HomeA la uneRENONCEMENT DE MACKY SALL A UN 3e MANDAT : Du sable dans le thiéboudiène* de Ousmane Sonko

RENONCEMENT DE MACKY SALL A UN 3e MANDAT : Du sable dans le thiéboudiène* de Ousmane Sonko


Après plus d’un an de suspense sur fond de tensions sociopolitiques, c’est avec un grand soulagement que les Sénégalais ont accueilli, le 3 juillet dernier, le renoncement de leur président à un troisième mandat. Morceau choisi : « Mes chers compatriotes, ma décision, longuement et mûrement réfléchie, est de ne pas être candidat à la prochaine élection du 25 février prochain », a notamment déclaré Macky Sall. Une décision empreinte de grande sagesse, qui dégage le ciel de Dakar des lourds cumulo-nimbus annonciateurs d’une de ces tempêtes tropicales ravageuses que seul le continent africain connaît, et qui menaçait de s’abattre sur le Sénégal ; tant la tension était à son paroxysme, relativement à la question du troisième mandat du natif de Fatick. Comment pouvait-il en être autrement quand pendant près de deux ans, le pays était tenu en haleine et porté à ébullition, dans les conditions que l’on sait, par les dossiers judiciaires du principal opposant au régime, Ousmane Sonko ?

 

L’argument du troisième mandat qui a servi de sabre à l’opposant pour monter à l’assaut du pouvoir, faisait recette

 

  Lequel opposant a placé haut la barre de la contestation populaire contre le pouvoir, en établissant un lien de causalité entre ses déboires judiciaires et les velléités supposées ou réelles du locataire du palais de la République de prolonger indument son bail. Et ils sont nombreux, les Sénégalais qui, sans doute instruits par les précédents Karim Wade et Khalifa Sall, deux anciens challengers de poids du chef de l’Etat, tous deux éliminés de la course au fauteuil présidentiel dans les conditions que l’on sait, ont suivi Sonko, de bonne foi, pourrait-on dire, dans sa croisade contre un mandat « indu » du successeur de Abdoulaye Wade. C’est dire combien l’allocution du chef de l’Etat était à la fois fortement attendue mais aussi très redoutée par ses compatriotes et même au-delà, qui craignaient des débordements en cas d’entêtement du quatrième président de la République à aller à la conquête de ce mandat de tous les dangers. Mais si au terme de son allocution, Macky Sall a été applaudi par les Sénégalais, mais aussi par les démocrates du continent noir au nombre desquels l’ancien président nigérien, Mahamadou Issoufou, qui est allé de son tweet pour saluer « l’intelligence politique » du chef de l’Etat sénégalais, il reste que ce renoncement inattendu de Macky Sall, n’est pas loin de constituer du sable dans le thiéboudiène de Ousmane Sonko. Car, l’argument du troisième mandat qui a servi de sabre à l’opposant pour monter à l’assaut du pouvoir, faisait incontestablement recette au point de mobiliser de nombreux Sénégalais dans la rue, dont certains sont allés jusqu’au sacrifice suprême pour une cause qu’ils croyaient juste. Et le leader du PASTEF n’était d’autant pas loin de remporter la bataille de l’opinion que Macky Sall continuait de garder sur le sujet, un silence qui paraissait en dire long sur ses intentions.

 

De Denis Sassou Nguesso à Ali Bongo, ils sont nombreux, les chefs d’Etat africains, qui ne s’imaginent pas une vie en dehors du pouvoir

 

C’est dire si ce retournement spectaculaire de situation, n’arrange pas les affaires du maire de Ziguinchor qui se voit, du jour au lendemain, délesté du principal argument dont il se servait pour continuer à ameuter la foule. A présent que le chef de l’Etat lui a coupé l’herbe sous ses pieds en prenant le contrepied parfait de ses accusations, l’on se demande autour de quelle nouvelle stratégie le leader du PASTEF bâtira sa défense. La question est d’autant plus fondée qu’il y a des raisons de croire que ce renoncement de Macky Sall va accentuer la fracture au sein de l’opposition. Et à ce jeu, Ousmane Sonko qui est sous le coup d’une condamnation rédhibitoire à sa candidature à la présidentielle du 25 février prochain, risque d’être le plus grand perdant. Son sort est-il pour autant déjà scellé ? C’est le wait and see. En attendant, le renoncement de Macky Sall à un troisième mandat, est aussi un message fort à l’endroit des satrapes du continent. Car, si le président sénégalais n’est pas le premier, parmi ses pairs, à s’illustrer par le bon exemple là où des chefs d’Etat avant lui, comme le Burkinabè Blaise Compaoré, le Guinéen Alpha Condé ou encore l’Ivoirien Alassane Ouattara n’ont pas su résister même s’ils ont connu par la suite des fortunes diverses, ce n’est pas tous les jours qu’un dirigeant africain accepte de renoncer publiquement à un pouvoir auquel il ne manquera jamais de raisons pour s’accrocher. Et de Denis Sassou Nguesso à Ali Bongo Ondimba en passant par Paul Biya, Teodoro Obiang Nguema, Faure Gnassingbé, ils sont nombreux, les chefs d’Etat africains, qui ne s’imaginent pas une vie en dehors du pouvoir et qui multiplient les mandats sans considération aucune pour leur peuple. Mais l’histoire a aussi montré qu’aucun dirigeant, aussi puissant soit-il, ne peut venir à bout d’un peuple déterminé. Et au regard de la forte mobilisation des Sénégalais autour de Ousmane Sonko, il y a des raisons de croire que la détermination affichée du peuple sénégalais contre un troisième mandat, a été pour quelque chose dans la décision de Macky Sall, de battre en retraite. Une leçon, comme une autre, pour tous ces peuples africains désireux de se défaire de la dictature, mais qui ont encore besoin d’intégrer suffisamment la maxime selon laquelle « on ne peut pas aller au paradis sans passer par la mort ». Autrement dit, il n’y a pas de victoire sans grand sacrifice. En tout état de cause, en attendant de voir s’il parviendra à se tirer d’affaire, Ousmane Sonko pourrait toujours se consoler d’avoir été le mouton de sacrifice pour les Sénégalais.

 

 « Le Pays »

 

*Thiéboudiène : plat traditionnel sénégalais très prisé au pays de la Teranga

 

 


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