SOMMET DE PAU SUR L’INSECURITE AU SAHEL:La peur va-t-elle changer de camp ?
Tenu finalement le 13 janvier dernier, le sommet de Pau, entre le président français, Emmanuel Macron, et ses homologues des cinq pays du G5 Sahel que sont le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, a fait beaucoup parler et a accouché de mesures fortes qui devraient faire bouger les lignes dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. On retiendra, pour l’essentiel, qu’en lieu et place d’un retrait de Barkhane, le sommet a plutôt légitimé la présence de la France dans la zone et consacré un renforcement de sa force militaire qui verra l’arrivée de 220 soldats supplémentaires, après que les chefs d’Etat sahéliens ont clairement exprimé « leur souhait de la poursuite de l’engagement militaire français dans le Sahel ». Si c’était l’attente inavouée du locataire de l’Elysée, l’on peut dire qu’il a été bien servi. Mais pouvait-il en être autrement ? Rien n’est moins sûr. Car, en mettant dans la balance le retrait éventuel de ses troupes dans un environnement sécuritaire mal maîtrisé par les pays du Sahel, Emmanuel Macron n’offrait pas véritablement beaucoup de choix aux chefs d’Etat africains.
L’une des mesures fortes, est le recentrage des opérations militaires sur « le triangle de la mort »
Et face au péril, l’on peut comprendre qu’à leur corps défendant, les présidents du G5 Sahel aient accepté de ravaler leur fierté et leur orgueil pour éviter d’exposer davantage leurs populations, d’autant que leurs armées peinent déjà à faire face à la situation sur le terrain. N’en déplaise aux souverainistes africains ou prétendus tels, qui devraient plutôt se trouver un autre terrain de lutte contre la « France impérialiste ». La seule fausse note dans cette solidarité affichée au continent, est la volonté de Washington de réduire sa présence militaire dans la région. Macron saura-t-il convaincre Trump du contraire ? C’est le wait and see.
En attendant, l’une des mesures fortes de ce sommet de Pau, est le recentrage des opérations militaires sur « le triangle de la mort » que représente la région des trois frontières (Mali, Burkina, Niger) considérée comme l’épicentre des attaques terroristes, avec un commandement conjoint Barkhane/G5 Sahel pour diriger les opérations. Ainsi que le déploiement des forces spéciales européennes de la « Task force Takuba » qui viendront renforcer le dispositif de la force française à laquelle elles seront intégrées. De quoi troubler le sommeil des terroristes, principalement de l’EIGS (Etat islamique au grand Sahara) qui a été clairement identifié comme la principale cible à abattre dans la région. La peur va-t-elle alors changer de camp ? Il faut l’espérer. Toutefois, en tenant un tel sommet à grand renfort de tapage médiatique tout en exposant la stratégie à adopter, l’on se demande si la France et ses partenaires du Sahel ne se tirent pas déjà une balle dans le pied et ne donnent pas l’occasion aux djihadistes de changer de stratégie. Quand on sait par exemple la forte capacité de mobilité des terroristes, l’on se demande s’ils ne vont pas déplacer leurs actions dans des zones jugées moins risquées pour eux, ou faire simplement profil bas en attendant une situation plus favorable.
Il appartient à nos Etats de travailler à sortir de leur position d’éternels assistés
D’autant qu’en se fixant ces objectifs, la France semble circonscrire son champ d’action et son intervention dans le temps ; action qui fera l’objet d’évaluation dans six mois pour décider de la suite. Va-t-on vers un retrait de Barkhane de ladite zone à cette échéance, sachant qu’elle n’a pas vocation à s’éterniser au Sahel ? S’il paraît un peu prématuré de répondre à cette question, il est tout aussi impératif, dans le même temps, de garder l’arme au pied sur les autres parties des territoires de ces pays, pour se donner des chances de réduire considérablement la voilure et la marge de manœuvre des terroristes dans la région. Il appartient aussi à nos Etats de travailler à sortir de leur position d’éternels assistés pour prendre enfin leur destin en main.
En tout état de cause, tout le mal que l’on souhaite aux pays du Sahel, c’est que les fruits de la sécurité et de la paix tiennent la promesse des fleurs du sommet de Pau qui doit marquer indubitablement un tournant dans la lutte contre le terrorisme dans cette région. Au-delà, l’on peut se convaincre que le Sahel est définitivement une zone hautement stratégique, où se jouent des guerres d’influence aussi bien sur les plan économique, diplomatique, militaire que géostratégique. Et si Paris se montre aussi irritable face au sentiment anti-français qui se développe au sein d’une certaine opinion dans la zone, cela ne semble pas anodin. Surtout, au moment où des voix et pas des moindres, s’élèvent de plus en plus dans les pays du Sahel, pour demander une diversification des partenaires quand certains n’appellent pas ouvertement à une rupture des relations avec l’ancienne puissance coloniale au profit d’autres partenaires. Ceci expliquerait-il cela ?
« Le Pays »