HomeA la uneRESTITUTION DE PATRIMOINES CULTURELS AFRICAINS : La France ne perd rien en y allant

RESTITUTION DE PATRIMOINES CULTURELS AFRICAINS : La France ne perd rien en y allant


Lentement mais sûrement, le processus de restitution d’œuvres d’art par la France, aux pays africains, semble désormais irréversible. C’est, du moins, ce qu’on est tenté de dire au regard de l’arrivée imminente des trésors royaux d’Abomey au Bénin, puisque l’acte de restitution a été concrétisé le 27 octobre dernier, au cours d’une cérémonie à laquelle a assisté le président français, Emmanuel Macron, au Musée du Quai Branly où de nombreux objets d’art africains sont exposés. On sait que la Côte d’Ivoire va aussi bientôt recevoir une œuvre de grande importance, le tambour parleur du peuple Ebrié, autrefois appelé peuple tchaman. Bien avant cela, c’est le Sénégal qui avait reçu, en novembre 2019, le sabre d’El Hadj Oumar Tall. Un instrument, dit-on, doté d’un pouvoir surnaturel même si cela est à mettre sur le compte d’une fable. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la volonté affichée d’Emmanuel Macron de restituer les objets d’arts aux pays africains, est une excellente chose. Elle l’est d’autant plus que ces œuvres d’art constituent un pan important de l’Histoire africaine. Au-delà, ces objets permettront à la nouvelle génération africaine, de mieux connaître les symboles forts de la lutte anti-coloniale. Si le Bénin a longtemps réclamé la restitution de ses œuvres d’art, c’est parce qu’elles constituent, pour lui, de véritables trésors. 

En tout cas, le retour de ces œuvres d’art en terre béninoise, va, à coup sûr, donner un autre visage aux musées béninois. Il faut souhaiter qu’en plus des 26 œuvres d’art, les autres objets pillés, soient restitués au pays de Mathieu Kérékou.  Bien sûr, au pied du mur de ce dialogue qui se sera révélé constructif et « intelligent » entre Paris et Cotonou, Jupiter n’aura pas été le seul maçon.

La France a tout à gagner de sa nouvelle posture qui rend service à l’humanité

Il faudra aussi reconnaître le mérite d’un autre maçon, Talon dont la part contributive au combat de restitution de ces biens culturels béninois spoliés, aura été déterminante. Mais au-delà du président Talon, c’est tout le peuple béninois qui doit être félicité. Car, faut-il le rappeler, l’ancien royaume du Dahomey aura mené une lutte de longue haleine, entamée depuis 2016, même s’il devra encore prendre son mal en patience jusqu’en début d’année 2022, pour crier victoire.   En tous les cas, ce changement de paradigme impulsé par Emmanuel Macron au sujet des patrimoines culturels volés à d’anciennes colonies françaises y compris le Bénin, ne peut que servir l’image de la France qui a l’occasion de se réconcilier, d’une certaine manière, avec un pan sombre de son passé colonial.

Cela dit, l’on peut se demander pourquoi la France traîne tant les pieds dans la restitution de ces objets d’art aux différents pays africains qui en ont fait la demande. C’est vrai que ces objets ont apporté et continuent d’apporter beaucoup à la France, mais elle doit se rendre à l’évidence qu’il est temps qu’elle les restitue à leurs vrais propriétaires, surtout que la plupart de ces objets ont été confisqués dans des circonstances douloureuses. C’est d’autant plus vrai que ces pièces de très grande facture qui faisaient récemment l’objet d’une exposition spéciale au musée du Quai Branly-Jacques Chirac, ont été    pillées lors de la mise à sac du Palais d’Abomey par les troupes coloniales en 1892. En tout cas, ce n’est un secret pour personne que la colonisation a fait beaucoup de mal à l’Afrique et faire de la résistance dans la restitution des objets confisqués pendant cette douloureuse période, c’est enfoncer le couteau dans la plaie. C’est dire si Emmanuel Macron gagnerait à hâter le pas dans la restitution des œuvres d’art qui ont été arrachées injustement et avec force, au continent noir. En tout cas, la France ne perd rien en y allant. Elle ne s’appauvrit pas non plus, en retournant à ses propriétaires, leurs dus. Bien au contraire, elle a tout à gagner de sa nouvelle posture qui rend service à l’humanité et jette les bases d’un meilleur avenir, pour ne pas dire de la construction de relations plus apaisées et plus équitables entre l’Afrique et la France. Et pour tous ceux, dans l’Hexagone et ailleurs, qui verraient ces restitutions d’un mauvais œil, l’on peut leur faire observer que bien des anciens pays colonisateurs sont aussi engagés dans cette voie, notamment   l’Allemagne qui, pour certains biens, a entrepris « de rendre à César, ce qui est à César. »

 

Dabadi ZOUMBARA


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