HomeOmbre et lumièrePROJET DE LIMITATION STRICTE DES MANDATS PRESIDENTIELS : Une proposition sage et opportune

PROJET DE LIMITATION STRICTE DES MANDATS PRESIDENTIELS : Une proposition sage et opportune


Le Conseil national de transition a soumis à l’attention du gouvernement une proposition de Constitution en vue de passer à la Ve République. Nous ne reviendrons pas dans ces colonnes pour insister sur la nécessité de la mise en place d’une nouvelle Constitution, puisque la quasi totalité des constitutionnalistes les plus éminents que compte le pays, sont unanimes à en reconnaître la pertinence.

Nous nous arrêterons seulement sur l’article 42 du document du CNT. Celui-ci stipule ceci : « Le président du Faso est élu au suffrage universel direct, égal et secret pour un mandat de cinq ans. Il est rééligible une seule fois. En tout état de cause, personne ne peut exercer la fonction de président du Faso, sans discontinuer ou par intermittence, plus de dix ans durant ».

Cet article, censé encadrer strictement le mandat du président et qui est un avatar de l’article 37 de l’actuelle Constitution, vaut bien un commentaire. Car, de toute évidence, c’est la gestion de celui-ci par l’ancien président Blaise Compaoré, qui avait valu bien des malheurs au peuple burkinabè. Malmené et modifié en effet à plusieurs reprises par l’enfant terrible de Ziniaré et ce, au gré de ses intérêts exclusifs, les Burkinabè en étaient arrivés à avoir le sentiment que la Constitution ne se réduisait qu’à cet article, tant il avait été au centre de la bagarre politique à laquelle s’étaient livrés le camp de sa modification pour permettre à Blaise Compaoré de s’éterniser au pouvoir, et celui de ceux qui étaient farouchement contre. Il a fallu l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014, avec toutes les conséquences que l’on sait. Il était donc sage et opportun que les députés de la Transition se penchent sérieusement sur le principe de la limitation stricte des mandats présidentiels pour que plus jamais personne, quelle que soit son ingéniosité, ne puisse user d’artifices pour tripatouiller les textes afin de satisfaire sa boulimie de pouvoir, comme ce fut le cas avec Blaise Compaoré. Et si le champion du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) était en passe de réussir sa forfaiture, c’était parce que simplement l’article 37 avait été rédigé avec des failles, sans doute à dessein, pour les besoins de la cause.

La période de la Transition, paraît le moment idéal pour opérer des réformes politiques hardies

La rupture, tant prônée par la Transition, exigeait donc entre autres que l’article relatif au mandat présidentiel soit reformulé de manière à empêcher les règnes à vie et de ce fait, à tirer la démocratie vers le haut. Dans la mouture que le CNT a produite, l’article 42, tel qu’il a été libellé, répond à cet esprit. Mieux, les députés ont pris le soin d’y ajouter la clause suivante : « personne ne peut exercer les fonctions de président du Faso, sans discontinuer ou par intermittence plus de dix ans durant ». Dans les pays à démocratie avancée, cette clause aurait été vite dénoncée et retirée parce qu’elle peut être perçue comme une atteinte grave aux droits des citoyens. Mais dans des pays comme le nôtre, en plein apprentissage de la démocratie, il est sage de ne pas donner à certaines personnes, quelle que soit leur compétence, l’impression qu’elles sont indispensables au point qu’elles peuvent pour briguer sans discontinuer deux mandats présidentiels, puis de revenir plus tard après un intermède de 5 ans, pour briguer à nouveau un autre mandat, comme ce fut le cas en Russie avec Poutine et son Premier ministre Medvedev. On se rappelle que ces 2 hommes s’étaient entendus comme larrons en foire, pour gérer à tour de rôle la présidence de la Russie. Le Burkina n’a pas besoin de ce jeu de rôles. D’aucuns pourraient objecter en brandissant le fait que si c’est le peuple qui le veut, pourquoi pas. Cet argument, de toute évidence, relève de la mauvaise foi. Car tout le monde sait que le peuple burkinabè, à cause de la misère et de l’ignorance, s’est très souvent comporté comme du bétail électoral à l’occasion des scrutins. Pour une bouchée de pain ou pour un tee-shirt, nos populations peuvent accorder leurs suffrages à un candidat à la présidentielle. Les satrapes sont du reste conscients de cette réalité. C’est pourquoi ils sont prompts à vouloir régner à vie sur leur pays, à recourir de manière cynique à la sempiternelle phrase selon laquelle le peuple est souverain. A ce propos, l’on pourrait affirmer sans risque de se tromper que si Blaise Compaoré avait soumis la modification de l’article 37 à l’arbitrage d’un référendum, il avait toutes les chances de voir son projet passer comme une lettre à la poste. Pour toutes ces raisons, il aurait été plus judicieux que toutes les propositions du CNT allant dans le sens du renforcement de la démocratie, puissent être adoptées pendant la période de la Transition, parce que ce moment de neutralité institutionnelle paraît idéal pour opérer des réformes politiques hardies, objectives, générales et impersonnelles.

Sidzabda


Comments
  • je m’inscris dans la droite ligne de cet article. quand j’ai lu toute la proposition de constitution, je me suis dit que c’était trop que de verrouiller ainsi. mais considérant les expériences passées il est mieux qu’il soit ainsi car si il y a toujours des ouvertures il ne manquera pas de malins, s’appuyant comme d’habitude sur un juridisme qui n’a rien à voir avec les aspirations du peuple pour parvenir à leurs fins. donc il faut éternellement (tant que dure cette constitution en tout cas!) verrouiller cet article et qu’on n’en parle plus!

    4 août 2015
  • « personne ne peut exercer les fonctions de président du Faso, sans discontinuer ou par intermittence plus de dix ans durant ».
    de par les subtilité juridiques qui nous échappent,nous qui travaillons avec les champs écoles aimerons bien comprendre l’interprétation de ou par intermittence plus de dix ans durant sur l’exemple suivant:
    Tartempion fait un mandat de 5 ans; il est remplacé à l”élection suivante et revient au pouvoir une seconde: est ce dire qu’il ne pourra faire qu’un mandat de 5 ans pour un total de 10 ans au pouvoir ou pourra t-il une nouvelle série de 5 ans soit un total de 15 ans?

    5 août 2015

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