HomeA la unePROCÈS DE L’EX-CONSEILLER DE FÉLIX TSHISEKEDI : La Justice pourra-t-elle démêler l’écheveau ?

PROCÈS DE L’EX-CONSEILLER DE FÉLIX TSHISEKEDI : La Justice pourra-t-elle démêler l’écheveau ?


C’était, en principe, hier, 6 juin dernier, que devrait s’ouvrir, en République démocratique du Congo (RDC), le procès de l’ex-conseiller du chef de l’Etat, Fortunat Biselele. Pour mémoire, l’infortuné Fortunat a été débarqué du cabinet de Félix Tshisekedi en mi-janvier dernier et écroué à la tristement célèbre prison de Makala quelques jours plus tard, après une série d’auditions à l’Agence nationale de renseignements (ANAR) et au palais de justice de Kinshasa. Les griefs qui ont été retenus contre lui à l’issue de cette série d’auditions, sont d’une extrême gravité dans un pays en guerre : trahison, atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat et propagation de faux bruits. Ces accusations sont fondées sur le fait que l’ex-bras droit du président est soupçonné de faire le jeu de Kigali et cela sur la base du contenu de ses entretiens téléphoniques  se rapportant aux avancées du M23 et à la sécurité du chef de l’Etat.  Les ennuis judiciaires de celui que l’on surnomme « le gardien du temple », auraient pu passer pour une affaire banale d’espionnage et de contre-espionnage comme on en connait sous d’autres cieux entre puissances militaires et économiques qui se surveillent.

 

L’homme connait, à ce que l’on dit, tous les secrets de la République

 

Mais ils sont gravement amplifiés aujourd’hui en RDC par  le contexte de guerre qui sévit dans l’Est du pays sur fond de méfiance entre Etats voisins. Ils sont certainement aussi amplifiés par le fait que la RDC est à l’avant-veille d’une présidentielle et par conséquent, plus aucun fait ne peut passer pour anodin surtout quand il touche à l’un des candidats à la magistrature suprême. En effet, des connexions politiques avec la course au pouvoir sont systématiquement établies. Tout ceci complique, pour la Justice, la recherche de la vérité. En attendant que le juge dont on imagine la complexité de la tâche en raison de la spécificité et de la sensibilité de la sphère touchée par cette affaire, démêle l’écheveau, l’on ne peut que se poser de nombreuses questions auxquelles les Congolais répondent en fonction de leurs intérêts personnels ou politiques du moment. Au nombre de ces questions, les plus importantes sont les suivantes : comment le président Félix Tshisekedi a-t-il fait le casting des hommes qui l’entourent ?  Comment Paul Kagame que l’on accuse, sans le nommer, a-t-il pu infiltrer à ce point le sommet de l’Etat congolais ? Ces interrogations trouvent leurs fondements dans ce que représente Fortunat Biselele dans le sérail présidentiel. Conseiller privé du président, l’homme connait, à ce que l’on dit, tous les secrets de la République. Félix Tshisekedi, selon les mêmes sources, le consulte sur la plupart des dossiers avant de prendre des décisions si fait qu’il disposerait quasiment d’un droit de veto. Comment donc ce faucon de l’entourage présidentiel, peut-il être accusé de complicité avec l’ennemi rwandais ?

 

 

L’on doute même déjà de la crédibilité de la Justice

 

Il est difficile de répondre à la question et c’est en raison précisément de cela que d’aucuns n’y voient qu’un complot destiné à éloigner des arcanes du palais de marbre, un ami devenu gênant parce que trop installé au cœur du pouvoir congolais.  Et à y voir de près, l’idée n’est pas farfelue. Car, si l’on pose la question «  à qui profite la chute du faucon », l’on pourrait trouver quelques esquisses de réponses.  L’on sait, en effet, que les détracteurs de l’homme sont légion au sein du Front commun pour le Congo (FCC), la coalition qui s’est formée autour de l’ex-président Kabila. Est-il donc tombé dans le piège de ses adversaires qui ont su faire feu avec une arme qui marche à coup sûr dans un Etat congolais où l’impuissance face au M23, a fini par créer une paranoïa collective ?  Ou alors le président Félix Tshisekedi a-t-il voulu détourner l’opinion nationale de ses échecs militaires en sacrifiant un de ses proches ?  Une telle éventualité n’est pas à exclure dans la mesure où cela pourrait augmenter sa cote de sympathie au sein des populations en faisant croire que nul n’est au-dessus des intérêts supérieurs de la nation congolaise, y compris même ses propres proches. Mais tout cela ne reste encore qu’au stade des supputations et c’est à la Justice de faire toute la lumière sur cette affaire bien ténébreuse. Mais l’on doute même déjà de la crédibilité de cette Justice. En effet, la défense de Fortunat Biselele redoute « une instrumentalisation de la Justice aux fins de règlement de comptes politiques » et a d’ailleurs saisi la Cour d’appel de Kinshasa-Gombe pour « suspicion légitime des juges du Tribunal de grande instance de la Gombe »  Cela dit, si cette crainte de la défense s’avérait fondée et que Tshisekedi est pour quelque chose, dans la descente aux enfers de son ancien allié, il pourrait bien s’en mordre les doigts. Car, si l’accusé décide de parler et de dire la vérité et toute la vérité, le chef de l’Etat pourrait bien se trouver dans l’embarras face à l’étalage, sur la place publique, de celui qui, selon les témoignages, constitue l’un des piliers essentiels de son accession au pouvoir. Sauf à croire que l’on peut décider de le faire taire et dans ces conditions, l’on peut se poser la question suivante : saura-t-on jamais la vérité dans cette affaire qui promet de secouer le sommet de l’Etat congolais ? Wait and see.

 

« Le Pays »

 


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