HomeA la uneVICTOIRE DE FRANÇOIS FILLON : Le triomphe de la droite décomplexée

VICTOIRE DE FRANÇOIS FILLON : Le triomphe de la droite décomplexée


 

Les primaires de la droite française ont connu leur épilogue à l’issue du duel du second tour qui a opposé Alain Juppé à François Fillon. L’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy dame le pion à son challenger avec le score sans appel de 66,5% des suffrages selon les résultats partiels portant sur 10 008 bureaux de vote (sur un total de 10 229).  Et à dire vrai, cette large victoire, pour le moins que l’on puisse dire, est sans surprise.  Et pour cause. D’abord, cette victoire s’inscrit dans la dynamique du premier tour. En rappel, François Fillon l’avait emporté au premier tour avec 44% des voix. Un score très important qui l’avait immédiatement placé comme le favori du second tour. Un statut qu’il a confirmé durant toute la semaine de l’entre-deux-tours en se posant déjà comme le candidat de la droite à l’élection présidentielle, concentrant ses attaques sur la gauche au pouvoir et le Front national (FN) de Marine Le Pen. Ensuite, ce quasi-plébiscite est aussi imputable à l’appel déterminant  de Nicolas Sarkozy à voter pour François Fillon.  Au premier tour, François Fillon avait récolté près de 1,9 million de voix. Il a avoisiné, pour le second tour, les 3 millions.

Fillon incarne aujourd’hui les aspirations de la droite française

Sur le plan comptable, il est donc indéniable qu’une part importante des électeurs de l’ancien président de la République (qui avait récolté 886 137 voix) ont voté pour le député de Paris. Mais plus que toute autre raison, la victoire de Fillon s’explique par le fait qu’il incarne aujourd’hui les aspirations de la droite française et de bon nombre de Français voire d’Européens qui, face à la montée du péril sécuritaire et migratoire, ne font plus mystère de leurs penchants pour la droite. Incarnant l’anti-hollandisme, il a été largement servi par l’impopularité du locataire du palais de l’Elysée  dont les tâtonnements économiques et les discours peu rassurants face à la peur des Français, n’ont fait qu’apporter de l’eau à son moulin. Enfin, cette victoire de Fillon est aussi celle d’un d’homme dont la sérénité et la franchise tranchent avec les discours déjà entendus des vieux loups de la scène politique française. C’est donc la victoire personnelle d’un homme soutenu par une équipe dynamique de parlementaires et d’élus. Après donc ce raz-de- marée électoral savamment concocté,  Fillon dispose désormais de toute la légitimité et de la stature pour porter les couleurs de la droite à l’élection présidentielle de 2017. Et au regard de sa cote actuelle de popularité, il est bien parti pour être le prochain président de la République française, même si les récents évènements,  avec l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche, recommandent plus que de la prudence face aux sondages.  Mais il devrait bien se garder de toute fanfaronade et garder bien en place la tête sur les épaules car le plus dur reste à venir. D’abord, parce le match avec la gauche n’est pas gagné d’avance. Ce n’est plus qu’un secret de Polichinelle qu’il était le challenger de la droite  souhaité de François Hollande et il n’est pas exclu que des militants de la gauche, par stratégie, aient volontairement gonflé l’électorat de la primaire dans l’intention de mettre sur orbite l’adversaire préféré. Ensuite, barrer la route au FN de Marie Le Pen en pleine expansion en raison de ses discours populistes et ce,  dans un contexte européen marqué par l’ascension des partis d’extrême-droite, ne sera pas une sinécure.  En plus des inévitables ballottages que le navire Fillon devra donc affronter du fait de ses adversaires, il devra aussi réussir le pari de faire prendre la mayonnaise à l’intérieur de sa propre famille politique en conciliant les valeurs de la droite avec les idées fortes du centre. Vue d’Afrique, la victoire de Fillon à la primaire de droite et sa probable arrivée aux affaires sont suivies avec une pointe d’inquiétude. On se souvient que la dernière présidence de la droite avec Nicolas Sarkozy, s’était illustrée par des considérations européocentristes avec à la clé un interventionnisme militaire sur fond d’intérêts inavoués comme en Libye ou en Côte d’Ivoire. Il est à craindre que le retour au pouvoir d’une droite ultra-libérale, qui n’entend que le langage des affaires, ne vienne, au nom des intérêts économiques de la France, refréner l’élan démocratique amorcé sur le continent depuis la révolution du Jasmin en Tunisie.

Il est temps que le continent africain fasse preuve de maturité en adoptant le mode des primaires

L’inquiétude est d’autant plus fondée que Fillon ne fait pas mystère de sa proximité avec le président russe, Vladimir Poutine, pour qui la démocratie et les droits de l’Homme sont le cadet des soucis. La trilogie Fillon-Poutine-Trump serait fatale aux aspirations démocratiques dans le monde et plus particulièrement à celles des peuples d’Afrique qui mènent déjà des expériences bien difficiles.  Il faut, en outre, craindre le durcissement de la législation visant à limiter l’immigration dans le pays. Car, il faudrait s’attendre à voir des charters bourrés d’Africains, être  déversés dans des aéroports. S’il y a toutefois un enseignement à tirer de l’organisation de cette primaire à la droite française, c’est la leçon de démocratie qu’elle apporte au continent. Bien souvent, en Afrique, la scène des élections est envahie par une nuée de loufoques qui ne peuvent se réclamer d’aucune appartenance idéologique et qui rendent totalement illisible le champ politique. Il est plus que jamais temps que le continent africain fasse preuve de maturité en adoptant le mode des primaires pour la désignation des candidats à la magistrature suprême. La volonté populaire ne serait que mieux exprimée et les projets de société portés par les candidats mieux mis en avant pour éclairer le choix des peuples. Encore faut-il que pour cela, les partis politiques cessent d’être les propriétés privées des individus et acceptent de faire l’expérience de la démocratie interne. Sans cet effort du saut dans la rationalité, il ne faudrait pas s’étonner que Fillon, porté par la droite au pouvoir, ne vienne tenir, conformément à la ligne tracée par ses devanciers de la même mouvance, des discours du genre « la démocratie est un luxe pour l’Afrique » ou «  l’homme noir n’est pas encore suffisamment entré dans l’histoire. »

SAHO


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