HomeA la uneRENCONTRE D’ANCIENS CHEFS D’ETAT BURKINABE EN VUE DE LA RECONCILIATION NATIONALE : Une opération commando qui a viré au fiasco

RENCONTRE D’ANCIENS CHEFS D’ETAT BURKINABE EN VUE DE LA RECONCILIATION NATIONALE : Une opération commando qui a viré au fiasco


Ainsi donc Blaise Compaoré a quitté sans encombre Ouagadougou à bord du Gulstream G550 affrété par la présidence ivoirienne, dans l’après-midi du 10 juillet 2022, pour Abidjan après 48 heures de séjour controversé sur sa terre natale du Burkina Faso et malgré des appels tous azimuts à son arrestation et à son emprisonnement à la Maison d’arrêt et de correction des Armées, pour y purger sa peine de condamnation à perpétuité. On ne le dira jamais assez, si ce retour en catimini et en liberté, avait pour objectif de rabibocher les Burkinabè et de recoudre le tissu sociopolitique supposément en lambeaux, il a plutôt donné un argument de moins et un problème de plus à ses initiateurs, d’autant qu’il a soulevé un tollé jamais enregistré depuis l’arrivée de la junte au pouvoir en janvier dernier en raison du statut pénal de l’ancien président du Burkina.

 

 

Le président Damiba a visiblement confondu vitesse et précipitation dans sa quête effrénée de la paix

 

 

Car, c’est moins la perspective d’une réconciliation nationale après la rencontre de haut niveau entre anciens et actuel présidents du Faso, que le séjour à Ouagadougou en homme libre de celui qui a laissé un souvenir contrasté à ses compatriotes après 27 ans de règne, qui était au cœur des débats. Beaucoup de Burkinabè, bien qu’ils ne soient pas fondamentalement opposés à cette rencontre au sommet, n’ont pas manqué de fustiger l’amateurisme de ses organisateurs, et la tentative ratée du coup de poker  de l’actuel locataire du palais de Kosyam, le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba. Le président Damiba a visiblement confondu vitesse et précipitation dans sa quête effrénée de la paix en tentant de rassembler contre vents et marrées, ceux-là mêmes qui sont considérés par une bonne partie de l’opinion publique, comme des « has been » sans aucune prise sur le cours des événements tragiques qui se déroulent actuellement au pays des Hommes intègres. En quoi une rencontre entre anciens ennemis ou adversaires politiques aujourd’hui sans voix au chapitre, peut-elle booster la lutte contre le terrorisme et dresser les Burkinabè comme un seul homme contre les « fourmis magnans » qui envahissent les villages de notre pays en y semant mort et désolation ? Pourquoi avoir pris le risque de faire venir dare-dare et vaille que vaille celui sur qui pèse un mandat d’arrêt international, en lui garantissant la sécurité et l’impunité pendant son séjour dans le pays où il est « wanted » ? Tant qu’à faire, Damiba aurait pu rassembler les anciens chefs d’Etat les moins clivants à Kosyam et faire participer celui qui cristallise les passions par visioconférence depuis Abidjan. Mais au lieu de cela, le président Damiba s’est fourvoyé en se lançant dans ce qui ressemble davantage à une opération de charme vis-à-vis des partisans et des soutiens de Blaise Compaoré, qu’à une véritable recherche de solution à la crise sécuritaire que vit le pays depuis plusieurs années.

 

 

Ce flop sur toute la ligne n’est pas de bon augure pour la lutte contre le terrorisme

 

 

C’est peut-être parce qu’ils savaient qu’il y a quelque chose d’indécent dans la scénographie de cette rencontre, que Roch Marc Christian Kaboré, Michel Kafando et Yacouba Isaac Zida, l’ont tout simplement snobée, en invoquant des raisons valables pour certains, fallacieuses pour d’autres. Dans tous les cas, cette absence risque de provoquer un retour de flammes contre le président de la transition, qui a réactivé sans le vouloir le front politico-social en hibernation depuis l’intrusion des militaires à coups de canon, sur la scène politique le 24 janvier de cette année. L’arrivée et l’accueil du condamné le plus célèbre du Burkina à Ouagadougou, son héliportage hollywoodien vers son lieu d’hébergement et son apparition sous les riches lambris de la présidence, ont donné de l’urticaire aux avocats et aux familles des victimes, ulcéré  les défenseurs des droits de l’Homme et indigné les syndicats des magistrats qui ont tous vu dans cet ‘’honneur’’ réservé à Blaise Compaoré, une immixtion de l’Exécutif dans les affaires judiciaires. Même à l’enfant terrible de Ziniaré, le président Damiba n’aura  pas rendu service, en l’exposant au voyeurisme morbide des médias, alors qu’il est dans un état physique visiblement pénible pour l’exercice. D’aucuns vont jusqu’à dire qu’il a humilié son prédécesseur dont il faisait partie de la garde, à travers cette invitation dans le contexte actuel qui a suscité un déferlement de haine chez tous ces Burkinabè au vocabulaire riche en invectives et en insultes. C’est donc une opération commando qui a viré au fiasco, et ce flop sur toute la ligne n’est certainement pas de bon augure pour la lutte contre le terrorisme dont le régime actuel s’en fait le chantre, puisque quelques heures seulement après ce coup d’essai raté, on a assisté à un énième coup de Jarnac des terroristes, cette fois-ci contre le détachement militaire et le site des réfugiés de Barsalogho, dans le Sanmatenga, au Centre-Nord, dont le bilan provisoire est de 4 civils tués, 8 militaires blessés, des véhicules et des armes emportés. Voilà le sujet qui préoccupe tous les Burkinabè et sur lequel les autorités doivent plancher le plus vite et le plus rapidement possible, au lieu de se ruiner dans des tentatives vaines de solder les comptes des passifs relationnels des hommes politiques qui sont,  pour bon nombre d’entre eux, comptables du délitement actuel du pays. 

 

 

Hamadou GADIAGA


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