HomeA la uneRENCONTRE DE L’OPPOSITION CONGOLAISE A BRUXELLES : L’union sacrée aura-t-elle lieu ?  

RENCONTRE DE L’OPPOSITION CONGOLAISE A BRUXELLES : L’union sacrée aura-t-elle lieu ?  


Le 8 juin 2016, s’est ouvert dans la capitale belge, le conclave de l’opposition congolaise à Bruxelles autour d’Etienne Tshisekedi, le président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). L’objectif affiché de ce rendez-vous est de fédérer les forces qui militent pour le changement et d’exiger que Joseph Kabila débarrasse le plancher au terme de son mandat prévu pour décembre prochain. L’on peut d’abord saluer ceux qui ont perçu la nécessité pour l’opposition de former un front politique pour faire barrage à l’arbitraire et à la boulimie du pouvoir incarnés par le régime de Kabila fils. L’on peut ensuite relever et saluer la pertinence du choix de la personnalité autour de laquelle ce conclave se tient. En effet, Etienne Tshisekedi, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est une icône de l’opposition congolaise et ce, depuis novembre 1965, date à laquelle Mobutu Sésé Seko, à la suite d’un coup d’Etat, a accédé au pouvoir. Depuis lors et malgré le fait que Tshisekedi a flirté un moment avec le dictateur Mobutu, l’on peut dire que « le vieux lion » est toujours resté droit dans ses bottes dans sa posture d’opposant. En plus de cette légitimité historique que personne ne peut lui contester, il a l’avantage du droit d’aînesse. Et en Afrique, ce critère vaut son pesant d’or. L’un dans l’autre, l’on peut dire que le vieux a le profil idéal pour rassembler et pour se faire respecter à l’occasion de cet événement.

Le choix de Bruxelles peut être brandi par les partisans de Kabila

Mais la seule fausse note de cette rencontre, si l’on peut l’appeler ainsi, porte sur le lieu retenu pour ce raout. En effet, pour des discussions aussi cruciales pour la nation congolaise, l’idéal aurait été qu’elles eussent lieu au pays. A défaut, elles auraient pu se dérouler en Afrique. Car le choix de Bruxelles, au regard du rôle trouble que la Belgique est soupçonnée d’avoir joué dans l’assassinat de la légende vivante du Congo, Patrice Lumumba pour ne pas le nommer, peut être brandi par les partisans de Kabila dont certains, on le sait, revendiquent l’héritage du héros national, pour accuser l’opposition d’être de connivence avec l’ancienne puissance coloniale à l’effet de déstabiliser la RD Congo. Ce genre de discours aux relents nationalistes peut faire des émules au pays de Lumumba. Kabila, le cas échéant, ne s’en privera pas. Et c’est de bonne guerre. Mais l’opposition, en guise de réplique à cet argumentaire opportuniste, pourrait dire que le choix de Bruxelles a été motivé par le fait que Etienne Tshisekedi, affaibli par l’âge et la maladie, y réside. Cela dit, cette rencontre va donner l’occasion au monde d’évaluer le degré de crédibilité et de responsabilité de l’opposition congolaise. Et la grande question que l’on peut se poser à ce propos est de savoir si l’union sacrée aura lieu face à la volonté affichée et sans ambiguïté de Kabila fils de gérer la RDC comme son jardin potager à la manière du voisin ougandais, Yoweri Museveni, qui, on se rappelle, avait filé la métaphore, en comparant son pays à une bananeraie dont il est l’unique propriétaire. A cette grande question de savoir si l’union sacrée de l’opposition face à Kabila aura lieu, l’on peut malheureusement être tenté de répondre par la négative et pour cause. D’abord, les opposants congolais dorment sur la même natte, mais ils ne font jamais le même rêve. De ce point de vue, il n’est pas exclu qu’ils ne parviennent pas à se mettre d’accord sur la stratégie puisque contrairement aux autres membres de l’opposition, Etienne Tshisekedi plaide déjà pour une participation au dialogue national proposé par Kabila.

La RD Congo mérite l’opposition qu’elle a aujourd’hui

De ce fait, le conclave peut dégénérer en des tirades byzantines, très loin des préoccupations politiques actuelles du peuple congolais. Et quand on sait que ces opposants ont chacun un ego surdimensionné, on peut facilement imaginer leur incapacité à parvenir à un compromis pour sauver l’essentiel. Et l’essentiel ici consiste à aller au-delà des intérêts mesquins, partisans et égoïstes pour faire barrage à un homme et à son clan qui ont choisi en toute conscience de brûler le pays, s’il le faut pour préserver leurs intérêts. Etienne Tshisekedi et ses camarades de l’opposition ont-ils seulement conscience de cela ? Il est permis d’en douter. Et cette irresponsabilité collective, peut-on dire de l’opposition, n’est pas l’apanage de la RDC. Elle peut être également observée dans l’écrasante majorité des pays de l’Afrique centrale. C’est ce qui explique, entre autres, le fait que cette partie du continent noir est un véritable bouillon de culture de cancres de la démocratie. La deuxième grande raison qui fait croire que le conclave de Bruxelles risque de ne pas aboutir à une union sacrée contre Kabila est que ce dernier pourrait infiltrer des taupes au sein des opposants dont la principale mission consisterait, contre des espèces sonnantes et trébuchantes, à faire feu de tout bois pour que les discussions accouchent d’une souris. En la matière, l’on peut dire que les dictateurs ont du génie à revendre. Et pour ne pas arranger les choses, ce premier grand rassemblement de l’opposition intervient alors que la communauté internationale, toute honte bue, a appelé une fois de plus à un dialogue inclusif en RDC. Franchement, c’est à ne rien comprendre. Car comment peut-on dialoguer avec un individu qui a pris la responsabilité de prendre en otage tout un pays ? Mais, l’on ne doit pas être outre mesure étonné par cette posture de la communauté internationale. Car ce qui l’intéresse, c’est moins la démocratie des Bantous que les intérêts qu’elle peut engranger en maintenant Kabila au pouvoir. Le jour où le peuple congolais comprendra cela, l’on peut croire qu’il se donnera les moyens de se débarrasser de son dictateur. D’autres peuples l’ont déjà fait. Mais le grand enseignement que l’on peut tirer de la situation politique du Congo est que chaque peuple mérite son dictateur. De la même manière, l’on peut dire que la RD Congo mérite l’opposition qu’elle a aujourd’hui, au regard de ce que nous venons de dire plus haut. C’est dur à entendre mais comme aiment à le dire les Ivoiriens, « c’est ça qui est la vérité ». Hasard du calendrier ou pure coïncidence, nous avons appris que l’Américain qui avait été arrêté pour participation à une entreprise de déstabilisation pour le compte de Moïse Katumbi, a été libéré et remis à son ambassade.  Il sera incessamment, dit-on, ramené dans son pays, si ce n’est déjà fait.

« Le Pays »


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