REJET DE L’ACCORD INTERLIBYEN PAR LES NATIONS UNIES : Quand la paix dérange l’ONU
C’est déjà connu. Le parlement de Tobrouk et le Congrès national de Tripoli ont signé, le 6 décembre dernier, un accord de paix dont l’objectif affiché est de dénouer le nœud de la crise libyenne. Pour qui connaît l’adversité entre ces deux entités qui se disputent le pouvoir en Libye jusqu’à la « couper » en deux, cet accord est le bienvenu. Il y a un temps pour faire la guerre et un autre pour faire la paix. Les Libyens se sont rabibochés, motivés en cela par l’urgence et le péril auxquels ils sont confrontés. Reste que la Libye, un temps havre de paix et de stabilité sous la férule du « Guide » libyen, fait aujourd’hui office de berceau de djihadistes. En effet, Tripoli et sa « rivale » Tobrouk, sont des niches de djihadistes. La Libye d’aujourd’hui est une ruche à partir de laquelle s’échappent des abeilles d’un autre genre pour piquer des pans entiers du continent. La terreur islamiste en Tunisie voisine et dans l’ensemble du Sahel, à commencer par le Nord-Mali, est la conséquence de cette chienlit. Le terreau est d’autant favorable à tous ces « dangereux cafards» que la Libye s’apparente à un marché où ils peuvent se procurer toutes les armes et recruter des kamikazes qu’ils exportent vers d’autres champs de batailles djihadistes. On l’aura compris, l’Etat libyen est menacé dans ses fondements et toutes les conditions objectives et subjectives sont réunies pour qu’il s’effondre. Prenant la mesure de la situation, les Libyens, soucieux de préserver leur espace commun de vie et de continuer à vivre ensemble, ont décidé de taire leurs querelles de clochers pour s’entendre autour de l’essentiel.
La communauté internationale devrait plutôt s’aligner sur la solution du cru libyen
C’est justement dans cette dynamique qu’est intervenu l’accord bipartite de Tunis qui prévoit, entre autres, le retour à la Constitution libyenne de 1963 qui garantit l’organisation d’élections législatives crédibles dans un délai de deux ans, la formation d’une commission chargée d’apporter une contribution dans la désignation d’un chef de gouvernement d’union nationale et d’une commission chargée d’amender la Constitution. L’encre de cet accord historique, n’a pas encore séché, qu’il est contesté par l’Organisation des Nations unies. Selon son tout nouveau représentant spécial, Martin Klober, « l’accord politique conclu sous l’égide des Nations unies, constituait la base pour une solution à la crise ». En clair, l’ONU ne voit pas d’un bon œil l’accord de paix signé par le parlement de Tobrouk et le Congrès national de Tripoli. Du moins, cet accord de paix arraché par les deux parties en conflit, semble bien déranger Ban Ki-Moon. On ne peut pas présager les intentions de cette organisation mondiale dont l’objectif premier est de promouvoir la paix sur la planète. Mais sa posture actuelle laisse perplexe. Car, par principe, tout ce qui concourt à la paix devrait être salué et encouragé. L’ONU aurait donc dû commencer par reconnaître le mérite des principaux protagonistes de la crise libyenne qui viennent ainsi de tracer des sillons d’un retour à la normale. S’arc-bouter sur un accord dont on voudrait qu’il passe forcément par la case ou du moins la maison de verre ONU, c’est se tromper de combat et faire une mauvaise querelle aux Libyens. C’est à croire que la paix dérange l’ONU. La communauté internationale devrait plutôt s’aligner sur la solution du cru libyen, quitte à y apporter des retouches visant à la renforcer et à la bonifier. Dans tous les cas, la Libye a été détruite avec l’onction des Nations unies qui doivent assumer leurs responsabilités. Vouloir dicter ses vues à ce peuple dans le désarroi, c’est pérenniser les facteurs de la crise. A moins que la complainte onusienne ne soit l’expression d’un sentiment de frustration et d’humiliation. On sait en effet que l’action de la toute puissante ONU en Libye n’a pas permis en quatre ans, de sortir le pays de Kadhafi du bourbier dans lequel les Occidentaux, avec la bénédiction de la faîtière de la paix, l’ont plongé. Le leadership de la gardienne de la paix en Libye a été de nul effet. Assurément, l’accord interlibyen est vécu par l’ONU comme une frustration et c’est sans doute ceci qui explique cela.
Michel NANA
Edouard Bouda
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Voilà, créée pour le maintien de la paix, l’ONU devient de plus en plus celle qui semble empêcher les pays d’être en paix. Vraiment !
10 décembre 2015