HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE : Quand Me Séraphin Somé menace des prévenus

PROCES DU PUTSCH MANQUE : Quand Me Séraphin Somé menace des prévenus


 

 

L’audience du putsch manqué a commencé le mercredi 25 juillet avec le soldat de 1re classe Amadou Zongo, inculpé pour « complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres, coups et blessures volontaires, dégradation et destruction de biens ». Le procès poursuivait son cours quand Me Séraphin Somé a montré son exaspération, face au fait que bon nombre d’accusés reviennent sur les propos qu’ils ont tenus devant le juge d’instruction créant ainsi une polémique autour des déclarations contenues dans les procès-verbaux. Le sergent Yaya Guiré a lui aussi comparu pour les mêmes chefs d’accusation, et comme la majorité des inculpés, il n’a pas reconnu les faits à lui reprochés. Le 24 juillet dernier, le président du Tribunal militaire, Seidou Ouédraogo, a suspendu l’audience alors que la parole était au parquet militaire. Le lendemain, à la reprise, c’est donc le parquet qui a continué son interrogatoire pour avoir des éclaircissements en ce qui concerne les déclarations contenues dans  le procès-verbal (PV) et celles tenues à la barre. Ayant été condamné dans  le procès de la poudrière de Yimdi, certaines questions du parquet ont porté sur les infractions dont le soldat Amadou Zongo était coupable. Toute chose qui exaspérait l’inculpé qui pense qu’il a déjà été jugé et condamné pour les faits de Yimdi et qu’il n’est donc plus nécessaire de revenir là-dessus. Nonobstant ce fait, le parquet a continué à lire les déclarations du prévenu contenues dans le procès-verbal. Et l’accusé a dit que le 29 septembre 2015, le général Diendéré a demandé de « laisser tomber » et de rejoindre les postes d’affectation. Il a donné de l’argent, 300 000 F CFA, par soldat, pour que les soldats puissent inscrire leurs enfants à l’école, comme c’était la rentrée des classes. Mais les soldats ont pillé l’argent et Zongo a dit n’avoir rien reçu de cet argent. Se fondant sur le PV, le parquet a dit que le soldat Zongo a affirmé qu’il est sorti faire une patrouille le 17. «Je n’ai jamais fait de patrouille », a rétorqué le soldat qui poursuit : « quand le juge d’instruction m’a posé la question, j’ai dit que nous étions sortis tôt le matin et je lui ai montré l’itinéraire qu’on a suivi. Et il a dit que c’était une patrouille et moi, je lui ai dit que ce n’était pas une patrouille, mais il a quand même noté que je suis sorti en patrouille ».

«Les voleurs de moutons et de motos vont pâlir de jalousie »

 

Les questions venaient de tous les côtés. Et  Me Prosper Farama de demander au soldat Zongo s’il savait ce qu’il partait faire à Zorgho et quelle était la tâche qui lui était confiée. L’accusé a répondu qu’il ne savait pas ce que le sergent-chef Ali Sanou partait faire à Zorgho et on ne lui a pas non plus confié de tâche. Une réponse qui a conduit Me Farama à ironiser en ces termes : « Même chez les koglweogo, cela ne se passe pas de cette manière parce qu’on ne peut pas aller quelque part et revenir sans savoir ce pourquoi on est allé ni ce qu’on devait y faire ». Pour Me Farama, la défense du soldat Zongo est vraiment bancale. La parole étant toujours du côté de la partie civile, Me Séraphin Somé l’a demandée et le micro lui a été remis. Contre toute attente, il semblait être offusqué par les accusés qui mettaient en cause, à tout va, les déclarations du PV. A entendre Me Somé, «depuis le début du procès, les accusé ont pris l’habitude de décrédibiliser l’institution judiciaire ». Selon lui, « c’est malheureux que des accusés viennent dire que des PV authentifiés par un greffier, sont des faux ». Sur un ton assez élevé, il a déclaré ceci : « Nous souhaitons que ce soit la dernière fois qu’on décrédibilise les PV ». Des propos qui ont conduit le Président du tribunal à demander à Me Somé un peu de modération. Après cet épisode, Me Somé, toujours exaspéré, a  continué : «Les voleurs de moutons et de motos vont pâlir de jalousie, quand on leur dira comment cette audience se passe. Nous n’allons plus supporter qu’on remette en cause des PV d’instruction, sans aller jusqu’au bout». A la fin des propos tenus par Me Séraphin Somé, le Président du tribunal militaire a pris le soin de signifier que «chacune des parties a le droit d’opiner sur les pièces. Et c’est leur droit le plus absolu». Une intervention qui n’a pas satisfait les avocats de la défense, car Me Séraphin Somé venait d’apporter de l’eau au moulin des avocats de la défense, à commencer par Me Alexandre Sandwidi, conseil du soldat Zongo. En effet, Me Sandwidi a fait remarquer que « si les PV ne doivent pas être discutés, le procès n’a pas son sens. S’il pense que l’on va s’abstenir de discuter des PV, il se trompe parce que c’est de là que va jaillir la lumière ». Et Me N’dorimana d’ajouter que « les avocats de la partie civile se trompent relativement aux principes cardinaux qui doivent diriger un procès pénal (…) et il n’appartient pas aux avocats de la partie civile de nous dicter la conduite à tenir ». Sur la même lancée, Me Olivier Yelkouny a dit qu’il commence à avoir peur, mais « pas une peur bleue qui va m’empêcher de jouer mon rôle de conseil. J’ai peur parce qu’à chaque fois que je veux apporter une contradiction, on dit que nous nous  inscrivons dans une tentative de décrédibiliser l’institution judiciaire. Si les PV sont incontestables, qu’on les donnent au juge pour qu’il se prononce ».

Chacun n’a qu’à faire le travail pour lequel il est payé

 

Pour clore le débat, Me Régis Bonkoungou a demandé aux avocats de la partie civile de citer la disposition légale sur laquelle ils se fondent pour qu’ensemble, ils puissent en débattre. Pendant que l’on pensait que les uns et les autres s’étaient calmés, Me Dieudonné Bonkoungou, avocat de la défense, allait provoquer le courroux du procureur Alioun Zanré. En effet, tout est parti d’une question qu’il a posée au soldat Zongo qui a fait comprendre que l’argent que le Général a remis aux soldats du RSP, était partagé par Madi et Zallé. Et il se trouve que ces deux individus ne sont pas sur le banc des accusés. Et Me Dieudonné Bonkoungou de demander pourquoi Madi et Zallé ne sont pas poursuivis. Il a même ajouté que la logique voudrait que les 1 300 hommes du RSP soient à la barre ainsi que la hiérarchie militaire parce qu’il faut « chercher la vérité sans discrimination ». Une intervention qui a fait réagir le procureur Alioun Zanré. Pour commencer, il dit « que chacun balaie devant sa porte ». Il a dit être étonné que des gens s’insurgent contre ceux qui ne sont pas sur le banc des accusés. Le procureur Alioun Zanré explique d’un ton assez élevé : « les 1 300 hommes du RSP n’étaient pas dehors, certains étaient en mission et d’autres en études. Il ne faut pas mener un débat dont on ne maîtrise pas les contours. Si on veut connaître le sort de Zallé et Madi, qu’on lise le dossier. Chacun n’a qu’à faire le travail pour lequel il est payé. Nous ne sommes pour personne et nous ne sommes pas contre quelqu’un. Ce n’est pas le procès du RSP. Qu’on ne stimule pas  les passions ». Le procès a été suspendu aux environs de 13h pour la pause déjeuner. Après le soldat Amadou Zongo,  le sergent Yahaya Guiré a été appelé à la barre pour répondre des faits qui lui sont reprochés. Inculpé pour avoir aidé le Général Gilbert Dienderé, Jean Florent Nion et autres pour porter atteinte à la sûreté de l’Etat en septembre 2015, le sergent Yahaya Guiré plaide non coupable.  Comme tous ceux qui se sont succédé à la barre, il dit avoir exécuté des ordres donnés par sa hiérarchie.  En effet, le sergent Yahaya Guiré, en tout  cas selon ses propres  dires,  assurait la permanence le 15 septembre 2015,  ce qu’il a fait jusqu’au lendemain. Il était à la maison le 16 septembre 2015, lorsque l’adjudant-chef Idani l’a appelé pour lui dire de rejoindre le camp le plus rapidement possible.  Toujours selon sa déclaration, en tant que chef de service automobile au moment des faits, il avait à sa charge la garde des clés des véhicules. Une fois de retour au camp, il y a trouvé beaucoup de soldats. Renseignement pris, il apprendra par la suite que les autorités de la Transition avaient été arrêtées et que le quartier était consigné.  C’est ainsi qu’il a continué au carré d’armes et a vu tous les véhicules dont il assurait la garde déjà stationnés avec des armes à l’intérieur,  alors que c’est lui qui avait les clefs de ces voitures. Comme il avait mal au pied, il est allé s’asseoir.  C’est ainsi que l’un de ses chefs l’a appelé pour lui dire d’aller réparer une moto en panne vers le camp Guillaume Ouédraogo. Le même responsable lui avait également donné l’ordre de prendre une pièce de rechange afin de pouvoir dépanner celle qui était en panne.  Et c’est ce qu’il a fait avec un autre soldat. Sur la route du retour, lui et son binôme ont été obligés de tirer en l’air pour dégager la route barricadée vers le jardin du 8-Mars, à quelques mètres du palais du Mogho Naaba. Un peu plus loin, se souvient-il, ils furent obligés de refaire la même chose, c’est-à-dire tirer en l’air en vue de se frayer un chemin.   « Quelle autre mission avez- vous exécutée ? », lui a demandé le président du tribunal, Seydou Ouédraogo. A cette question, il a répondu qu’il avait également essayé, en vain, de réparer un autre véhicule tombé en panne vers le centre-ville. « A quel moment avez-vous quitté le camp ?», a repris le juge Seidou Ouédraogo.  « Le 27 septembre 2015 dans la nuit », a-t-il dit. « Quel problème aviez-vous eu avec le sergent-chef Roger Koussoubé ?», a tenté de comprendre le juge Seidou Ouédraogo.  A en croire le sergent  Yahaya Guiré, le 14 septembre 2015, il avait  demandé  au sergent-chef Koussoubé de dire aux jeunes soldats, de ne pas sortir comme ils le font.   Après ces quelques questions d’éclaircissement, la parole a été donnée au parquet pour des questions et éventuellement des observations. Se référant au procès-verbal de son interrogatoire au fond, le parquet lui a demandé de confirmer ou d’infirmer qu’il avait interpellé Roger Koussoubé par rapport aux exactions  que les jeunes soldats commettaient en ville. A ce propos, il a posé une question plus ou moins drôle.  « C’est quoi votre exaction là ?  Moi, je ne comprends pas le français. Si je comprenais français, je serais major aujourd’hui et non un simple sergent. J’ai dit à Koussoubé de voir la pagaille que les jeunes faisaient en ville ». C’est là que le juge d’instruction a dit que pagaille et exaction veulent dire la même chose. « Moi aussi j’ai dit exaction », a-t-il dit pour, selon lui, replacer ses dires dans leur contexte.

Françoise DEMBELE et Issa SIGUIRE

 

 


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