HomeA la uneTRIPATROUILLAGE CONSTITUTIONNEL EN OUGANDA : Vive Museveni 1er !

TRIPATROUILLAGE CONSTITUTIONNEL EN OUGANDA : Vive Museveni 1er !


Après 32 ans de pouvoir sans partage et du haut de ses 73 ans, l’homme fort de Kampala, Yoweri Museveni, n’a pas trouvé mieux à faire en ce début d’année que de promulguer le texte levant la limite d’âge fixée jusque-là à 75 ans, pour être candidat à la présidentielle. Cette promulgation à la vitesse grand V, intervient après l’adoption du texte, le 20 décembre dernier par le Parlement, au terme de débuts houleux qui ont dégénéré en pugilat entre    ceux qui croient dur comme fer que Museveni est l’Alpha et l’Oméga de l’Ouganda et   ceux qui ne  jurent que par l’alternance démocratique à la tête de l’Etat. Naturellement, la promulgation du texte par le plus grand bénéficiaire du tripatouillage de la Constitution, est venue consacrer la victoire des premiers sur les seconds. Depuis donc ce 2 janvier, les choses sont devenues officielles. En effet, Yoweri Museveni pourra se présenter pour un nouveau mandat en 2021, à moins que la nature n’en décide autrement. Ainsi donc, après la suppression de la limite du nombre de mandats en 2015, l’homme est allé jusqu’au bout de sa logique de s’accrocher au pouvoir aussi longtemps qu’il aura un souffle de vie, en sautant tout simplement la limite d’âge. Et pour parvenir à ses fins, Museveni n’a pas hésité un seul instant à concéder une prime de 8000 dollars par tête, aux députés qui ont voté en faveur de la réforme. Le principal enseignement que l’on peut tirer de cette débauche d’espèces sonnantes et trébuchantes, est que sous nos tropiques, les dictateurs savent se montrer généreux quand il s’agit de délier les cordons de la bourse à  l’effet de se cramponner à leur trône. Ainsi donc, Yoweri Museveni vient de remporter sans coup férir la bataille de la légalité constitutionnelle, à coup d’achat de consciences de députés de son pays. Il s’ouvre ainsi un boulevard tranquille pour régner à vie sur l’Ouganda.

La dynastie des Museveni est en gestation avancée

Et cela n’est point étonnant, puisqu’à ses yeux, l’Ouganda est sa « bananeraie ». L’on se souvient, en effet, de cette petite phrase assassine avant la dernière présidentielle en 2016 : « Comment pourrais-je quitter une bananeraie que j’ai plantée et qui commence à donner des fruits ? », avait à l’époque, lancé Yoweri Museveni. Le moins que l’on puisse dire c’est que le propriétaire du verger devant l’Eternel, semble désormais en passe de tenir son pari, c’est-à-dire, jouir de sa « bananeraie », pour des siècles et des siècles. En tout cas, le maître de Kampala est dans une posture qui rappelle celle du roi soleil en France, c’est-à-dire Louis XIV. Ce monarque n’avait pas craint, à l’époque où il était aux affaires, de marteler ceci : « L’Etat, c’est moi ». L’on peut faire le parallèle avec l’attitude de Yoweri Museveni en disant ceci :  « L’Ouganda, c’est Yoweri Museveni, point barre». Et depuis 1986, date à laquelle il s’est imposé aux Ougandais par les armes, il est dans ce paradigme de gestion de son pays. Il a travaillé pendant son long règne à faire en sorte que l’Ouganda ne respire que par une seule narine, sa narine à lui. Si fait que l’opposition y est pratiquement inexistante. Le seul opposant qui ose pointer le bout du nez de manière épisodique, est le malheureux Kizza Besigyé qui, dans le passé, a d’ailleurs été son médecin personnel. Et depuis qu’il a eu l’outrecuidance de basculer dans l’opposition, l’on ne compte plus le nombre de fois qu’il a passé dans les geôles de son ancien mentor. Et non content d’avoir réussi l’exploit de réduire son opposition à un rôle symbolique de faire-valoir, il s’est entouré d’une garde prétorienne à la tête de la laquelle il a nommé l’un de ses fils. Et la probabilité est forte que ce fils lui succède   un jour au trône. La dynastie des Museveni est donc en gestation avancée. Avec la promulgation du texte qui vient de lever la limite d’âge pour être candidat à la présidentielle et au regard du fait que le tyran s’est investi à neutraliser toute forme d’opposition politique dans son pays, l’on peut avoir envie de dire que l’Ouganda est en train de réunir les ingrédients pour renouer avec le Buganda de la dynastie des Mutesa, du nom de la famille qui a régné sur l’Ouganda avant que le pays devienne une République en 1967 avec Milton Obote. Depuis lors, l’Ouganda n’a jamais goûté à la joie de la démocratie. L’on avait eu la faiblesse de croire qu’après la parenthèse sanglante de l’ubuesque Idi Amin Dada, le révolutionnaire Yoweri Museveni refermerait  la page sombre de l’histoire politique du pays, pour en ouvrir une autre faite de liberté et de démocratie. Mais 32 ans après, le désenchantement est total. Pire, l’ancien libérateur s’est mué, au fil des ans, en véritable prédateur aux dents acérées des libertés individuelles et collectives. Pour tout dire, il se comporte en véritable Kabaka de l’Ouganda, c’est-à-dire Roi de l’Ouganda. Vive donc Museveni 1er en attendant Museveni II que son fils a de fortes chances de devenir. Pour l’instant, l’on peut avoir l’impression que le peuple ougandais s’est résigné, face aux excès de Museveni. Et ce qui le rend davantage orphelin, est l’attitude quasi-silencieuse  de la communauté internationale devant le  mépris de la démocratie de l’homme fort de Kampala. Mais après tout, l’on peut se poser la question de savoir si le monde dit civilisé se préoccupe de la démocratie chez les Bantous.

Pousdem Pickou


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