REMISE EN CAUSE DE L’AUTORITE DE L’ETAT : Une prise de conscience collective s’impose
On fait le constat que la défiance de l’autorité de l’Etat est devenue, peut-on dire, le sport favori de bien des Burkinabè. Cette pratique incivique se décline en termes d’outrage à agents des forces de l’ordre dans l’exercice de leur fonction, d’absentéisme des fonctionnaires, de non-observation quasi systématique des règles de la circulation, de tendance fâcheuse des populations à se rendre justice, etc. De cette dernière, parlons-en. Car si on n’y prend garde et au rythme où vont les choses, elle a de fortes chances de devenir la règle et non l’exception. En effet, lorsque l’on circule à Ouagadougou aujourd’hui, on le fait avec la peur au ventre. Non pas celle liée aux dangers de la circulation, mais la peur de subir l’ire des populations au cas où on a le malheur de commettre le moindre accident. Dans le meilleur des cas, la foule, sans autre forme de procès, brûle l’engin. Dans le pire des cas, elle cherche à lyncher aussi l’auteur. L’illustration la plus récente de ce phénomène est l’accident de circulation survenu à Gampéla sur la RN4, dans la commune rurale de Saaba le mardi 15 décembre dernier. A cette occasion, la vie d’une institutrice avait été fauchée par un car appartenant à une compagnie de transport de la place. La suite, on la connaît. La foule remontée n’a pas hésité un seul instant à mettre le feu au véhicule. La raison avancée est que les riverains sont excédés par l’excès de vitesse de cette compagnie. Si cette version est avérée, l’on peut comprendre la colère des populations. Mais de là à se rendre justice en brûlant le car, l’on doit dire que cela n’est pas une pratique à encourager. En effet, le renouveau démocratique auquel les Burkinabè aspirent aujourd’hui, parce qu’il y va de l’intérêt de chaque citoyen, passe par l’édification d’un véritable Etat de droit. De toute évidence, cela proscrit la vendetta populaire. Pour l’éradiquer, il convient d’abord d’en dégager les causes.
Les acteurs de la Justice ont l’opportunité aujourd’hui d’exercer leur rôle
Par cet acte qui s’inspire de la loi du Talion, l’on peut avoir l’impression que les populations expriment leurs frustrations. Et celles-ci trouvent leurs origines dans l’impunité dont le sommet de gloire avait été atteint sous le régime de Blaise Compaoré. Les exemples qui illustrent cette réalité sont légion. Des malfrats pris la main dans le sac, incarcérés et vite relâchés pour ensuite se pavaner en toute liberté dans la société où ils narguent les honnêtes citoyens et leurs victimes, des chauffards qui, au nez et à la barbe des forces de l’ordre, font le rallye dans la circulation, des gouvernants qui font étalage de leur fortune dont tout le monde sait qu’elle n’a aucun rapport avec leur revenu officiel et l’on en oublie, tant la liste est longue. Devant de tels scandales publics à ciel ouvert, il est difficile de prêcher le civisme en particulier et la vertu en général. Pour inverser véritablement la tendance, une prise de conscience collective s’impose. La première action qui doit être posée dans ce sens, revient aux gouvernants. En effet, ce sont eux qui doivent travailler au quotidien pour traduire dans les faits, la règle juridique selon laquelle « nul n’est au-dessus de la loi et tous les Burkinabè sont égaux devant elle ». De ce point de vue, l’exemple doit venir d’en haut. Le fait de livrer par exemple un ministre qui aurait commis des choses indélicates à la Justice pour que celui-ci réponde de ses actes peut avoir une portée pédagogique inestimable auprès des populations. Pour opérationnaliser ces deux dispositions que nous avons citées plus haut, les acteurs du monde de la Justice, doivent s’assumer. Ils doivent d’autant plus le faire qu’à la faveur de l’avènement de la Transition, des mesures ont été prises par les autorités à l’effet de consacrer véritablement l’indépendance de la Justice. L’on peut donc estimer que la page des “juges acquis” est en passe d’être tournée au pays des Hommes intègres. Les acteurs de la Justice ont donc l’opportunité aujourd’hui, d’exercer leur rôle de manière à convaincre les Burkinabè qu’ils peuvent leur faire confiance désormais parce que toute démocratie digne de ce nom, doit prendre appui sur une justice irréprochable. En plus de ces deux acteurs majeurs dont l’exemplarité peut contribuer à bouter hors de nos frontières l’incivisme, l’on peut ajouter le rôle décisif que doivent jouer les Organisations de la société civile. Car, elles sont de puissants vecteurs pour inculquer les bonnes pratiques dans les mentalités des populations. Une telle synergie d’actions peut persuader les populations qu’elles ont tout à gagner dans le respect de l’autorité de l’Etat. Le nouveau pouvoir issu des élections libres et transparentes du 29 novembre dernier doit engager tout le pays dans ce combat, tout en ne perdant pas de vue que la meilleure pédagogie dans le domaine socio-affectif (changement de comportement) est la pédagogie de l’exemple par l’exemple.
Sidzabda