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PROCES DU PUTSCH MANQUE


Attention, Diendéré parle !

Depuis hier, 26 novembre 2018, le procès du putsch manqué de septembre 2016 est entré dans sa phase décisive, avec l’appel à la barre du présumé cerveau dudit coup de force, le général Gilbert Diendéré. Ce taiseux ex-bras droit de l’ex-président Blaise Compaoré qui était au cœur du système et dont on dit que le témoignage pourrait faire sauter plusieurs fois la République, est enfin à la barre. Attention donc, Diendéré parle !

Longtemps attendue par le peuple burkinabè qui a envie de connaître les tenants et les aboutissants de cette malheureuse parenthèse de son histoire, la comparution de cet officier supérieur de l’armée burkinabè que d’aucuns appellent à tort ou à raison la boîte noire du défunt régime, devrait permettre de voir un peu plus clair dans le pronunciamiento unanimement condamné, et qui a connu un flop retentissant.

Si donc Gilbert Diendéré n’est pas le cerveau du putsch, qui donc est-ce ? 

Mais avant, force est de reconnaître que le Burkina Faso revient de loin, lui qui a parcouru bien du chemin dans l’édification et la consolidation de l’Etat de droit. Car, sauf erreur ou omission, c’est la première fois, dans l’histoire de ce pays, que des auteurs d’un coup d’Etat ont droit à un procès qui offre autant de gages d’un procès équitable. Pour moins que cela, certains ont été, par le passé, froidement envoyés au poteau d’exécution sans avoir véritablement eu l’occasion, comme c’est le cas aujourd’hui, de donner leur version des faits encore moins de bénéficier de la possibilité de se faire assister par un avocat. C’est pourquoi le général Gilbert Diendéré doit s’estimer heureux, et c’est peu de le dire, de bénéficier aujourd’hui de conditions favorables à la tenue d’un procès où il peut se défendre à loisir. Et l’on peut se féliciter que malgré les difficultés et autres embûches, le procès ait pu continuer son petit bonhomme de chemin pour arriver là où l’on en est aujourd’hui. Car, il y a de cela quelques mois, ils étaient nombreux les Burkinabè qui étaient gagnés par le pessimisme quant à la tenue effective de ce procès. Aujourd’hui, l’on peut se réjouir de tirer vers la fin des auditions de la quatre-vingtaine d’accusés dont les comparutions ont permis aux Burkinabè de voir un peu plus clair dans cette affaire. En cela, la tenue de ce procès était nécessaire et nul doute que la comparution de celui qui a porté le chapeau du coup d’Etat en tant que président de l’éphémère CND (Conseil national de la démocratie), permettra d’éclairer davantage la lanterne des Burkinabè.

Cela dit, poursuivi pour attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres, coups et blessures volontaires et appelé à donner sa version des faits, le général Gilbert Diendéré n’a pas reconnu les faits à lui reprochés. « Je n’ai ni commandité, ni planifié, ni organisé, ni exécuté ce que certains appellent un coup d’Etat », a-t-il lancé tout de go. Mais si donc Gilbert Diendéré n’est pas le cerveau du putsch, qui donc est-ce ? Cette question est d’autant plus pertinente que jusque-là, personne parmi les accusés, n’a encore accepté d’endosser la responsabilité de ce coup d’Etat qualifié de « plus bête du monde » et dont ils semblent du reste tous se démarquer comme de la peste. Mais les témoignages de nombreux accusés et pas des moindres, tendaient à renvoyer la balle au général Diendéré.

Diendéré devrait éviter de laisser à la postérité, l’image de général félon qui lui colle à la peau depuis les événements malheureux de septembre 2015

Certains officiers de l’ex-RSP ont même dit avoir été mis devant le fait accompli lors d’une réunion tenue, aux premiers moments du coup au camp Naaba Koom II, par le général qui se serait excusé de ne les avoir pas mis au courant bien avant. En outre, au moment de sa reddition, ce dernier avait tenu un langage qui laissant croire qu’il battait sa coulpe, en reconnaissant que le coup d’Etat était une erreur et n’aurait jamais dû avoir lieu. Autant de faits qui avaient laissé croire que le moment venu, l’homme s’assumerait en toute responsabilité et assumerait son acte. Mais avec les premiers propos de l’ex-bras droit de Blaise Compaoré, l’on ne semble pas s’acheminer vers un tel scénario. C’est pourquoi l’on est tenté de se demander à quel jeu joue le général Diendéré. Car, si ses premiers mots ne sont pas un retournement de parka, cela y ressemble fort. Pire, l’on a le sentiment que celui dont la responsabilité ne fait l’ombre d’aucun doute dans l’esprit de nombreux Burkinabè, veut vendre chèrement sa peau. A moins que cela ne participe de sa volonté de ne pas couler seul, sachant que son sort est presque déjà scellé ou d’une stratégie de mouiller le maximum de personnes dans le but de chercher à minimiser son rôle. Quoi qu’il en soit, moins que tout autre accusé, Diendéré peut difficilement convaincre les Burkinabè qu’il est étranger aux événements de septembre 2015. Et pour beaucoup, s’il ne veut pas entrer dans l’histoire à reculons, après avoir reconnu son erreur en son temps, il ne devrait plus revenir sur sa parole d’officier supérieur qui a, par principe, le sens de l’honneur et de la dignité. C’est le minimum de respect qu’il doit au peuple burkinabè, après tout ce qui s’est passé. Aussi devrait-il chercher à quitter les planches avec ce qu’il lui reste encore de dignité, pour lui-même, sa famille et éviter de laisser à la postérité, l’image de général félon qui lui colle à la peau depuis les événements malheureux de septembre 2015. Mais qu’à cela ne tienne ! Le général Diendéré a choisi sa ligne de défense en faisant dans la dénégation. Cela est son droit le plus absolu. Le peuple burkinabè attend maintenant de comprendre. Car, ce qui lui importe le plus, c’est de connaître la vérité dans cette regrettable affaire qui a entraîné des pertes en vies humaines et causé de nombreux dégâts matériels et humains.

En tout état de cause, il appartiendra au tribunal de démêler l’écheveau en faisant la part des choses pour faire jaillir la lumière, car le peuple burkinabè a besoin de connaître la vérité. 

« Le Pays »

 

 

 

 


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