HomeA la uneVERDICT DANS LE PROCES DU PUTSCH MANQUE:Et si la réconciliation nationale devait passer par là?

VERDICT DANS LE PROCES DU PUTSCH MANQUE:Et si la réconciliation nationale devait passer par là?


On a assisté, hier 2 septembre 2019, à l’épilogue, du moins en première instance, du procès fleuve des personnes mises en cause dans l’affaire du putsch manqué de septembre 2015, qui a tenu le Burkina Faso en haleine dix-huit mois durant. Comme depuis le début de l’instruction à la barre, c’est dans l’imposante salle des banquets de Ouaga 2000 que le verdict a été prononcé en fin de matinée par le président du tribunal militaire, Seyidou Ouédraogo, en présence évidemment des accusés et de leurs conseils, des avocats des parties civiles et du public venu plus nombreux que d’habitude pour ne pas se faire conter l’événement. Au terme d’une semaine de délibérations, les jurés de la Chambre criminelle ont reconnu la majorité des accusés coupables des faits qui leur sont reprochés, et ont prononcé les peines qu’ils estiment être, selon leur intime conviction, justes à leur encontre.

Ainsi, le Général de brigade Gilbert Diendéré, considéré comme le cerveau du putsch, a écopé de 20 ans de prison ferme, une peine plutôt clémente par rapport à la perpétuité requise par le parquet militaire. Un avis qui n’est évidemment pas partagé par cet ancien baron de l’armée burkinabè et du régime de Blaise Compaoré, qui a vainement tenté de convaincre le tribunal qu’il n’était pour rien dans la préparation et l’exécution de l’attentat à la sûreté de l’Etat, mais qu’il s’y était plutôt impliqué juste pour canaliser la fougue des officiers subalternes et des soldats du rang qui avaient arrêté et séquestré les autorités de la Transition.

Des arguments aériens et d’un simplisme effarant, selon le parquet militaire et les avocats des parties civiles, qui ne pouvaient pas absoudre le Général, comme l’a, du reste, confirmé le verdict rendu hier. Comme on pouvait s’y attendre, la peine qui lui a été infligée a été diversement appréciée, beaucoup de nos compatriotes et pas seulement les victimes du putsch, l’ayant trouvé particulièrement clémente alors que pour les conseils de l’accusé, on a assisté à un imbroglio juridique où les fautes de procédures et les irrégularités ont jeté une ombre sérieuse sur le caractère équitable de ce procès à l’issue duquel leur client ne pouvait être qu’injustement condamné.

Espérons que la fin de ce procès éloignera définitivement la politique de nos casernes

La trompette du déni de justice a été également embouchée par les avocats de la quasi-totalité des autres accusés, et notamment par ceux de l’autre officier Général, Djibrill Bassolé en l’occurrence, qui écope lui, de 10 de prison ferme, au lieu de la prison à vie requise contre lui par le parquet militaire. Les deux Généraux et 13 autres officiers et sous-officiers ont également été déchus de leurs décorations ; ce qui est loin d’être anodin ou anecdotique pour ces hommes de tenue qui ont accumulé des médailles et non des moindres, souvent au péril de leur vie, au cours de leurs longues carrières.

Outre Diendéré et Bassolé, les principaux exécutants du pronunciamiento du 15 septembre 2015, vont aussi payer pour leur forfaiture et c’est le chef d’orchestre, l’Adjudant-chef major Eloi Badiel, qui a été le plus lourdement sanctionné puisqu’il devra séjourner pendant dix-neuf ans à la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA), en compagnie de ses hommes de main que sont Moussa Nébié alias Rambo, Nion Jean Florent (17 ans de prison chacun), Zerbo Laoko Mohamed, Sanou Ali et Roger Koussoubé (15 ans chacun), alors que les adjudants Michel Birba et Ouékouri Kossè se voient infliger 10 ans comme peine privative de liberté.

Les hommes politiques les plus connus soupçonnés d’être impliqués dans le putsch que sont Herman Yaméogo, Léonce Koné et Salifou Sawadogo ont été également reconnus coupables, mais s’en sortent avec 5 ans de prison avec sursis pour chacun, alors que le journaliste Adama Ouédraogo dit Damis a rejoint la MACA pour le même nombre d’années, mais dont il faudra déduire le temps de sa détention provisoire. Sept des accusés se sont tirés, pour ainsi dire, à bons comptes, puisqu’aucune charge n’a été retenue contre eux. On peut citer, entre autres, le colonel Omer Bationo, le capitaine Saidou Gaston Ouédraogo et l’Adjudant-chef major Coumbia Moutuan, mais c’est surtout l’ancien Bâtonnier Mamadou Traoré et Dame Fatoumata Thérèse Diawara qui vont certainement rendre grâce à Dieu pour cet acquittement, alors qu’ils avaient été particulièrement malmenés par le parquet militaire et les avocats des parties civiles lors de leur passage à la barre.

Certains de leurs coaccusés qui avaient pourtant bénéficié, pour ainsi dire, de la magnanimité de l’accusation et des témoins, n’ont pas eu cette chance, comme le Commandant Aziz Korogo qui assurait l’intérim du Commandant du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) au moment des faits, le Sergent-chef Bouda Mahamoudou qui a assuré la garde des autorités de la Transition détenues au camp Naaba Koom, ou encore le Caporal Dah Sami qui assurait la sécurité du Général Diendéré. Tous espéraient sortir libres de la salle d’audience, mais c’est plutôt à la MACA qu’ils ont passé la nuit pour avoir été reconnus coupables de certains faits qui leur étaient reprochés. Les capitaines Abdoulaye Dao et Zoumbri Oussène qui étaient à l’époque des faits de hauts responsables du RSP, reprennent également la route de la case prison (11 ans chacun), de même que le Lieutenant-colonel Mamadou Bamba qui s’est vu infliger dix ans de détention dont la moitié avec sursis.

Au total, ce verdict rendu hier, voit la conclusion de la première étape seulement de l’affaire puisqu’il y a un recours possible à travers une saisine à titre individuel et dans un délai de quinze jours, de la Cour de cassation. Nous allons devoir donc vivre encore pour quelque temps, avec ce gigantesque dossier, car il est évident que ces condamnés, notamment militaires, perdront non seulement leur liberté, mais aussi leurs galons avec la fin de leur carrière militaire. Quoiqu’on dise, c’est une énorme perte pour notre pays qui a consenti des sacrifices pour former ses fils afin de le défendre le cas échéant, surtout actuellement où il est victime d’attaques tous azimuts, et qui se voit contraint de les mettre sur la touche, parce que ces derniers ont enfreint les règles et manqué à leurs obligations. Espérons que la fin de ce procès ouvrira les portes de la réconciliation nationale à travers des remises de peines en faveur de ces frères qui avaient, à un moment donné, emprunté le mauvais chemin, et éloignera définitivement la politique de nos casernes afin que l’armée redevienne véritablement républicaine et se consacre uniquement à sa mission principale qui est de défendre le territoire et le peuple burkinabè en toute circonstance.

 

Sidzabda


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