HomeA la unePOURPARLERS D’ALGER : C’est maintenant que commence le plus difficile

POURPARLERS D’ALGER : C’est maintenant que commence le plus difficile


L’on a donc fini par obtenir un début d’accord à Alger : une déclaration de cessation des hostilités, signée entre les six groupes armés, les autorités de Bamako et les médiateurs. L’accord signé, reste maintenant à savoir comment il sera mis en application.

 

Ces négociations n’ont jamais été une partie de plaisir

 

Une feuille de route commune était prévue, qui doit aider à transcender les clivages. Le texte propose le repli des combattants du MNLA, du HCUA et du MAA sur Annefis. Les prisonniers seront libérés, et les discussions commenceront sur les dédommagements éventuels, après les violences de In-Khalil et In-Afarak en 2013. Pour s’assurer de la mise en application effective des consignes,une mission de la Minusma sera envoyée sur le terrain. Mais, vu le nombre d’accords signés et jamais respectés, il y a de quoi s’interroger.

En dépit des accrochages sur le terrain, il faut se féliciter de l’ouverture d’esprit qui a prévalu lors des récents pourparlers inter-maliens d’Alger. Car, à vrai dire, ces négociations entre les groupes armés du Nord du Mali et les autorités de Bamako, n’ont jamais été une partie de plaisir. Elles piétinaient même ; surtout que la société civile malienne, craint de voir sacrifier la justice sur l’autel de la réconciliation nationale. L’impunité ne doit pas passer, se plaît-on à marteler, en rappelant les nombreuses exactions subies par les populations dans un passé encore récent.

Lors des négociations, le principal point de discorde aura été le rejet par la coordination MNLA-HCUA-MAA, des trois autres groupes armés comme des interlocuteurs dans les négociations. Les médiateurs ont dû tenir chaque jour des réunions séparées, afin d’éviter de faire échouer le processus. Mais à chaque fois, il y avait un nouveau point de blocage. Par exemple, en début de semaine, le HCUA et Bamako étaient en désaccord sur l’utilisation du mot  « laïcité » dans le document. Tout le monde a fini par faire des concessions. Par la suite, le titre du document a provoqué de nouvelles dissensions : « Dialogue » ou « Négociations », « Processus d’Alger » ou « Pourparlers inter-maliens ». Des efforts de part et d’autre ont permis de sortir de l’enlisement.

Parallèlement, il aura fallu également travailler pour mettre fin aux hostilités sur le terrain. Les combats n’ont réellement jamais cessé entre le MNLA et ses alliés d’une part, et un groupe d’Arabes de la branche dissidente du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) d’autre part. Ces derniers temps, ils tendaient même à s’intensifier, au point de menacer le processus de paix. Présent à Alger, le chef de la mission de l’ONU (Minusma), juge que dans ces combats, il y a beaucoup de communautés, beaucoup d’intérêts, et beaucoup de trafiquants de drogue.

La crise du Nord-Mali qui perdure, ne serait-elle pas due à un déficit de communication arrimé à des problématiques de gouvernance locale ?

 

Le Mali ne peut pas reculer

Le problème malien se révèle en effet comme des pièces d’un puzzle mal configuré depuis l’accession de ce pays à l’indépendance. Le Nord et le Sud semblent deux grandes entités qui s’ignorent et se regardent en chiens de faïence. Des régimes à parti unique aux régimes d’exception, en passant par les régimes multipartistes, les Maliens donnent l’impression de n’avoir jamais pris le temps de se rencontrer, de bien se connaître et d’identifier ensemble les problèmes qui fâchent. L’immensité du territoire, la modicité des ressources, n’expliquent pas tout. L’élite politique a échoué à mettre en présence les différentes composantes du corps social, pour échanger sur le destin de ce vaste ensemble, afin de lui trouver des solutions consensuelles. Les Maliens souffriraient-ils d’un complexe les empêchant d’assumer ensemble leur part d’une histoire qui, à des périodes bien connues, a pu les diviser pour ensuite les rassembler ?

Les mêmes angoisses peuvent exister ailleurs sur le continent. Comme la Centrafrique, le Nigeria, et avant eux la Côte d’Ivoire et le Soudan du Sud pour ne citer que ceux-là, le Mali se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Ce pays semble tarder à faire l’intégration vraie et profonde dans sa Fonction publique, autant que dans son administration territoriale. Or, dans nos nations en construction, l’orgueil personnel et l’extrême fierté des communautés sont des obstacles potentiels. Les différentes communautés du Nord ont probablement été oubliées et négligées, dans un pays longtemps gangréné par la mal gouvernance et la corruption. Néanmoins, au Mali, les problèmes qui assaillent ne sont guère insurmontables. Il existe un héritage commun de traditions à partager ; également des richesses nationales à répartir sans aucune exclusion.Le pays ne se résume ni à Bamako, ni aux chefs-lieux de régions. Mais pour qu’elle obtienne du succès et s’enracine dans les valeurs, l’intégration doit être progressive et totale. Elle ne se concrétisera que si les esprits sont ouverts, réceptifs et non surchauffés.

Certes, nombreux sont les obstacles à franchir. D’où la nécessité de savoir raison garder, de  dépassionner les débats. Condamnés à vivre ensemble, les Maliens doivent apprendre à se parler, à mieux se connaître et à s’estimer davantage. Elu triomphalement à la tête du pays, IBK doit constamment faire preuve de leadership. Ce, d’autant que Bamako a toujours été accusé d’alimenter la dissidence au sein de la rébellion touarègue.

Le Mali ne peut pas reculer. Les Maliens le savent. A eux de faire preuve de sagesse, de se parler franchement et de trancher avec courage les questions essentielles. Personne ne le fera à leur place.

 

« Le Pays »


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