HomeA la uneRETRAIT DE BARKHANE ET DE TAKUBA DU MALI

RETRAIT DE BARKHANE ET DE TAKUBA DU MALI


Partira, partira pas ? Telle était la question que nous nous posions dans notre édition du mardi 15 février dernier, lorsque la France et ses partenaires européens entraient, en début de semaine, en concertation sur la conduite à tenir par rapport à leur présence militaire au Mali, qui faisait l’objet de tensions avec Bamako. Finalement, aux termes d’une déclaration conjointe rendue publique le 17 février 2022, Paris et ses partenaires européens ont décidé de quitter le Mali. Expliquant que c’est à leur corps défendant qu’ils le font,  « en raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes ». Mais, à en croire certaines voix, Bamako n’a jamais officiellement demandé le départ des militaires français mais souhaitait, à tout le moins, être au parfum des moindres faits et gestes de forces évoluant sur son sol.  Quoi qu’il en soit, c’est désormais officiel, les forces française Barkhane et européenne Takuba vont partir du Mali, dans un « retrait coordonné ». Mais elles resteront au Sahel où elles feront l’objet d’un redéploiement dont les contours restent encore à préciser.

 

le Mali est aujourd’hui face à son destin

 

Une décision annoncée par le président français, Emmanuel Macron, au sortir d’un dîner de travail qui regroupait, à l’Elysée, une trentaine de dirigeants africains et européens, auxquels s’associait le Canada. Le désamour entre Paris et Bamako se termine donc par un divorce.  Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette décision était très attendue au regard de l’exacerbation de la crise entre Paris et Bamako, qui s’est parfois traduite par des propos jugés désobligeants et qui a même conduit à l’expulsion de l’ambassadeur de France au Mali par les autorités intérimaires de ce pays. Mais, que ce soit Bamako qui ait pu pousser la France et ses alliés à bout pour mieux convoler en autres noces, ou que ce retrait soit l’aboutissement d’un « lâchage en plein vol» entrepris par Paris pour mieux se faire regretter, le fait est que le Mali est aujourd’hui face à son destin. Et Assimi Goïta et ses camarades ont maintenant l’occasion de s’assumer pleinement, aux yeux du monde entier et surtout aux yeux du peuple malien qui ne leur marchande pas sa confiance. Tout le mal qu’on leur souhaite, c’est de réussir à sortir le pays de l’ornière des sanctions économiques de la CEDEAO, mais aussi de la crise sécuritaire, sans le concours d’un partenaire comme la France dont la présence commençait à poser question du côté de Bamako, au regard de la dégradation continue de la situation sécuritaire en neuf ans de  présence sur le sol malien.  Car, leur exemple pourrait faire tâche d’huile sur le continent, particulièrement au Sahel et dans toute la sous-région ouest-africaine où la bête immonde est en train d’étendre ses tentacules jusqu’aux pays du littoral. C’est dire si Assimi Goïta et ses camarades doivent avoir le courage de leur choix, en se passant de tels partenaires dans leur volonté audacieuse de tracer un chemin nouveau pour le Mali.

 

On espère qu’en poussant la France à la rupture,  Assimi Goïta et ses camarades ont pris toute la mesure du défi sécuritaire

 

 Et en la matière, l’on espère que si l’intention réelle était de parvenir à une telle situation de rupture, il s’agit d’une décision suffisamment réfléchie pour ne pas exposer davantage le peuple malien aux affres d’une crise sécuritaire avec ses nombreuses inconnues. Quant à la France, l’on espère qu’elle saura tirer leçon de cette expérience sur les rives du Djoliba, pour changer son fusil d’épaule dans ses rapports avec les pays africains de plus en plus poussés par une opinion nationale toujours plus critique.  Car, tout porte à croire que c’est sa réputation de puissance omnipotente qu’elle n’a jamais cherché à corriger aux yeux des Africains, qui lui vaut aujourd’hui, le désaveu des populations africaines qui ont du mal à comprendre son impuissance face au terrorisme. Autrement dit, pour de nombreux Africains, la France est toute puissante et peut tout. Ce qui n’est pas évident. Mais tout porte à croire que Paris n’a jamais véritablement cherché à corriger cette image aux yeux des Africains. Bien au contraire, l’on peut se demander si elle ne s’y complait pas. Il n’est donc pas étonnant  aujourd’hui que ces mêmes Africains puissent penser que si elle a du mal à vaincre le terrorisme au Sahel, c’est qu’elle ne le veut pas. C’est dire si ce qui apparaît aujourd’hui comme un sentiment anti-français sur le continent africain, a quelque part été favorisé par l’attitude paternaliste de la France qui s’est toujours voulue dominatrice. C’est pourquoi, l’on espère qu’au-delà de la frustration qu’elle pourrait ressentir par cette façon peu glorieuse d’être « éconduite » du Mali, elle ne fera rien pour faire échouer les autorités de Bamako. Comme cela a été le cas avec la Guinée de Sékou Touré à qui la France avait, en son temps, donné « son indépendance avec toutes ses conséquences » qui se sont par la suite traduites, entre autres, par des actions de sabotage. Cela dit, l’on espère qu’en poussant la France à la rupture,  Assimi Goïta et ses camarades ont pris toute la mesure du défi sécuritaire qui se présente à eux.  Car, la véritable question qui se pose, est de savoir si le Mali qui est engagé dans un double bras de fer avec la CEDEAO d’un côté, et la France et ses alliés de l’autre, est suffisamment armé pour faire face à la situation et surtout combler le vide que provoquera le départ de ces deux forces. On attend de voir.

 

« Le Pays »

 


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