HomeA la uneSOUTIEN D’OSC AFRICAINES ET DE L’EGLISE A LA LUTTE DU PEUPLE TOGOLAIS : De l’eau sur les plumes d’un canard ?

SOUTIEN D’OSC AFRICAINES ET DE L’EGLISE A LA LUTTE DU PEUPLE TOGOLAIS : De l’eau sur les plumes d’un canard ?


politique est dans l’impasse. L’opposition, ragaillardie par l’adhésion massive des populations à sa lutte pour la démocratie, n’entend pas baisser la garde tant que Faure Gnassingbé ne va pas s’inscrire dans la logique de l’alternance en revenant purement et simplement à l’esprit et à la lettre de la Constitution de 1992. Cela suppose qu’au terme de son mandat, il doit obligatoirement débarrasser le plancher pour permettre à un autre Togolais de prendre le relais. Or, tout semble indiquer que le pouvoir n’est pas disposé à envisager des réformes de cette envergure.

Le temps pourrait davantage se gâter très prochainement au « royaume des Gnassingbé »

Résultat, l’opposition a claqué la porte du dialogue et a appelé à de nouvelles manifestations de rue qui, en principe, sont programmées pour se tenir à partir de mercredi prochain. Le temps donc pourrait davantage se gâter très prochainement au « royaume des Gnassingbé ». C’est dans ce contexte que l’opposition togolaise vient de bénéficier d’un soutien qui, quoique symbolique, vaut son pesant d’or. En effet, huit organisations africaines de la société civile, comme la Lucha de la République démocratique du Congo, Y’en a marre du Sénégal ou encore le Balai citoyen du Burkina, pour ne citer que les plus emblématiques, viennent de signer une déclaration commune en soutien au combat de l’opposition togolaise qui réclame des réformes constitutionnelles et le départ du président Faure Gnassingbé. Et l’Eglise catholique n’a pas été en reste, elle qui vient de se prononcer clairement pour le retour à la Constitution de 1992 et en faveur des réformes politiques exigées par l’opposition togolaise. L’on peut tout de suite saluer à sa juste valeur le soutien moral exprimé sans ambiguïté au peuple togolais, dans sa quête d’une démocratie digne de ce nom dans son pays. Car, ne n’oublions pas, depuis plus de 50 ans, les Togolais ont été gavés d’une démocratie en trompe-l’œil. Après le menu indigeste à eux servi par le père pendant près de 4 décennies, le fils, pratiquement par dévolution monarchique du pouvoir, s’est invité aux affaires. Pour mieux faire passer la pilule, il l’a enrobée d’un scrutin en 2005, qui avait brillé, on se rappelle, par son caractère franchement gondwanais, c’est-à-dire par les intimidations, l’instrumentalisation de l’Administration et les fraudes massives à ciel ouvert. Pour s’imposer aux Togolais après cette honte, Faure Gnassingbé n’avait pas hésité un seul instant à chausser les bottes de son père en réprimant dans le sang en 2005, bien de ses compatriotes. Pour apaiser la situation, il s’était engagé, en 2006, à l’occasion de la table ronde de Ouagadougou, à des réformes constitutionnelles allant dans le sens de la démocratie. En réalité, il s’agissait pour lui de gagner du temps pour mieux conforter les bases de la citadelle des Gnassingbé. Ce manège, l’opposition togolaise l’a compris.
C’est pourquoi le combat du peuple pour l’alternance ici et maintenant, est on ne peut plus légitime. L’on ne doit donc pas s’étonner que des organisations de la société civile africaine, comme Y’en a marre du Sénégal et le Balai Citoyen du Burkina, n’aient pas tergiversé pour apporter leur soutien au peuple togolais. En effet, l’on se souvient de l’immense travail abattu dans leurs pays respectifs, pour la promotion de la démocratie et contre l’arbitraire. Abdoulaye Wade et Blaise Compaoré en savent quelque chose. Que ces organisations de la société civile africaines et l’Eglise catholique togolaise se montrent solidaires de la juste et noble lutte du peuple togolais qui n’a jamais connu la joie de goûter à l’alternance véritablement démocratique, s’inscrit dans l’ordre naturel des choses.

S’il ne tenait qu’aux médiateurs, aucun peuple africain ne s’affranchirait de ses chaînes

Cela dit, l’on peut se poser la question de savoir si ce soutien ne va pas s’apparenter à de l’eau qui coule sur les plumes d’un canard. Et pour cause. Faure Gnassingbé donne l’impression de n’avoir pas encore compris que le Togo ne vit pas sur une autre planète et que son pays n’est pas immunisé contre la soif de changement exprimée par bien des peuples d’Afrique. De ce point de vue et fort du soutien que ne manqueront pas de lui apporter tous ceux qui sont accrochés à ses basques pour se la couler douce, le président togolais pourrait être tenté de faire dans la répression, comme l’avait toujours fait son père, pour étouffer la colère du peuple togolais. Et il n’est point besoin d’être devin pour savoir qu’une telle posture risque d’être suicidaire pour lui. Car, le temps où les Togolais chantaient et dansaient à la gloire du lutteur de Pia, du nom du village des Gnassingbé, est révolu. Aujourd’hui, c’est une nouvelle génération constituée en majorité de jeunes Togolais qui n’ont rien à perdre à affronter les balles de la soldatesque. Et comme « cabri mort n’a pas peur de couteau », cette armée de chômeurs, de désœuvrés, de sans-culottes, bref de toutes les victimes de la gouvernance des Gnassingbé, est capable de soulever des montagnes. Faure Gnassingbé peut-il avoir la lucidité de comprendre cela ? C’est tout le mal qu’on lui souhaite. En tout cas, le temps ne joue pas en sa faveur. Et c’est le lieu de dénoncer l’attitude de tous ceux qui viennent de s’ériger en médiateurs pendant que le peuple togolais, désabusé, s’apprête à monter à l’assaut de la forteresse des Gnassingbé. Si ces messieurs avaient eu le nez creux d’interpeller Faure Gnassingbé au moment où celui-ci était en train de réunir les ingrédients de son pouvoir à vie, ils auraient plus rendu service au Togo. Aujourd’hui, leurs voix pourraient ne pas être audibles auprès du peuple togolais. Et il n’aurait pas tort. Car, s’il ne tenait qu’à ces médiateurs devant l’Eternel, aucun peuple africain ne s’affranchirait de ses chaînes. Ce grand enseignement, le peuple burkinabè l’a compris et s’est assumé. Et Faure Gnassingbé, tout comme tous ceux qui sont en train de brandir la pseudo légalité pour soutenir l’idée selon laquelle leur champion tire la légitimité de son pouvoir, de la Constitution, est dans la posture de celui qui se chatouille pour rire. Mais comme le dit le poète français, « rira bien qui rira le dernier ».

« Le Pays »


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