HomeA la uneRAPPORT 2020 DU CNP/NZ SUR LA LIBERTE DE LA PRESSE  

RAPPORT 2020 DU CNP/NZ SUR LA LIBERTE DE LA PRESSE  


Le 3 mai de chaque année, le monde entier célèbre la Journée mondiale de la liberté de la presse. Selon le dernier classement de Reporters sans frontières, le Burkina Faso s’en sort avec la première place en Afrique francophone. Cette année encore, au plan national, le Centre national de presse/Norbert Zongo (CNP/NZ) a commandité une « Etude sur l’état de la liberté de la presse ». Dans ce rapport, la note de 2,41 sur 4 a été attribuée au Burkina. Ce qui dénote d’une liberté de la presse relativement  bonne. Ce rapport a été publié dans la matinée du 3 mai 2021, à Ouagadougou, sous le thème : «  La viabilité des entreprises de presse au Burkina Faso ».

 

Le régime fiscal appliqué aux médias, les actes criminels à l’égard des journalistes, la non-application de la loi 051 et le niveau de salaire bas des journalistes, sont entre autres raisons qui ont conduit les experts commis à la tâche par le Centre national de presse/Norbert Zongo, d’attribuer la note de 2,41/4 au Burkina dans l’« Etude sur l’état de la liberté de la presse ». Un recul par rapport à 2019 où la note était de 2,50/4 selon Lassané Yaméogo, Consultant et coordonnateur de l’étude pour l’année 2020. Cette notation qui est faite sur la base de 5 objectifs (critères), est évaluée de 0 à 4. « Les journalistes sont dans une situation précaire. Et la note y relative qui est de 1,33 est le plus bas de tous les critères et dans tous les rapports depuis 2016 », a-t-il regretté. A cela s’ajoutent des difficultés inhérentes au domaine de la presse que sont le fait que les entreprises de presse ne soient pas rentables, les chiffres de tirages et de consommation ne sont presque pas existants, des harcèlements et discrimination à l’égard des femmes journalistes, à écouter Lassané Yaméogo. Cependant, des signes positifs, le rapport en parle. En effet, les experts ont reconnu l’existence d’une offre médiatique diversifiée et une information relativement objective et fiable.  

 

«  Si nous ne faisons pas d’efforts dans ce sens, nous allons éteindre des voix dans le milieu de la presse »

 

Ce rapport sur l’« Etude sur l’état de la liberté de la presse » a été présenté aux Hommes de médias, aux décideurs et aux organisations de défense de la liberté de la presse, le 3 mai dernier, à Ouagadougou. Une présentation qui a été faite au cours de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse au Centre national de presse/Norbert Zongo. Présent aux côtés des Hommes de médias à l’occasion de cette célébration, le président du Conseil supérieur de la communication   (CSC), Mathias Tankoano, a salué la qualité du travail des médias burkinabè à l’aune du classement du pays par Reporters sans frontières. Selon le président du CSC, cette année 2021, l’objectif de son institution est de continuer  le plaidoyer auprès de l’Assemblée nationale afin que celle-ci puisse défiscaliser les entreprises de presse. «  Si nous ne faisons pas d’efforts dans ce sens, nous allons éteindre des voix dans le milieu de la presse. C’est l’un de nos principaux chantiers et nous allons mener le plaidoyer, avec les organisations de la presse, pour que le législateur puisse penser à une fiscalité spécifique au domaine de la presse », a-t-il souligné. Autre chose, Mathias Tankoano dit continuer les échanges avec les patrons de presse pour la mise en œuvre de la Convention collective dans le domaine des médias. «  Il faut développer encore des idées et des initiatives pour voir avec l’Etat, comment rendre effective cette Convention collective. Les patrons évoquent la problématique de moyens et de la survie des entreprises de presse », a-t-il indiqué.

 

1 000 futurs livres pour le CNP/NZ

 

Initiateur de cette activité entrant dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le CNP/NZ a produit une déclaration du 3 mai, lue par le président du Comité de pilotage de ce centre, Inoussa Ouédraogo. Dans cette déclaration, ce dernier a pointé du doigt les différents fossoyeurs de la liberté de la presse. Loin d’être exhaustif, Inoussa Ouédraogo pense que ces fossoyeurs ont pour noms, le Covid-19, l’insécurité, les hommes et les femmes «  qui ont décidé d’abattre sur les travailleurs des médias publics une répression barbare… » (voir encadré). La célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse au Burkina a été une occasion pour le CNP/NZ de lancer officiellement le prix Norbert Zongo du journalisme d’investigation dans le cadre du FILEP qui se tiendra du 10 au 13 novembre 2021. Lancé au cours de cette célébration, le prix de la meilleure journaliste sera appelé désormais,  « prix Marie Soleil Frère Minoungou de la meilleure journaliste». Le CNP/NZ et l’ensemble des acteurs des médias lui ont rendu un hommage à l’occasion de cette messe des médias. A l’occasion, des personnalités issues du monde des médias ont signé sur le portrait de Marie soleil frère Minoungou. La famille de cette enseignante–chercheure en journalisme a promis remettre au CNP/NZ, 1 000 livres de la bibliothèque personnelle de leur fille.

 

Boureima KINDO

 « Les fossoyeurs de la liberté, c’est aussi tous ceux qui travaillent à perpétuer l’impunité », a dénoncé Inoussa Ouédraogo

 

« Le monde entier célèbre ce lundi 3 mai, pour la  28e  fois, la Journée mondiale de la liberté de presse. En ce moment précis, nous avons une pensée pieuse pour les hommes et femmes de médias qui ont été arrachés à notre affection dans notre pays et à travers le monde. Nous avons une pensée émue pour le Pr Marie Soleil Frère, celle-là qui a donné de son temps et de son énergie pour l’édification du Centre national de presse Norbert Zongo. Nous saluons les efforts de tous les hommes et femmes de médias du Burkina qui, malgré leurs conditions de vie et de travail extrêmement difficiles, se battent nuit et jour pour que les Burkinabè puissent avoir accès à l’information juste. Nos encouragements vont également aux responsables de médias qui, malgré la situation économique difficile que traverse le Burkina Faso, ont su maintenir le cap du professionnalisme. A tous ces journalistes, qui travaillent à troubler le sommeil des décideurs, des fonctionnaires, des chefs d’entreprise et des élus sans foi ni loi, le Centre national de presse Norbert Zongo, vous encourage à poursuivre votre travail de chiens de garde pour que prennent fin au pays des hommes intègres, le pillage des deniers publics, la corruption et les crimes économiques de tout genre. Sachez que vous faites la fierté du pays des hommes intègres et personne ne doit vous arrêter dans cette noble mission.

 

Mesdames, messieurs,

Pour l’année 2021, l’UNESCO a bien voulu placer la célébration du 3 mai sous le thème : «L’information comme bien public ». A travers ce thème, l’UNESCO entend affirmer « l’importance de défendre l’information comme un bien public, souhaite explorer ce qui peut être fait dans la production, la distribution et la réception de contenu pour renforcer le journalisme et faire progresser la transparence et l’autonomisation tout en ne laissant personne de côté ». Le thème de la Journée mondiale entend faire prendre « en compte l’évolution d’un système de communications qui a un impact sur notre santé, les droits de l’Homme, les démocraties et le développement durable ». Au Burkina Faso, nous avons choisi de placer cette journée sous le thème : « La viabilité de l’entreprise de presse ». En choisissant ce thème, nous exprimons notre souhait de voir l’ensemble de la communauté politique, économique et médiatique consentir des efforts au profit de l’entreprise de presse. Ce maillon indispensable à la production de l’information est en péril.

 

Mesdames, messieurs,

La commémoration de la 28e  Journée mondiale de la liberté de la presse se tient dans un contexte où le Burkina Faso est plus ou moins bien côté au plan de la liberté de la presse. En effet, selon le classement mondial 2021 de Reporters Sans Frontières (RSF), en Afrique, notre pays occupe la 5e  place après l’Afrique du Sud (4e ), le Ghana (3e ), le Cap Vert (2e ) et la Namibie (1re), faisant du Burkina Faso le 1er en Afrique francophone, en matière de liberté de presse. Dans le monde, le Burkina occupe la 37e  position sur 180 pays, juste après la Slovénie (36e ), la Slovaquie (35e ), la France (34e) et le Royaume-Uni (33e). Nous avons des motifs de satisfaction. Mais, nous ne devrons pas perdre de vue que les défis restent entiers pour construire des médias économiquement viables, professionnellement irréprochables, libres et indépendants de toutes les chapelles politiques et des pouvoirs économiques, participant au renforcement de l’Etat de droit et à l’élargissement des espaces de liberté. Mais comme on le dit, pour que la liberté passe, les fossoyeurs de la liberté ne doivent pas passer.

 

Mesdames et messieurs

Mais qui sont les fossoyeurs de la liberté ? Ils sont nombreux malheureusement. Les fossoyeurs de la liberté ces dernières années au Burkina Faso, c’est la pandémie à coronavirus. Cette maladie a ébranlé tous les pays du monde, entraînant des conséquences désastreuses sur le plan humain et économique. A la date du 21 mars 2021, le monde entier enregistrait plus de 123 millions de cas positifs et 2,7 millions de morts. A la même période, notre pays comptait 145 décès pour 12 559 cas positifs. Cette pandémie a déstructuré les moyens et systèmes de production économique. Les entreprises de presse n’en ont pas été épargnées dans un contexte où leur rôle d’information, de sensibilisation et d’éducation des citoyens était plus que jamais primordial. Dès l’apparition du Covid-19, le 9 mars 2020, le gouvernement burkinabè a adopté une batterie de mesures visant à limiter la propagation de la maladie. Si l’adoption de ces mesures a plus ou moins permis de contenir la propagation de la pandémie, elles ont, a contrario, constitué un obstacle à l’accès à l’information journalistique.

 

Mesdames et messieurs

L’inaccessibilité aux informations relatives au Covid-19 a été davantage facilitée par les zones d’ombre qui entourent les textes législatifs. La loi 051-2015/CNT portant droit d’accès aux informations publiques et aux documents administratifs n’a toujours pas été rendue opérationnelle par la prise d’un décret d’application. A cela viennent se greffer les textes spécifiques régissant le secteur de la santé. Ces textes consacrent le secret médical, rendant difficile l’accès à l’information par les journalistes. De plus, la maladie à coronavirus a exposé les journalistes au risque de contagion. Si dans les rédactions un dispositif de protection était disponible, sur le terrain, il fallait se débrouiller. Et dans cette absence de mesures de protection spécifiques, certains journalistes ont malheureusement contracté la maladie. Le Covid-19 a également accéléré l’effondrement des modèles économiques des entreprises médiatiques, mettant à mal la liberté de la presse.

 

Mesdames et messieurs

Un autre fossoyeur de la liberté de la presse au Burkina Faso et non des moindres, s’appelle insécurité. L’insécurité affecte incontestablement les médias. Dans les régions durement éprouvées, il est difficile voire, dans certains cas, impossible pour les journalistes de rejoindre les sources d’information. Il est évident que le terrorisme et les violences intercommunautaires sont une menace à l’endroit des journalistes. Les nouvelles dispositions liberticides introduites dans le Code pénal en 2019 ont contribué à restreindre la liberté de presse et d’expression pour les médias et pour les citoyens.

 

Mesdames et messieurs

Les fossoyeurs de la liberté, c’est aussi tous ceux qui travaillent à perpétuer l’impunité. Voilà 23 ans que les assassins de Norbert Zongo courent toujours. Il faut le dire tout net : l’une des conséquences de l’impunité dans le dossier Norbert Zongo ainsi que de tous les autres crimes crapuleux impunis dans ce pays, est la recrudescence de la violence et des menaces régulières dont sont victimes certains journalistes et défenseurs de la liberté d’expression et de la presse. En 2020, au moins six (6) cas d’agressions et de menaces de mort par balles à l’égard de journalistes ont été recensés. Les assoiffés du sang, constatant que la justice burkinabè n’est pas parvenue à faire la lumière sur certains dossiers, pensent qu’ils peuvent impunément continuer à inquiéter les hommes et femmes de la plume, du micro et de la caméra. Mais c’est peine perdue. Car, notre conviction est faite que le peuple burkinabè prendra toujours ses responsabilités et constituera un bouclier pour les défenseurs de la liberté d’expression, de la démocratie et de l’Etat de droit. Les fossoyeurs de la liberté, ce sont aussi ces hommes et femmes qui ont décidé d’abattre sur les travailleurs des médias publics, une répression barbare et cynique à travers notamment des affectations arbitraires. Il est temps qu’ils permettent à ces journalistes expulsés de Sidwaya et de la RTB de retrouver leurs places au sein des médias publics.

Mesdames et messieurs,

Les fossoyeurs de la liberté sont nombreux, on ne finira pas de les citer aujourd’hui. Mais face à eux, il y a les défenseurs de la liberté de presse, qui sont tout aussi déterminés. Ces défenseurs, c’est vous, mesdames et messieurs, qui avez sacrifié de votre temps pour être là, qui nous souteniez dans nos initiatives diverses depuis plusieurs années. Vous êtes les plus forts, vous êtes les boucliers des journalistes, et tant que vous resterez debout à nos côtés, nous n’allons pas flancher, nous n’allons pas courber l’échine. Le combat va continuer et ce malgré les nuages difficiles qui s’amoncèlent à l’horizon aussi bien sous le ciel du Centre national de presse Norbert Zongo que sous celui de la plupart des entreprises de presse. Pour le centre, c’est une autre histoire. Mais pour nos entreprises, les pouvoirs publics doivent agir vite. Ils doivent non seulement aider les médias à réussir leur transition numérique, les aider à l’assainissement de leur milieu totalement infesté malgré la carte de presse et le laisser-passer, mais également à la gouvernance des entreprises médiatiques. Si tout cela est suivi d’une meilleure structuration du soutien à la presse privée, de l’allègement de la fiscalité et l’accompagnement promis dans le cadre de l’application de la convention collective, nul doute que les médias burkinabè éviteront la mort certaine dont la plupart ne pourront échapper. Pour tout dire, le Centre national de presse Norbert Zongo soutient l’idée de la tenue d’Etats-généraux de la presse burkinabè.

 

Mesdames et messieurs,

Tout à l’heure, nous avons rendu hommage au Professeur Marie Soleil Frère. Cette brave dame a été pour beaucoup dans la création du Centre national de Presse Norbert Zongo. Mieux, la bibliothèque du Centre a été en grande partie son œuvre. Sa famille nous informe que sa bibliothèque personnelle du côté de Bruxelles, riche de plus de 1000 livres, sera exclusivement reversée au Centre national de presse Norbert Zongo. Ensuite, le prix de la meilleure journaliste que nous venons de lancer, va porter désormais le nom de cette grande dame qui a contribué à former plusieurs générations de journalistes et de chercheurs à travers le Burkina et le monde. On aura donc désormais le prix Marie Soleil Frère de la meilleure journaliste au Burkina et avec l’accompagnement de la famille de Marie Soleil Frère. C’est sur ces notes d’espoirs et en espérant que d’autres partenaires apporteront leurs contributions à ces initiatives, que le Centre de presse Norbert Zongo vous souhaite une belle célébration du 3 mai. »

 

Vive la journée mondiale de la liberté de la presse !

Vive la liberté de presse !

Pour le Centre National de Presse Norbert Zongo

Le comité de pilotage !

Le Président 

 

Quelques recommandations pour améliorer l’état de la liberté de la presse au Burkina

 

-Rendre opérationnel le décret d’application de la loi 051 portant droit d’accès à l’information publique et aux documents administratifs ;

-Instituer un régime fiscal adapté aux médias ;

-Faire un plaidoyer pour une révision du Code pénal, notamment les dispositions relativement au traitement des informations sécuritaires, pour une relecture de la Convention collective.

 

Source : Rapport sur l’état de la liberté de la presse, 2020


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