HomeA la unePROMESSE DE GRACE PRESIDENTIELLE A KHALIFA SALL ET KARIM WADE

PROMESSE DE GRACE PRESIDENTIELLE A KHALIFA SALL ET KARIM WADE


 Le chantage sur fond de pré-campagne de Macky Sall

Dans une sortie relayée par les médias internationaux, le président sénégalais, Macky Sall, dit envisager d’accorder une amnistie générale à ses  emblématiques opposants pris dans les rets de la Justice, Khalifa Sall, ex-maire de Dakar, et Karim Wade, candidat déclaré du Parti démocratique sénégalais (PDS), en exil au Qatar, après la présidentielle de 2019. Et comme il fallait s’y attendre, cette déclaration a suscité dans les différents états-majors politiques concernés, un sentiment  d’étonnement, d’indignation et   de colère.  En tout cas, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur cette sortie qui fait grand bruit sur les rives du fleuve Sénégal.

L’on peut penser, dans un premier temps, que le président s’est lancé dans une opération de communication politique. 

L’amnistie envisagée n’est qu’un appât

En montrant qu’il peut faire preuve de magnanimité à l’égard de ses adversaires, Macky Sall se pose non seulement en artisan de la réconciliation nationale, mais aussi en père de la Nation. Il le reconnaît d’ailleurs lui-même à travers cette déclaration : « Je ne peux écarter, dans une circonstance nouvelle de réélection, d’engager une nouvelle phase pour la reconstruction nationale dans un esprit de renouveau national, de consensus national. Parce que je pense qu’il faut savoir tourner des pages aussi. »  Dans un second temps, l’on peut aussi penser que le premier des Sénégalais cherche à amadouer son opposition et s’attirer les faveurs des partisans des deux mis en cause, comme pour dire, « votez-moi si vous voulez que vos champions recouvrent la liberté ». L’on ne peut enfin s’empêcher de lire dans la sortie du président une manœuvre de division de l’opposition quand on sait que le combat politique mené aujourd’hui par certains opposants comme l’ex-président Abdoulaye Wade, vise avant tout à  soustraire des filets de la Justice, leurs protégés. L’amnistie envisagée n’est donc autre qu’un appât destiné à attirer certains poids lourds de l’opposition qui peuvent ainsi, sur l’autel des intérêts personnels, tourner le dos à leurs camarades politiques.

En attendant de voir les effets réels de la sonde qu’il a lancée, Macky Sall subit d’ores et déjà de nombreuses critiques. Les hommes de loi dénoncent un amalgame dans l’utilisation du terme amnistie. En effet, selon les propos de Maître Diop, rapportés par notre confrère Jeune Afrique, «dans la rigueur des principes, cela pose problème parce que l’amnistie est une prérogative que seule l’Assemblée nationale détient, mais pas le Président de la République. Ce dernier a le pouvoir de gracier parce que la grâce s’attache à une personne alors que l’amnistie porte sur des faits et seuls les députés peuvent voter une loi qui peut amnistier. Maintenant, le chef de l’Etat étant le chef de l’Exécutif, il peut naturellement proposer une loi portant dans ce sens. Mais l’amnistie proprement dite ne peut être exercée que par l’hémicycle ». Il est difficilement imaginable de croire que le président ignore les dispositions légales. Cette sortie malheureuse peut, en tout cas, laisser croire  que l’Assemblée nationale est à la remorque de la présidence de la République si elle n’est pas tout simplement une caisse de résonnance de l’Exécutif.  Mais au-delà de la querelle sémantique de juristes, ils sont nombreux à penser que le président Macky Sall joue mauvais jeu.

L’Exécutif marche  dans les plates-bandes des hommes en toge

Il n’est pas, de ce fait, exagéré de dire que Macky Sall boxe en dessous de la ceinture. En tout cas, il aura bien du mal à convaincre les Sénégalais, tant la pratique qui consiste à instrumentaliser la Justice pour éliminer de pugnatifs concurrents des élections, est courante en Afrique.  Dernière démonstration en date, c’est le cas de la mise à l’écart de l’opposant Jean Pierre Bemba en République Démocratique du Congo (RDC). L’autre critique, et pas des moindres, est que le président remet en cause la séparation des pouvoirs. L’on sait que les procédures judiciaires ne sont pas encore closes dans ces dossiers à forte sensibilité si fait que l’on ne peut s’empêcher de voir dans les manœuvres du président, une intrusion dans les affaires judiciaires. Et tout cela confirme l’avis de la Cour de Justice de la CEDEAO qui avait conclu à des détentions arbitraires sur fond de calculs politiques à l’endroit des deux leaders politiques incarcérés. L’on reproche enfin à Macky Sall de faire du chantage sur fond de précampagne présidentielle.

Cela dit, l’on peut se poser la question de savoir quelles seront les conséquences de cette sortie que d’aucuns qualifient de malheureuse. L’on peut logiquement s’attendre à quelques réactions de colère dans les milieux judiciaires, tant la déclaration du président de la République semble confirmer le fait que l’Exécutif marche  dans les plates-bandes des hommes en toge. L’on se souvient, en effet, il y a peu, qu’un juge avait démissionné pour dénoncer l’inféodation de la Justice au pouvoir au Sénégal. Macky Sall vient ainsi d’apporter de l’eau à son moulin.

Par ailleurs, l’on devrait aussi s’attendre à ce que les réactions de l’opposition aillent au-delà des réactions d’indignation circonscrites dans les locaux des sièges de partis, pour prendre la forme d’une mobilisation qui participe à la veillée d’armes qui caractérise les périodes de pré-campagne en Afrique.

« Le Pays »


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