HomeA la unePRO-GBAGBO A LA BARRE :Un procès, plusieurs enjeux

PRO-GBAGBO A LA BARRE :Un procès, plusieurs enjeux


C’est en principe demain que devrait débuter le procès de Simone Gbagbo et compagnie à Abidjan. Mais, plusieurs situations font que le doute commence à s’installer dans les esprits.

D’abord, parce que le respect des procédures va nécessiter de la part de la défense, encore plus de temps. Il lui faut  pouvoir s’organiser et mobiliser les prévenus. De l’avis même des avocats de la défense, la date de demain pose problème. On n’en aura pas encore fini avec les procédures d’identification des 83 accusés appelés à la barre, dont Affi Nguessan, le président du principal parti d’opposition, le Front Populaire Ivoirien (FPI). Chacun va devoir expliquer quel rôle il a eu à jouer dans la crise post-électorale de 2010-2011.

 

Le procès se tient dans un contexte particulier

 

Avant toute comparution, il faut s’atteler à l’identification des prévenus. Commencé la semaine dernière, le processus n’a toujours pas abouti. Dans certains cas, la procédure est simple, les prévenus étant en prison. Dans d’autres par contre, la chose est rendue plus difficile car les gens sont en liberté. Finalement, seulement cinq ou six des accusés pourraient se voir identifiés demain ou après-demain. Autrement dit, il faudra faire preuve de patience pour les restants de la liste. A l’évidence, les délais sont très courts. Difficile dans ce cas, de ne pas envisager de revoir le calendrier de travail.

D’autres questions taraudent les esprits, vu le nombre considérable des prévenus et la disponibilité des salles affectées aux assises. Les prévenus seront-ils jugés de manière collective ou par petits groupes ? On s’inquiète quant à la capacité des locaux d’accueillir 83 personnes, en même temps, pour leur comparution. Probable que les prévenus comparaissent l’un après l’autre, deux par deux ou en groupes ; cela en fonction des chefs d’inculpation. Procédé qui pourrait s’avérer complexe et lent.

Il y a aussi des cas difficiles, eu égard à l’éthique africaine : la présence ou non de Simone Gbagbo à ces assises d’Abidjan, celle d’autres personnes proches de l’ex-président Laurent Gbagbo, également citées à comparaître : Michel, le fils, et Abdoudramane Sangaré, un ami de la famille. Tous sont au cœur de l’organisation des obsèques de la belle-mère décédée récemment. Dans quelles conditions les funérailles se tiendront-elles, chacun des prévenus étant susceptible de se retrouver dans le box des accusés ?

Ce procès se tient dans un contexte fort particulier. D’une part, la Cour d’Assises d’Abidjan se tient parallèlement aux travaux de la Cour Pénale Internationale (CPI) chargée de juger à La Haye (Pays Bas), l’ex-président et l’un de ses sbires, Blé-Goudé, de triste mémoire ! Durant le procès, la CPI peut trouver utile de demander le concours de certaines personnes demeurées en Côte d’Ivoire. Leur contribution pourrait s’avérer indispensable, des deux côtés, à la manifestation de la vérité. De quoi compliquer les choses, puisque nul n’a le don d’ubiquité !

Aux yeux de certains analystes, un verdict clément n’est pas à exclure à l’issue de ce procès aux saveurs hautement politiques. Le fait d’avoir à juger à la fois le mari et l’épouse, pourrait donner au procès d’Abidjan des allures particulières. La Justice ivoirienne, en quête de réhabilitation après des années de trouble, ne voudrait sans doute pas être accusée d’être aux ordres du nouveau pouvoir, encore moins d’être misogyne. Pour les autres, même en cas de peines, il serait loisible aux condamnés de recourir au droit de grâce présidentielle, avec beaucoup de chances de pouvoir l’obtenir. Dans tous les cas de figure, le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) pourrait, le cas échéant, prendre des mesures pour réduire les peines, ou élargir ceux qui auront été envoyés au cachot. Mais, au rythme où se présentent les situations, ces assises d’Abidjan pourraient tirer en longueur, au risque même de prendre en otage le calendrier électoral. Que fera-t-on alors ?

 

Le chef actuel du FPI joue son avenir politique à travers ce procès

 

Sans conteste, ce procès constitue une aubaine pour certains. Il y a d’abord le pouvoir dont le candidat aurait moins d’embûches au prochain scrutin, si le FPI se trouvait dans le pétrin, ou était contraint de présenter des candidats ayant peu d’envergure. Mais, le nouveau Chef de l’Etat ivoirien, lui, a besoin d’être accompagné au scrutin présidentiel par des candidats qui font le poids. Qui donc mieux que le FPI, considéré à tort ou à raison comme étant un grand parti d’opposition, est à mesure de lui disputer sérieusement le fauteuil présidentiel ?

Le chef actuel du FPI joue son avenir politique à travers ce procès. S’il est condamné, ADO qui cherche à éviter une victoire fade au prochain scrutin, pourrait se trouver dans l’obligation de lui accorder sa grâce. Mais, Affi Nguessan est-il vraiment homme à demander la grâce présidentielle en cas de condamnation aux assises ? Rien n’est moins sûr. Qu’on se rappelle son refus obstiné de demander pardon au peuple ivoirien, pour les exactions commises durant la crise post-électorale !

Des nuages sombres se profilent pourtant à l’horizon pour cet homme. Pas sûr en cas de condamnation-hormis le sursis- que le FPI va faire bloc et exprimer sa solidarité à son endroit !  Au contraire, le légendaire parti d’opposition pourrait voguer vers un schisme consacrant l’émergence de groupes dissidents. Des leaders nouveaux pourraient faire leur apparition comme au lendemain de la crise post-électorale. A défaut de faire preuve de cohésion, le parti pourrait connaître des lendemains difficiles si du côté de la CPI comme des assises d’Abidjan, ses leaders du moment étaient épinglés par la Justice.

Procès du siècle, ces assises à plusieurs enjeux auront-elles vraiment lieu à Abidjan ? A supposer même que le procès démarre effectivement à la date prévue, n’y a-t-il pas risque de voir la montagne accoucher d’une souris ? En cas de verdict ne rencontrant pas leur assentiment, que pourraient bien faire les militants et sympathisants du FPI ? Les obsèques aidant, il est possible que certains envisagent de manifester leur dépit dans la rue, ou même de défier le pouvoir en place. Mais dans quel intérêt ? Il faut plutôt s’attendre à voir chaque interpellé, chercher à exploiter au mieux l’opportunité qui pourrait s’offrir à lui. Ce qui n’augure pas d’un bon avenir pour le FPI.

 

« Le Pays »


Comments
  • “Mais, Affi Nguessan est-il vraiment homme à demander la grâce présidentielle en cas de condamnation aux assises ?”
    Pourtant c’est la solution. Entre frères Burkinabè (Affi N’guessan et ADO), ils peuvent se rendre se service pour mieux gouverner la Cote d’Ivoire comme un TOM ou un DOM du Burkina Faso et, à terme, faire ce que FHB et Maurice Yaméogo envisageaient: faire de la CI et du BF un seul pays. Ainsi ça reprend comme avant et les braves travailleurs burkinabè sont exploités par les “fausses sociétés ivoiriennes.

    21 octobre 2014

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