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RDC : Silence, Kabila massacre !


Malgré la clameur des désapprobations tant à l’interne qu’à l’externe,  Joseph Kabila, droit dans ses bottes, a franchi le Rubicon. Contre la volonté du Constituant originel et  d’une partie de l’opposition congolaise, il a transgressé l’interdit que lui imposait la loi de demeurer au pouvoir au-delà du 19 décembre.  Même les sourds grondements qui se sont fait entendre depuis l’Occident, n’auront pas réussi à dissuader l’enfant terrible de la RDC, de son forfait. Et comme pour narguer tous ceux qui s’étaient jurés de transformer son rêve de rester au pouvoir au-delà de son mandat constitutionnel en une chimère, il annonce le 19 décembre sous le coup de minuit, son nouveau gouvernement, comme pour ouvrir une nouvelle ère. En effet, c’est à une poignée de secondes de l’expiration du mandat constitutionnel du président, qu’interrompant ses programmes, la radio-télévision nationale congolaise surprend les Kinois et les populations de l’arrière-pays par la publication de la liste des membres du nouveau gouvernement.

Kabila est conscient qu’il n’est plus légitime

Au-delà du symbolisme juridique qui consistait à ne pas franchir la ligne rouge de minuit sans tous les attributs du pouvoir, Kabila a voulu couper l’herbe sous les pieds de l’opposition frondeuse menée par Etienne Tshisekedi, engagée dans un round de négociations avec l’Eglise catholique. Tout s’est passé comme s’il y avait eu urgence à agir  vite avant que les conclusions de ces pourparlers ne viennent mettre du sable dans le couscous. Mais en agissant de la sorte, Kabila ne peut se départir de l’image du voleur qui, précipitamment, veut mettre à l’abri le fruit de sa rapine. Tout au moins fait-il la preuve qu’il est conscient qu’il n’est plus légitime même s’il n’en a cure. Cela dit, le nouveau gouvernement, ouvert aux membres de l’opposition qui a pris part au dialogue politique national voulu par Kabila lui-même,  frappe par la pléthore de ses membres. Ils sont 60 à être invités à la table du seigneur. Même si ce nombre astronomique pour un gouvernement, n’est pas une première dans  l’histoire politique de la RD Congo, c’est un bien triste spectacle que Kabila et tous ceux qui ont répondu à l’appel de la soupe, offrent de leur pays et de l’Afrique. D’abord, parce que ça ne fait pas sérieux, du fait que cela laisse croire que les portefeuilles ministériels, on peut les créer à l’envi et les distribuer à souhait. S’il y avait 100 demandeurs, on aurait sans doute eu 100 postes ministériels. On ne peut offrir image plus pathétique de l’Afrique où la gestion du pouvoir politique est au service de nègres demeurés, éternels  enfants qui n’en font qu’à leurs caprices et où la nomination dans un gouvernement ne répond qu’à la politique des récompenses. Ensuite, parce que cette pléthore prouve à l’envi que les difficultés socio-économiques qui tiennent à la gorge les populations congolaises, sont le cadet des soucis de Kabila qui, pour conserver le pouvoir, préfère grever le budget de l’Etat pour gaver une minorité de parvenus au détriment de la majorité. La question que l’on pourrait donc se poser est de savoir si ce gouvernement-fleuve peut être la solution aux attentes des populations et s’il suffira à faire baisser la fièvre politique qui met depuis plus d’une année, le pays en transe. Pour sûr, la réponse à la question est non. Et pour causes. D’abord, aussi élargi soit-il, ce gouvernement vient cristalliser les lignes de fracture de la classe politique et de la société congolaises. Il achève la division manichéenne de la nation en gens de bien et en gens du mal, avec des risques évidents d’implosion ou d’explosion. Déjà, quand bien même l’opposition n’avait pas appelé à manifester le 19 décembre, malgré l’impressionnant dispositif sécuritaire, des violences ont été enregistrées dans certaines villes. Ensuite, ce gouvernement, infailliblement, sera confronté à des difficultés de cohésion interne, vu sa composition hétéroclite. Il est même certain que du point de vue de l’efficacité interne, de nombreux ministres se marcheront sur les platebandes. Enfin, il saute aux yeux que ce nouveau gouvernement devra, au vu de son nombre, faire avec les difficultés financières et matérielles. Il est fort à parier que certains ministères seront des SDF. Au regard de tout cela, on peut bien se demander jusqu’où ira cet attelage. Le pari des 16 mois de vie n’est pas gagné d’avance pour ce nouveau-né congolais. Et ce n’est pas l’opposition de Etienne Tshisekedi qui, comme le monstre de l’apocalypse, attendait la venue du nouveau-né pour le dévorer, qui va lui rendre la vie facile.

Kabila est désormais dans la logique de Néron dont le sadisme n’avait d’égal que sa myopie politique

A présent donc que Kabila a dévoilé la liste de son gouvernement et occupé militairement le pays, l’inconnue reste la réaction de la plateforme de l’opposition et du peuple congolais. Kabila a tenu sa promesse de ne pas abdiquer au soir du 19 décembre. Que fera l’opposition qui avait promis de ne pas lui concéder une seconde de plus au Palais de marbre au soir du 19 décembre ? Si Kabila semble avoir remporté la première manche du duel, il est à peu près certain que le bras de fer qui se joue sur les rives du Congo, va se durcir dans les jours à venir. En se précipitant pour former son gouvernement sans attendre l’issue du dialogue que mène l’Eglise avec l’opposition radicale, Kabila se désolidarise de son initiative pour radicaliser sa position et l’on voit mal comment Etienne Tshisekedi et ses camarades peuvent battre en retraite alors que le champ de bataille est jonché des cadavres de leurs sympathisants morts au combat. Du reste, l’appel à la résistance que le vieux lion vient de lancer, augure de ces jours de tourmente et d’incertitudes qu’ouvre cette nouvelle saison au Congo.  Il reste l’arbitrage du peuple congolais qui se retrouve face à son destin. Lui seul peut décider de sa destinée, même au prix du sacrifice suprême !  Et déjà, la soldatesque de Kabila a encore osé tirer sur les jeunes manifestants de Kinshasa, de Lumumbashi et autres.  La coupe est désormais tragiquement pleine. Kabila qui est parvenu au trône par accident est désormais dans la logique de Néron dont le sadisme n’avait d’égal que sa myopie politique.  Il précipite dans le gigantesque bûcher qu’il a construit de ses propres mains, son peuple.  Le boucher de Kinshasa se couvre désormais des oripeaux d’un véritable gibier de potence pour la Cour pénale internationale (CPI).  Il pleut depuis hier, des grêles sur toute la RDC.  Kabila-fils est en train de marcher tragiquement sur les traces d’un autre roi tristement nommé Mobutu.  Assurément, qui sauvera la RDC ? Ce pays dont les richesses nourrissent la dramaturgie du destin.  Et les pays occidentaux le savent bien, eux dont la force de protestation se mesure à l’aune de leur volonté de profiter du « scandale géologique » de ce pays.

En tout état de cause, la voie est toute tracée par le héros de l’indépendance congolaise, Patrice Lumumba qui, dans la dernière lettre à sa femme, disait :  « A mes  enfants que je laisse, et que peut-être je ne reverrai plus, je veux qu’on dise que l’avenir du Congo est beau et qu’il attend d’eux, comme il attend de chaque Congolais, d’accomplir la tâche sacrée de la reconstruction de notre indépendance et de notre souveraineté, car sans dignité il n’y a pas de liberté, sans justice il n’y a pas de dignité, et sans indépendance il n’y a pas d’hommes libres. Ni brutalités, ni sévices, ni tortures ne m’ont jamais amené à demander la grâce, car je préfère mourir la tête haute, la foi inébranlable et la confiance profonde dans la destinée de mon pays, plutôt que vivre dans la soumission et le mépris des principes sacrés. »

« Le Pays »


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