HomeOmbre et lumièrePUTSCH AU BURKINA : La presse traumatisée

PUTSCH AU BURKINA : La presse traumatisée


Je ne pouvais imaginer que dans ce pays, le Burkina Faso, il y aurait des fous plus fous que moi. Mais depuis le 16 septembre dernier, j’ai vu qu’il y a fou et fou. Tenez, j’ai vu des gens, ou plutôt des fous soldats, armés jusqu’aux dents, qui tiraient à balles réelles sur la population de Ouagadougou. Et des morts, il y en a eu ainsi que de nombreux blessés. En ce qui concerne la destruction des biens matériels, les « terroristes » qui ont écumé la capitale de mon pays n’ont pas fait dans la dentelle. Ils ont incendié beaucoup de biens. Par exemple, mon cousin qui avait sa moto 135, a vu son engin partir en fumée, comme d’autres. Ils ont même tenté de jeter ce cousin dans le feu, n’eût été l’intervention de l’un des soldats qui a demandé à ses camarades de l’épargner que c’est un « pauvre type ». En plus de cela, de nombreux Ouagalais ont été frappés et molestés. Manifestement, le matériel haut de gamme reçu dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, a été utilisé pour réprimer les citoyens burkinabè. Je tiens à préciser ici que toute la population a « subi la Répression Sauvage et Populaire » (RSP).

Et que dire du sort de mes amis et confrères de la presse nationale ? Je pense notamment à l’assassinat du directeur de publication de l’Indépendant en 1998. L’on sait que la presse de notre pays a déjà subi des actes de terreur de par le passé. Et alors qu’on pensait que la presse avait obtenu d’importants acquis en matière de liberté de la presse, patatras… C’était sans compter avec le RSP qui s’est encore signalé très négativement. Et les dégâts dans le monde des médias ont été énormes. Même sous Blaise Compaoré, je n’ai pas noté une sauvagerie pareille. La répression a atteint un niveau record. Pour commencer, les soldats se sont attaqués à des radios comme Omega FM. Ils ont incendié tout le parc automobile et le parc moto avant de saboter l’émetteur. Cette attaque d’Omega a alerté les autres radios qui ont dû, par mesure de sécurité, arrêter leurs programmes. Des soldats se sont rendus à Savane FM et ont ramassé tout le matériel informatique et de travail de cette radio. A ces deux exemples, se sont ajoutés les descentes dans certaines rédactions, des agressions de journalistes, la destruction de leur matériel de travail et l’ensemble d’autres actes ignobles à l’encontre de la presse.

Je ne vais pas tourner autour des faits. Les soldats du Camp Naba Koom ont fait subir des préjudices d’ordre matériel, moral et physique à la presse burkinabè. Pour quelles raisons ? Je me pose des questions. Etait-ce pour faire payer à la presse, son rôle déterminant dans les évènements de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 ? Etait-ce pour empêcher les médias de donner les informations par rapport aux actes barbares et antirépublicains que les putschistes étaient en train de poser ? Etait-ce pour censurer les médias ou contraindre les journalistes à l’autocensure ? Il y a peut-être de tout cela. Au total, on peut dire que le général Diendéré et ses hommes ont commis des actes inhumains envers les médias et les populations, mais aussi ils ont démontré que leur affaire de « Conseil national pour la démocratie » n’a rien de démocratique. Car, et même moi je sais, l’un des principes fondamentaux d’une démocratie est la liberté d’expression et de presse. Si des putschistes justifient leur coup de force par un souci de promouvoir la démocratie et dans le même temps, ils portent atteinte à ces principes élémentaires, alors ces putschistes ne sont que des imposteurs. Je me convaincs donc que la déclaration du porte-parole des putschistes où ils accusent la Transition d’avoir voté une loi contre la presse, était purement et simplement une farce pour maquiller les intentions et méthodes malsaines du Régiment de la sécurité présidentielle, ou du moins de la « Répression sauvage et populaire ». Les lecteurs vont peut-être dire que Le Fou est plus dur aujourd’hui ; la réalité est qu’effectivement, je suis très indigné et très fâché. Je ne peux pas imaginer qu’au 21e siècle, des personnes civilisées, formées à la sueur du front des Burkinabè qui leur ont donné mandat de les défendre et de les protéger contre tout péril, ces personnes-là, dis-je, puissent agir de la sorte.

Maintenant que le mal est fait, surtout en ce qui concerne la presse, que devons-nous faire ? Moi, en tout cas, j’estime qu’il y a deux actions non discutables à poser dans l’immédiat. La première, c’est que les pouvoirs publics voient dans quelles mesures ils pourraient remettre en selle les entreprises de presse saccagées en leur permettant de renouveler leur matériel détruit. La seconde action, les organisations et associations de presse doivent, de façon concertée ou individuelle, déposer des plaintes en justice contre X pour atteinte à l’intégrité physique, pour destruction de biens, entre autres. Rien ne doit exonérer les auteurs de la barbarie à l’encontre de la presse et de la population sans laquelle ils n’existeraient pas en tant que RSP.

Le Fou


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