PRESIDENTIELLE OUGADAISE: Sauf miracle ou tremblement de terre…
Le 14 janvier dernier, les Ougandais se sont rendus aux urnes à l’effet de désigner leur président et leurs députés. La campagne qui a précédé ce double scrutin, a été marquée par des violences répétées contre l’opposition tant et si bien que bien des observateurs craignaient que les élections ne soient aussi marquées par des actes de violence. Finalement, il y a eu plus de peur que de mal. En effet, le scrutin s’est globalement bien déroulé et cela est suffisamment rare au pays de Milton Aboté, pour être souligné. En attendant de connaître le taux de participation, l’on peut, d’ores et déjà, parier que Yoweri Museveni, sauf miracle ou tremblement de terre, sortira victorieux de ce scrutin. En effet, un dictateur n’organise pas des élections pour les perdre. L’exception était venue de la Gambie. En effet, le président autocrate de ce pays, Yahya Jammeh, a été battu dans les urnes en 2016, à la surprise générale. Un tel miracle a peu de chances de se produire en Ouganda. Et pour cause : le président de ce pays a eu tout le temps de sécuriser sa dictature avec la complaisance voire la complicité des Occidentaux. Ces derniers, en effet, voient en lui un allié susceptible de stabiliser les Grands Lacs et d’y protéger leurs intérêts. Et ce paramètre qui relève de la géopolitique est très important à leurs yeux.
De ce fait, la démocratie en Ouganda pourrait être le cadet de leurs soucis. Au-delà de l’Ouganda, les Occidentaux n’ont que faire de la démocratie chez les Bantous. Le maître absolu de l’Ouganda en est conscient, tout comme les autres satrapes de cette partie de l’Afrique. C’est pourquoi il prend beaucoup de libertés avec la démocratie dans son pays. Résultat : il fait souffrir le martyre à tous ses opposants sans que le monde dit civilisé ne lève le petit doigt pour le rappeler à l’ordre. Ce fut le cas d’abord de Kizza Besigye. Ce dernier, en effet, a tellement souffert sous Yoweri Museveni qu’il en est arrivé, peut-on dire, à jeter l’éponge à cette présidentielle.
Une démocratie sans possibilité d’alternance, est tout simplement un royaume
En tout cas, il aura tenté vainement à quatre reprises, de déloger le dictateur du palais présidentiel. Et chaque fois qu’il s’y est essayé, il s’est heurté à la réalité d’un régime dont le sport favori est de malmener la démocratie.
Après Kizza Besigye, c’est Bobi Wine qui tente de défier l’homme fort de Kampala dans les urnes. Et depuis qu’il a fait connaître ses ambitions présidentielles, le dictateur l’a inscrit sur sa liste noire. Ainsi, en novembre 2020, les forces de l’ordre ont réprimé dans le sang, de violentes manifestations provoquées par une énième arrestation du « président du ghetto », c’est-à-dire Bobi Wine. Cette répression sanglante avait fait au moins 54 victimes. Bref, le dictateur ne recule devant rien pour confisquer le pouvoir. De ce fait, il règne sur l’Ouganda depuis 1986. Et durant tout ce temps, il a toujours remporté haut la main tous les scrutins présidentiels qu’il a organisés. De ce point de vue, l’on peut s’attendre à ce que la logique soit respectée. Et cela, dès le premier tour.
En réalité, l’Ouganda est en passe d’assister à l’avènement de Mutesa III en la personne de Yoweri Museveni. En rappel, Mutesa II, de 1939 à 1953 et de 1955 à 1966, a été Kabaka (roi) de l’Etat de Buganda, en Afrique orientale. Ce territoire fait partie aujourd’hui de l’Ouganda. En tout cas, une démocratie sans possibilité d’alternance, est tout simplement un royaume. Et c’est bel et bien le cas de l’Ouganda. De ce point de vue, le scrutin présidentiel du 14 janvier risque de ressembler aux cinq autres qui l’ont précédé. Bien sûr, le principal rival du dictateur, Bobi Wine, croit en ses chances de réaliser enfin l’alternance démocratique en Ouganda. En tout cas, mardi dernier, il avait appelé les Ougandais et les Ougandaises à sortir massivement voter et à « protéger leur vote ». Cet appel à la vigilance pour que la transparence soit le maître-mot de ce double scrutin, reste donc un défi à relever. En tout cas, la Commission électorale a 48 heures, après la clôture du scrutin, pour publier les résultats provisoires. Mais d’ores et déjà, la suspension des réseaux sociaux et des messageries à l’approche de la présidentielle, permet d’être sceptique quant à la transparence et à la crédibilité du scrutin.
Pousdem PICKOU