temps et le travail peut par la volonté de Dieu dépasser, un jour, celle d’un maître. Mais un maître reste toujours celui qui a initié.  Qui a tracé le chemin. Et, la grandeur d’un initiateur, c’est justement de faire grandir  honnêtement ses élèves au-delà de ses propres compétences.

Dans certaines facultés aux pays des Hommes intègres, il n’est pas rare de voir des étudiants contourner des filières, pourtant prometteuses et nécessaires à la communauté, juste pour éviter des pionniers-barons qui font la pluie et le beau temps selon leurs humeurs. Des pionniers-barons qui sont fiers de chanter sans honte à la face du monde :

« Vous savez, je suis le  professeur machin… seul et unique dans mon domaine ! »

 

Voulant jalousement conserver les prestiges de leur savoir-faire, ces pionniers-barons, s’ils ne ferment pas méchamment l’accès à leur domaine, jettent des épines sur le chemin qui y mène. Souvent des disciples audacieux et courageux, animés par les meilleures intentions qui s’aventurent, finissent par se brûler les ailes et renoncent après des saisons d’attentes et d’espoir. Aux pays de l’hospitalité africaine, combien de mémoires ou de thèses jaunissent dans des tiroirs par la volonté obscure et absente de ceux ou celles sensés soutenir le travail et son aboutissement ?

La transmission d’un héritage intellectuel dépasse largement les liens d’affinité ou même du sacré lien ombilical. Combien d’hommes et de femmes, miroirs et étoiles de leur génération, mais avares du cœur  au soir de leur existence, se lamentent hypocritement :

Maintenant,  à qui confier mon flambeau ?  Une lumière, résultat de tant de sueur et de labeur dont je croyais remettre le relai dans la case maternelle. Aveuglé et égoïste, je ne voyais pas le fils du voisin, l’inconnu venu de loin et dont le cœur  pourtant propre était disponible, et la volonté sincère. Une  main qui était prête à se brûler pour sauvegarder la flamme et continuer la marche pour l’amour et la passion de mon œuvre. C’est trop tard ! Que deviendrait mon œuvre ? Hélas ! Hélas !

 

Hommes et femmes détenteurs  de savoir au pays des Hommes intègres, dignes filles et fils dont la volonté suprême vous a honorés dans la case de connaissance, ouvrez vos cœurs au partage sincère et à la générosité !

Pour la plus noble de vos connaissances,

Faites germer généreusement des baobabs.

Dans le berceau de vos compétences,

C’est en lettres d’or qu’à jamais

Vos noms s’inscriront sur les branches de la savane.

 

Je vous invite, chers femmes et hommes de sciences, à chanter glorieusement à la face du monde:

« Au début,  j’étais seul et unique dans ce domaine. J’ai enseigné et partagé honnêtement mon savoir,  nous sommes à présent dix… cent… mille… ».

 

 

Ousseni NIKIEMA, Langage de sourds

[email protected]

70-13-25-96

 

 

 

 


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