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OBSEQUES DE KOFI ANNAN


 Aux grands hommes, les grands honneurs !

Arraché à l’affection de l’humanité à l’âge de 80 ans, le 18 août dernier, Kofi Annan, l’ancien Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU), repose désormais ad vitam æternam sur la terre de ses ancêtres. Avant d’être inhumé, hier,  13 septembre 2018, dans l’intimité dans le cimetière militaire de Burma Camp d’Accra, il a eu droit à des funérailles nationales, à des obsèques solennelles auxquelles ont participé des chefs d’Etat africains, des sommités mondiales dont l’actuel Secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres, ainsi que de nombreux anonymes. Recueillements, hommages appuyés et pleurs ont accompagné cet « homme qui a été l’un des plus illustres de sa génération », a déclaré le président ghanéen, Nana Akufo-Addo. C’est la preuve, s’il en était encore besoin, que l’homme, de son vivant, a marqué l’histoire dans le bon sens. Annan était un pacifiste et un soldat du développement.

Annan aura contribué à limiter l’hégémonie occidentale sur l’ONU

Il a singulièrement marqué son passage à la tête de l’ONU. Une institution qu’il a façonnée en lui donnant, non seulement toute sa dimension d’instrument de promotion de la paix, mais aussi en la réhabilitant dans son rôle de favoriser le progrès social et d’instaurer de meilleures conditions de vie. Ainsi, de l’Afrique au Moyen Orient en passant par les Balkans, pour ne pas dire à travers le monde entier, Kofi Atta Annan aura été sur tous les fronts. En tant que messager de la paix, il a favorisé, alors qu’il était sous-secrétaire général de l’ONU,  les accords de Dayton qui ont mis fin, en décembre 1995, aux conflits interethniques en Bosnie-Herzégovine. Le monde retient également de lui, qu’il a vivement condamné la guerre en Irak, menée par les Etas-Unis de George W. Bush. Il n’a pas craint d’afficher publiquement son opposition à la grande et puissante Amérique au sujet de l’invasion de l’Irak en 2003. Ce refus d’être  un «yes man», c’est-à-dire un béni-oui-oui des Etats-Unis, lui «a valu l’ire de l’Oncle Sam, mais aussi l’admiration de tous ceux qui pensent que la paix dans le monde réside beaucoup plus dans le multilatéralisme que dans le diktat de l’Amérique ». Ce que certains pays disaient tout bas, de peur des représailles de l’Oncle Sam, Kofi Annan a osé le déclarer publiquement et en des termes qui ne souffraient d’aucune ambiguïté. Il aura donc contribué à limiter l’hégémonie occidentale sur l’ONU en faisant sienne la formule célèbre de l’ancien président des Etats-Unis, Harry Truman, qui avait solennellement déclaré à l’ouverture d’une session des Nations unies que «la responsabilité des grands Etats est de servir et non pas de dominer les peuples du monde». Toute chose qui a amené Antonio Guterres, l’actuel Secrétaire général de l’ONU, à dire lors des obsèques que «Annan était les Nations unies et les Nations unies, c‘était lui». Disons qu’il est aussi l’initiateur de la Cour pénale internationale (CPI) qui n’a pas manqué de saluer sa mémoire. Par ailleurs, les Kényans se souviennent qu’il a fallu le sens poussé de la négociation du natif de Kumasi, pour tirer le Kenya de l’enfer dans lequel certains de ses fils et filles avaient choisi, en toute conscience, de le plonger au lendemain de l’élection contestée de Mwaï Kibaki contre Raïla Odinga, en décembre 2008. En 2006, il a réussi à arracher un accord entre le Nigeria et le Cameroun au sujet de la péninsule  pétrolière de Bakassi. Le mérite de Kofi Annan est d’autant plus grand dans la conclusion de cet accord, qu’aucun des deux belligérants n’était disposé à mettre de l’eau dans son vin pour permettre une résolution pacifique de la crise. C’est dire qu’il a mis un point d’honneur à s’investir dans des œuvres qui participent de la recherche de la paix en Afrique et au-delà.

Prix Nobel de la paix en 2001, Kofi Annan qui n’a de cesse de prôner la paix, a également su mener le combat pour le bien-être de l’humanité. En 1997, face à l’épidémie du SIDA qui brillait de mille feux alors qu’il prenait ses fonctions de patron de l’ONU, Kofi Annan a su trouver les mots justes pour interpeller la conscience du monde. Il avait notamment appelé à la solidarité internationale pour freiner le fléau. Et cet appel a été entendu, puisqu’il a débouché sur la création du Fonds mondial de lutte contre le SIDA.

Même en quittant la tête de la plus grande institution mondiale, son don de soi l’a toujours mis sous les feux de la rampe.

Annan est un digne fils de l’Afrique qui mérite sa place dans le Panthéon de l’histoire

De l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA) dont le but est d’aider les paysans africains à améliorer leur rendement à l’African Progress Panel qui rassemble des personnalités internationales engagées notamment dans la défense du continent africain, on peut dire que Kofi Annan a également marqué les esprits.  De son vivant donc, il a su incarner les valeurs de la paix, de la démocratie, de la justice et de l’humanisme.

Alors, l’ancien Secrétaire général de l’ONU ne pouvait que bénéficier des hommages dignes de son rang et de son oeuvre. S’il est dans l’histoire des moments privilégiés où l’intégrité a un nom, la rigueur un visage, la conscience une voix, Kofi Annan était tout cela à la fois, et il faut espérer qu’il vive éternellement en chaque dirigeant africain d’aujourd’hui et de demain. Plus qu’une fierté nationale pour le Ghana dont il a contribué à valoriser l’image sur la scène internationale, Annan est un digne fils de l’Afrique qui mérite sa place dans le Panthéon de l’histoire. Premier Africain du sud du Sahara à être élu  à la tête de l’ONU, on peut dire que lui, comme Obama, qui a eu à s’installer à la Maison Blanche, ont su honorer la race noire. Certes, Kofi Annan quitte les planches en tant que vivant, mais il sera, à jamais présent, sur les planches de l’histoire.

« Le Pays »


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