HomeA la uneOIF ET GOUVERNANCE POLITIQUE EN AFRIQUE : Que fait la Francophonie face aux cancres de la démocratie ?

OIF ET GOUVERNANCE POLITIQUE EN AFRIQUE : Que fait la Francophonie face aux cancres de la démocratie ?


Aujourd’hui, 20 mars 2017, les 274 millions de francophones sur les 5 continents, fêtent leur langue en partage et la diversité de la Francophonie à travers des concours autour des mots, des spectacles, des festivals de films, des rencontres littéraires, des rendez-vous gastronomiques et des expositions artistiques. Il faut tout de suite relever que le 20 mars est une date symbolique. Elle nous rappelle, en effet, le 20 mars 1970, date à laquelle l’ancêtre de l’OIF, l’ACCT (Agence de coopération culturelle et technique) a été portée sur les fonts baptismaux, à Niamey, capitale du Niger. Les parrains étaient Hamani Diori du Niger et Léopold Sédar Senghor du Sénégal. A l’époque, il s’agissait pour Senghor et ses amis, de chanter les merveilles de la langue de Molière. Pour le président-poète et académicien, en effet, cette langue était capable de traduire toutes les subtilités des us et coutumes des Africains. 47 ans après, l’on peut faire le constat que cette orientation essentiellement linguistique, n’est plus d’actualité.

La Francophonie tend à encourager l’expression de la diversité culturelle

Le champ d’action de la Francophonie s’est considérablement élargi pour prendre en compte le culturel, l’économie et le politique au point que la dimension linguistique s’est réduite comme peau de chagrin. A priori, cela n’est pas forcément une mauvaise chose. Car, par là, la Francophonie donne l’impression de ne pas enfermer tous ceux qui ont en partage le français, dans le carcan de la langue. Au contraire, elle tend à permettre et à encourager l’expression de la diversité culturelle et partant, le dialogue des cultures. Et par ces temps qui courent, où l’intolérance religieuse est à l’origine de bien des tragédies en Afrique et ailleurs dans le monde, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette vision peut contribuer à ériger plus de ponts que de murs entre les peuples. Et c’est tant mieux pour le combat contre l’extrémisme religieux et pour la paix mondiale. C’est pourquoi l’on peut saluer la pertinence des activités retenues dans le cadre de la célébration de la Journée internationale de la Francophonie de cette année. Le thème, il faut le rappeler, est « J’aime, je partage ». Ces deux phrases, juxtaposées, sont suffisamment parlantes dans un monde où l’amour et la solidarité sont en train de céder le pas à la haine et aux égoïsmes individuels et collectifs. De ce point de vue, l’on peut tirer son chapeau à Michaëlle Jean et à l’ensemble de l’équipe dirigeante de la Francophonie, pour avoir mis le doigt sur une préoccupation du moment. Cerise sur le gâteau, le thème retenu ouvre également à des réflexions sur le développement durable. Or, qui dit développement durable en Afrique, puisque c’est dans ce continent que le problème se pose avec beaucoup plus d’acuité, ne doit pas passer par pertes et profits la question de la gouvernance politique. A ce sujet, l’on peut se poser la question de savoir ce que fait la Francophonie face aux cancres de la démocratie. De manière générale, l’on peut avoir l’impression que cette question est le cadet des soucis de la Francophonie. En effet, quand on dresse un répertoire des pays membres de l’institution et de ceux qui lui font les yeux doux aujourd’hui pour l’intégrer, l’on peut faire le constat que chez bien des pays, la démocratie est la chose la moins partagée. Chez certains même, la notion de démocratie est aux abonnés absents dans leur culture politique. L’on peut, à juste titre, en déduire que ce qui préoccupe le plus la Francophonie en ouvrant largement ses bras à ces pays, qui, du point de vue démocratique, sont franchement infréquentables, est leur poids économique. Par ces temps de vaches maigres chez la plupart des bailleurs de fonds traditionnels de la francophonie, l’on peut comprendre que l’institution dirigée aujourd’hui par la Canadienne Michaëlle Jean, veuille bien élargir l’assiette des bailleurs. Mais de là à sacrifier la promotion de la démocratie sur l’autel des intérêt économiques, il y a un pas qui, malheureusement, a été longtemps franchi allègrement par la Francophonie. Sous Abdou Diouf, la Francophonie avait laissé percevoir une tolérance zéro vis-à-vis des prédateurs de la démocratie. Cette posture, nous semble-t-il, était beaucoup plus liée à la personnalité de l’homme qui l’incarnait qu’à tout autre chose. Résultat, Abdou Diouf parti, la Francophonie semble renouer avec ses anciennes mauvaises pratiques. L’une d’elles est de louvoyer avec les dictateurs qui y sont confortablement installés. Et en Afrique, leur nombre est impressionnant, si fait que l’on peut même se risquer à dire que la Francophonie est un véritable paradis pour les dictateurs africains. Car, ils sont convaincus que personne ne leur indiquera la porte de sortie. Comment pouvait-il d’ailleurs en être autrement, quand on connaît l’extrême indulgence dont fait preuve le pays phare de la Francophonie, c’est-à-dire la France, vis-à-vis des satrapes d’Afrique ?

Il faut que la Francophonie monte en puissance dans sa stratégie de riposte contre les dictateurs

On se souvient, en effet, de la sortie calamiteuse de François Hollande à propos du référendum honteux que Sassou Nguesso voulait organiser dans son pays pour s’accrocher à son trône. A cette occasion, le président de la patrie des droits de l’Homme et par ailleurs grand bailleur de fonds de la Francophonie, n’avait pas craint de dire que le président congolais était dans son bon droit de consulter son peuple. Dans ces conditions, comment voulez-vous que les peuples d’Afrique qui souffrent dans leur chair et dans leur sang des excès des satrapes, prennent au sérieux la Francophonie, peut-on s’interroger ? Relever cela, n’est pas faire injure à Michaëlle Jean. C’est seulement l’interpeller par rapport au rôle que devrait jouer la Francophonie dans la promotion de la démocratie sous nos tropiques. Et ce rôle ne peut pas se résumer aux déclarations de principe, comme c’est malheureusement le cas aujourd’hui , à chaque fois que la démocratie est mise à rude épreuve sous nos tropiques. Car, les dictateurs n’ont rien à cirer avec ce genre d’envolées lyriques sur la démocratie. Bien au contraire, cela les amuse. Il faut donc que la Francophonie monte en puissance dans sa stratégie de riposte contre les dictateurs qui ont trouvé refuge en son sein. En plus de cela, il peut être productif que l’institution mette en place des fonds pour encourager les pays membres qui ont, avec courage et détermination, fait l’option de la démocratie et qui, malgré tout, sont en proie aujourd’hui à des problèmes de développement et de sécurité. La meilleure manière de les aider est de faire en sorte que la démocratie politique ait un sens auprès des populations. La Francophonie ira-t-elle dans ce sens un jour ? En tout cas, il faut le souhaiter.

« Le Pays »


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