HomeA la uneREVISION DE LA CHARTE DE LA TRANSITION AU MALI : Le réalisme va-t-il prévaloir ?

REVISION DE LA CHARTE DE LA TRANSITION AU MALI : Le réalisme va-t-il prévaloir ?


Au Mali, le Conseil national de la transition (CNT) a adopté une nouvelle charte. C’était le 21 février 2022, lors d’une séance plénière qui se penchait sur la modification de la charte adoptée au lendemain de la chute de Ibrahim Boubacar Kéita (IBK), en août 2020, et qui courait jusqu’aux élections initialement prévues pour se tenir à la fin de ce mois de février 2022.  Pour cause, les élections censées signer le retour du pays à l’ordre constitutionnel à l’horizon de ce mois de février 2022, ne pourront se tenir à la date indiquée ; les autorités de la transition s’étant, à deux mois de l’échéance, déclarées incapables de respecter ce délai. Quand on sait que ce manquement avait valu les foudres de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) au Mali qui vit depuis lors, sous embargo économique et diplomatique, c’est peu de dire que la nouvelle échéance de la transition était attendue avec beaucoup d’intérêt au-delà même des frontières du pays. Mais il va falloir encore patienter avant de la connaître.

 

Dans les faits, c’est le peuple malien qui paye le plus lourd tribut de ces sanctions d’isolement

 

Car, au nombre des nouvelles dispositions qui vont de la suppression du poste de vice-président, au vote d’une amnistie pour les putschistes en passant par l’augmentation du nombre de députés désignés qui passe de 121 à 147, les « parlementaires » ont soigneusement évité de mettre les pieds dans le plat du sujet  qui fâche, en se contentant d’une formule sibylline qui fixe la fin de la transition à l’organisation de la prochaine présidentielle sans en donner de délai précis. Pourtant, c’était tout l’intérêt de cette session parlementaire, dès lors que la disposition qui rend inéligible le président de la transition, n’a pas été touchée. D’autant que la CEDEAO qui a catégoriquement rejeté le délai de cinq ans issu des Assises nationales de la refondation (ANR), délai ensuite ramené à quatre ans par les autorités intérimaires,  continue de maintenir la pression pour une durée de transition « raisonnable ». Le réalisme va-t-il alors prévaloir ? En tout cas,  sur la question, l’institution sous-régionale qui soutient que c’est à son corps défendant qu’elle a pris des mesures punitives drastiques contre les tombeurs d’IBK, se dit prête à faire des concessions si Bamako ramène la durée de la transition à des proportions « raisonnables ».  Cela est d’autant plus impératif que dans les faits, c’est le peuple malien qui paye le plus lourd tribut de ces sanctions d’isolement qui poussent le pays au bord de l’asphyxie économique.  Les autorités de Bamako mettront-elles alors de l’eau dans leur gnamakoudji * ; elles qui semblent s’être ménagé suffisamment de marge pour décider de la date de tenue des prochaines élections ? Vont-elles aller dans le sens du  « délai raisonnable » requis et nécessaire à l’allègement voire à la levée totale des sanctions de la CEDEAO ? Ou bien maintiendront-elles le cap des délais qu’elles estiment nécessaires à leur action à la tête du pays pour lui permettre de repartir du bon pied ? On attend de voir.

 

La balle est dans le camp de Assimi Goïta et ses camarades

 

En tout cas, tout se passe comme si la CEDEAO ne veut pas passer par pertes et profits les dix-huit mois de transition déjà écoulés, alors que les autorités de Bamako semblent miser sur la question de la « refondation » pour prendre un nouveau départ dans leur volonté d’insuffler une nouvelle dynamique à la marche du pays. Le risque est réel de voir le bras de fer se poursuivre pour, pourquoi pas, se jouer in fine à l’usure, si une solution médiane n’est pas trouvée d’ici là dans le sens d’une décrispation. Toujours est-il que concernant le fameux « délai raisonnable » attendu par la CEDEAO, on croit lire des pistes de solutions à travers certaines interventions. En effet, sans que cela soit, pour l’instant, la position officielle de l’instance sous-régionale, son président, le Ghanéen Nana Akufo-Addo, s’est personnellement prononcé en faveur d’un délai supplémentaire d’un an, pour le retour à l’ordre constitutionnel sur les rives du fleuve Djoliba. Reste à savoir si Assimi Goïta et ses camarades seront prêts à s’inscrire dans cette dynamique.  En tout état de cause, la balle est dans leur camp. Et si le CNT est resté  évasif sur le délai, qui sait si cela ne procède pas d’une volonté de Bamako d’aller à la recherche une solution consensuelle avec la CEDEAO, au lendemain de la création, le 9 février dernier, d’un mécanisme de concertation avec l’institution sous-régionale, pour faciliter les pourparlers entre le Mali, la CEDEAO et l’Union africaine (UA) ? Quel que soit ce que décideront les autorités de Bamako, pourvu que cela aille dans le sens de l’intérêt du peuple malien, et qu’Assimi Goïta et ses camarades se donnent surtout les moyens de leur politique.

 

 

 « Le Pays »

 

*Gnamakoudji : jus de gingembre en langue bambara

 

 


No Comments

Leave A Comment