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 RETRAIT DE L’ORGANISATION DE LA CAN AU CAMEROUN


La rançon de l’incurie du système Biya

La Confédération africaine de football (CAF) a rendu sa décision, implacable, du retrait au Cameroun de l’organisation de la 32è édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), le 30 novembre dernier, à l’issue d’une réunion de l’institution faitière du foot continental à Accra, au Ghana. Les raisons avancées par le président de la CAF, Ahmad Ahmad, pour justifier cette décision kafkaïenne pour les uns, logique pour les autres, sont l’insécurité ambiante dans le pays en raison de la présence de Boko Haram à l’extrême nord et des séparatistes anglophones de l’Ambazonie au nord-ouest et au sud-ouest, mais aussi et surtout du retard accusé dans la construction des infrastructures prévues à cet effet. C’est, en tout état de cause, le premier flop, et il est de taille, du tout nouveau septennat de l’inamovible président camerounais, Paul Biya, et il faut s’attendre, dans les prochains jours, à des sanctions tous azimuts contre des boucs-émissaires, coupables d’avoir transmis au chef de l’Etat des comptes- rendus rassurants mais malheureusement bidonnés sur l’état d’avancement des préparatifs entrant dans le cadre de la compétition. Mais en vérité, cette douche froide n’est ni plus ni moins que la rançon de l’incurie de l’ensemble des autorités politiques du Cameroun, connues pour être les championnes du monde du laxisme et des approximations, à commencer évidemment par le chef de l’ Etat  himself. Pour l’organisation d’un événement continental aussi important que la CAN, Paul Biya aurait dû, pour une fois au moins, descendre lui-même dans l’arène pour donner un coup de pouce aux organisateurs et aux responsables des différents chantiers en cours. Au lieu de cela, il a préféré, comme à son habitude, laisser la tâche à ses régents qui, malheureusement, comptaient faire de la CAN davantage une vache à lait qu’un événement sportif et économique majeur pour le pays.

Paul Biya est en train de jouer son va-tout

Conséquence, à quelques mois du début de la compétition, le Cameroun est très loin du compte sur le double plan infrastructurel et sécuritaire, et il n’y avait plus, pour la CAF, d’autre choix que de retirer ce que d’aucuns ont considéré comme un cadeau de la CAF à son ancien président Issa Hayatou, pour le remettre dans les prochains jours à un pays remplissant les critères comme l’Afrique du sud ou le Maroc. Il n’en fallait pas davantage pour qu’une bonne partie de l’opinion publique camerounaise se déchaîne et se défausse sur la CAF et particulièrement sur son président, le Malgache Ahmad Ahmad qui aurait manœuvré dans l’ombre pour le compte du Maroc, en guise de reconnaissance pour le soutien que ce pays lui a apporté lors de son élection à la tête de la plus grande institution footballistique africaine. Mais d’autres Camerounais, plus lucides et plus réalistes, estiment que cet argument est d’un simplisme effarant, d’autant que les raisons avancées pour priver leur pays de l’organisation de la biennale du foot continental sont à la fois objectives et irréfutables. Il y en a même qui remercient les responsables de la CAF d’avoir pris cette sage décision qui évite, de justesse, à leur pays une humiliation en mondovision si la CAN y était organisée, avec des villes insalubres et encombrées, des routes dégradées et des infrastructures hôtelière  vétustes, bref, la misère partout qui contraste avec la fierté et la grande gueule dont les Camerounais sont les champions en Afrique. Dans ce débat entre ceux qui sont «pour » et ceux qui sont «contre » l’organisation de la CAN au Cameroun, il y a en filigrane des règlements de comptes politiques qui sont de nature à cristalliser les passions et à faire monter le mercure sociopolitique, toutes choses dont le Cameroun n’a pas besoin, surtout pas dans ce contexte de guerre civile et de récession économique. Si la CAF a attendu la fin de l’élection présidentielle organisée le 7 octobre dernier pour officialiser la décision qui fait des vagues aujourd’hui au Cameroun afin de ne pas influencer les votes comme l’a dit Ahmad Ahmad, elle va tout de même gâcher la fête dans le camp du nouvellement élu car, en plus des francs-tireurs de l’opposition politique qui sont en train de prendre position pour mieux atteindre la cible qui n’est autre que Paul Biya, il y a tous ces Camerounais qui se sont lourdement endettés auprès des institutions financières afin de mener des activités lucratives dans la perspective de la CAN en espérant évidemment un retour sur investissement. En plus des enquêtes qui pourraient être menées pour s’assurer que les milliers de milliards de fonds publics engloutis dans cette affaire n’ont pas servi de caverne d’Ali Baba pour les membres du comité d’organisation aux appétits financiers gargantuesques, il va falloir que les autorités camerounaises se penchent très vite sur le cas de tous ces opérateurs économiques qui se retrouvent aujourd’hui complétement groggy et désespérés par cette situation inattendue, au lieu de se ruiner dans un combat d’arrière-garde contre la CAF. Car, le risque est réel de voir le problème se déporter des plateaux de télévision ou des salons feutrés vers la rue, ce qui alourdirait davantage le climat sociopolitique déjà délétère dans le pays. Le président Paul Biya qui sait certainement qu’il est en train de jouer son va-tout dans cette histoire de CAN a priori banale, a déjà commencé à tenter de desserrer l’étau autour de lui, en proposant le triptyque désarmement-démobilisation-réintégration aux rebelles anglophones et aux extrémistes de Boko Haram. Pas sûr que cette magnanimité soudaine au timing suspect porte des fruits, d’autant qu’avec cet énorme gâchis économique et social consécutif à la non- organisation de la CAN, c’est quasiment tout le Cameroun qui risque de se dresser comme un seul homme pour réclamer la tête de Paul Biya, en guise de solde de tout compte.

Hamadou GADIAGA


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