HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE : « Je doute de la fiabilité des messages », dit Léonce Koné

PROCES DU PUTSCH MANQUE : « Je doute de la fiabilité des messages », dit Léonce Koné


Le procès du putsch manqué de septembre 2015 bat son plein à la salle des Banquets de Ouaga 2000. Après l’audition de Minata Guelwaré, ce fut au tour de Léonce Koné d’être appelé à la barre, hier 16 octobre 2018. Ce dernier ne reconnaît pas les faits qui lui sont reprochés.

Après Minata Guelwaré, Léonce Koné était, le 16 septembre 2018, à la barre pour répondre des faits qui lui sont reprochés dans le cadre du coup d’Etat manqué de 2015. Il s’agit de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, coups et blessures volontaires, dégradation de biens. L’accusé dit ne pas reconnaître les faits à lui reprochés. Dans sa narration des faits, l’accusé dit avoir été informé en fin d’après-midi du 16 septembre 2015 par Me Herman Yaméogo, qu’une rumeur faisait état qu’un coup d’Etat était en cours à la présidence. Entre membres du Front républicain, lui et certains de ses camarades se rendent au domicile de Me Herman Yaméogo où ils passeront une grande partie de la nuit. Le lendemain, 17 septembre 2015, ils apprennent, après la déclaration du CND lue par le colonel Mamadou Bamba à la télévision nationale, que le Burkina Faso venait de connaître son énième coup d’Etat. En tant qu’Hommes politiques, ils prirent contact avec le premier responsable du CND, en l’occurrence le général Gilbert Diendéré. Une rencontre a eu lieu dans l’après-midi du 17 septembre 2015 à la présidence du Faso. Au cours de cette rencontre, le général Diendéré leur a expliqué que des jeunes soldats avaient procédé à l’arrestation des autorités de la Transition pour plusieurs raisons. Il s’agit, entre autres, de l’exclusion de certains acteurs des échéances électorales qui se profilaient à l’horizon, du vote des Burkinabè de l’extérieur, du Code électoral, du code militaire. Ce qui montrait que la Transition n’était pas sur le bon chemin qui allait aboutir à l’organisation d’une élection transparente, libre, crédible et inclusive.

50 millions de F CFA venus de la Côte d’ivoire

Il a également confié qu’il souhaitait, en plus du CDP, rencontrer d’autres formations politiques afin d’engager des discussions qui permettront de prendre en compte les préoccupations de toute la classe politique burkinabè. Après cette rencontre, le groupe s’est également réuni pour mettre sur papier la position qu’il comptait défendre auprès des chefs d’Etat de la CEDEAO. Mais avant l’arrivée des émissaires de la CEDEAO, Léonce Koné et ses camarades ont encore une fois pris langue avec le général Diendéré afin de savoir comment évoluait la situation. Une rencontre qui fut très brève, si l’on s’en tient aux propos de l’accusé. Après cette rencontre, Léonce Koné dit avoir reçu un coup de fil du général qui l’informait de ce qu’il avait remis un pli, venu de la Côte d’Ivoire, pour lui. Il s’agit d’un sac contenant de l’argent, 50 millions de F CFA pour être plus exact. Cette somme était, selon l’accusé, le fruit d’une collecte de fonds organisée en Côte d’Ivoire pour soutenir le parti CDP aux prochaines échéances électorales. Le lendemain, le groupe a rencontré l’équipe des médiateurs de la CEDEAO conduite par Macky Sall.

« Des incendies de domiciles ont eu lieu sans que le parquet ni aucune Justice n’engage la moindre procédure pour en chercher les responsables »

L’audition de Léonce Koné du CDP a continué au tribunal militaire, après la pause de 13h. Le parquet revient sur certains des messages envoyés ou reçus par l’accusé au moment des faits, ainsi que sur certaines questions abordées au cours de la matinée. Par exemple, ce message dont l’accusé serait l’expéditeur, selon le parquet : « Je crois qu’il (Général Diendéré) va céder, les Roch ont exigé reddition complète. Je ne sais pas pourquoi il les laisse se comporter comme des vainqueurs » ou « Oui, ça ne va pas m’étonner, il est faible ». A la lecture de certains des messages, Me Antoinette Ouédraogo, un des conseils de l’accusé, estime que le parquet fait du sensationnel et s’indigne contre l’usage des sms qui n’ont jamais été opposés à l’accusé, selon elle. Le procureur militaire veut la rassurer en indiquant que le parquet respecte les principes du contradictoire, conformément au code de procédure pénale. Il assure que les éléments de la vie privée de l’accusé n’intéressent pas la procédure et, par conséquent, ne seront pas exposés. Autres sms reçus par l’accusé au moment des faits, lus par le parquet : « Faites-nous un bon virement pour que je puisse mobiliser les jeunes pour un mouvement de soutien », « Très dur à Abuja, menace de transférer le dossier à UA ». Réponse du sms par Léonce Koné  : « Si c’est UA, nous sommes finis ». Sur ces sms reçus et envoyés, le parquet demande si  l’accusé a un commentaire. Et l’accusé de répondre : « Je doute de la fiabilité des messages. Ça ne correspond pas à ce que je pensais à l’époque ni à ce que je pense maintenant ». Le parquet insiste pour comprendre de quelle reddition il s’agit, comme mentionné dans le message lu. L’accusé indique en réaction qu’il ne veut pas spéculer sur le sens des messages. Sur les 50 000 000 F CFA reçus de la Côte d’Ivoire, le parquet demande : « Comment le Général a-t-il su que vous aviez de l’argent qui arrivait de la Côte d’Ivoire ? » « Je ne sais comment il a pu le savoir », répond l’accusé qui retourne la question au parquet en ces termes : Comment voulez-vous que je réponde à la manière dont le général Diendéré reçoit ses informations ? Sur l’identité des donateurs de l’argent, l’accusé indique qu’il a cité des gens à l’interrogatoire à la gendarmerie à son corps défendant et ne souhaite pas que les noms des donateurs soient exposés sur la place publique. Cela, d’autant plus que les P.-V où sont cités ces noms ne sont plus dans le dossier, à son avis. Le parquet veut comprendre si l’argent reçu n’était pas destiné à soutenir les activités du parti et le CND. Pour Léonce Koné, le soutien à l’inclusion et le refus public de l’exclusion chez eux au CDP ne datent pas du 16 septembre 2015. Quand le parquet demande si l’argent n’a pas servi à mobiliser les troupes du CDP qui soutenaient l’inclusion, Léonce Koné dit en réponse qu’il ne voit rien de répréhensible à cela. Pouvait-on soutenir l’inclusion à l’époque et ne pas être favorable au coup d’Etat, lui demande encore le parquet ? « Tout était possible », confie-t-il en réponse. Nous avons désapprouvé publiquement le Code électoral qui excluait des personnes (« la loi Chériff ») et l’avons signifié au président Michel Kafando, rappelle-t-il. Dans cette dynamique, lui et ses camarades du CDP ont rencontré des acteurs de la CEDEAO dans l’espoir qu’ils condamnent la loi électorale taxée d’exclusion. Sur le saccage du domicile de Salifou Diallo, le parquet veut savoir si l’accusé n’en est pas responsable. En réponse, il relève qu’il ne pense pas que cela ait impliqué clairement des militants du CDP. Il rappelle des incendies de domiciles qui ont eu lieu dont lui-même sa maison familiale à Banfora, sans que le parquet ni aucune Justice n’engage la moindre procédure pour en chercher les responsables. L’audition de Léonce Koné continue ce matin à 9h au tribunal militaire à Ouaga 2000 dans la salle des Banquets.

Issa SIGUIRE et Lonsani SANOGO

 


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