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LA PROCUREURE DE LA CPI EN RDC


 Kabila doit se faire du mouron

La procureure de la Cour pénale internationale (CPI),  Fatou Bensouda, est en séjour depuis hier, 2 mai 2018, à Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC). Faut-il le rappeler, Bensouda avait déjà prévenu les autorités congolaises en ces termes : « Je n’hésiterai pas à agir si des actes constitutifs de crimes relevant  de la compétence de la Cour, sont commis et à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour poursuivre en justice les personnes responsables ». Cette sortie faisait suite aux violations répétées des droits de l’Hommes dans le Kasaï où, à ce qu’on dit, 3000 personnes ont perdu la vie sans compter les deux experts onusiens. Et ce n’est pas tout. Toutes les trois manifestations du Comité laïc de coordination (CLC) ont été aussi réprimées dans le sang.

On peut tresser des lauriers au CLC

Car, la soldatesque, acquise à la cause du dictateur, a fait étalage de sa nature sanguinaire, obligeant le CLC à observer une trêve qui courait jusqu’au 30 avril dernier ; le temps de permettre aux autorités congolaises de prouver leur volonté de traduire dans les faits le contenu de l’accord de la Saint-Sylvestre. Cette pause a été mise à profit pour procéder à l’évaluation de la situation. A cet effet, le CLC a tenu, le 30 avril et le 1er mai 2018, son premier congrès à Kinshasa, avec des participants venus de différentes provinces du pays. Il en est ressorti un constat on ne peut plus préoccupant. Et pour cause. D’abord, tout indique que le calendrier ne sera pas tenu. En effet, l’audit du fichier électoral n’a pas commencé. L’enrôlement des Congolais de l’étranger est logé à la même enseigne. Ensuite, aucune des mesures annoncées allant dans le sens de la décrispation du climat politique, n’a été  prise. Le CLC en veut pour preuve les deux faits suivants : le premier est qu’aucun des opposants emblématiques qui croupissent actuellement dans les geôles du pouvoir, n’a été libéré. Le deuxième fait est que, selon toujours le CLC, l’interdiction de manifester n’est pas levée. Et pour ne pas arranger les choses, le CLC pointe du doigt la Commission électorale, accusée notamment d’être opaque et partiale. Pour résumer les choses, le CLC est sceptique et redoute deux scénarios : soit un nouveau report des élections au-delà du 23 décembre en s’abritant derrière des difficultés logistiques, soit des élections à la date prévue mais  entachées d’irrégularités mais que la Cour constitutionnelle, qu’il juge à la solde du pouvoir, s’empressera de valider. C’est pour empêcher ce scénario-catastrophe pour la démocratie en RDC, que les laïcs catholiques mettent fin à leur trêve et annoncent « de nouvelles actions pacifiques », sans toutefois préciser de date.

L’on peut déjà tresser des lauriers au CLC, pour son rôle combien patriotique de vigie de la démocratie et l’inviter à ne jamais baisser la garde de sorte à neutraliser, comme on le dit dans le jargon militaire, les imposteurs  que représentent Joseph Kabila et son clan. Cet engagement pour la cause de la démocratie,

comporte de gros risques. Les laïcs catholiques s’exposent une fois de plus aux pulsions morbides de l’homme fort de Kinshasa. Comme il en a l’habitude, il n’hésitera pas à faire parler la poudre face aux actions pacifiques du CLC. Mais ni les intimidations, ni les tueries du satrape ne doivent amener les laïcs catholiques à plier l’échine.

Les catholiques doivent impérativement chercher à mobiliser au-delà de leur confession

Leur combat s’apparente à un sacerdoce. Les épines, les larmes et le sang seront leur lot quotidien. On peut même dire qu’en décidant de relancer leur résistance pacifique avec tous les risques que cela comporte, les laïcs catholiques ont choisi, en toute conscience, de reprendre le chemin de croix. A moins que l’épouvantail de la CPI oblige Kabila et ses sbires à revoir leur copie. On attend de voir. En tout cas, la  liberté et la démocratie ont un prix. Et tout indique que le CLC est disposé à le payer. Il semble d’autant plus disposé à le faire que des Congolais ont déjà perdu la vie, pour avoir répondu à leur mot d’ordre. Moralement, ils n’ont pas le droit de renoncer à leur lutte alors que Joseph Kabila s’emploie à vider l’accord de la Saint-Sylvestre de son contenu. L’autre raison qui les oblige à garder allumée la flamme de la résistance, est liée au fait que l’opposition politique congolaise n’est pas digne de confiance. De ce fait, elle peut, à tout moment, se dégonfler comme un ballon de baudruche, sacrifiant ainsi les intérêts du Congo sur l’autel d’intérêts bassement égoïstes. D’ailleurs, l’on peut décrypter la fin de la trêve des laïcs catholiques comme une sorte de désaveu de la trêve signée  entre le pouvoir et l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès  social) de Félix Tshisékédi. Officiellement, cette trêve a pour vocation de permettre le rapatriement des restes du fondateur dudit parti. Mais quand on connaît le peu de sérieux et le caractère versatile des opposants politiques de ce pays, l’on peut se permettre d’appliquer le doute méthodique de Descartes à chacun de leurs faits et gestes. De ce point de vue, le CLC gagnerait en crédibilité en s’émancipant de toutes les chapelles politiques. Déjà, le pouvoir de Joseph Kabila le perçoit comme un instrument au service de l’opposition politique pour déstabiliser le pays.

Certains caciques du pouvoir vont jusqu’à le qualifier de suppôt de l’étranger pour nuire à la RDC. Pour véritablement ébranler le pouvoir illégitime et illégal de Joseph Kabila, les catholiques doivent impérativement chercher à mobiliser au-delà de leur confession, les Congolais et les Congolaises qui ont encore un grain d’amour pour leur pays. Car, seuls les larges rassemblements qui transcendent les ethnies  et les religions, constituent véritablement un antidote contre les dictateurs. Le Burkina Faso, en tout cas, est passé par là, pour se défaire du sien.

« Le Pays »


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