HomeA la uneVISITE DE MACRON EN ALGERIE : Le ton n’était pas le même qu’à Ouaga

VISITE DE MACRON EN ALGERIE : Le ton n’était pas le même qu’à Ouaga


Après sa randonnée en Afrique de l’Ouest, le président français Emmanuel Macron, est de retour sur le continent. En effet, depuis hier, 6 décembre 2017, il effectue une visite de travail et d’amitié en Algérie. L’agenda du voyage prévoit, entre autres, le dépôt d’une gerbe de fleurs par l’hôte du président Aziz Bouteflika au Mémorial du martyr, érigé en 1982 à l’occasion du 20e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, un déjeuner avec plusieurs personnalités algériennes connues dans l’Hexagone et un tête-à-tête avec son homologue algérien. L’ordre du jour comporte ainsi une importante dimension mémorielle et culturelle, des questions d’intérêt économique et  des préoccupations sécuritaires. La visite ne devrait durer que quelques heures avant que le locataire du palais de l’Elysée reprenne son bâton de pèlerin pour le Qatar. Mais en attendant, on peut faire le constat suivant. Le format de la visite du président Macron, initialement prévu dans le jargon diplomatique pour être une visite d’Etat, a été ré-calibré  en une simple visite de travail et d’amitié. L’argument officiel qui sert d’explication à cet alésage, est l’état de santé que l’on sait difficile du président algérien.

La démocratie est constipée en Algérie

En effet, selon l’un des médias de la place, «  cette requalification de la visite, qui a surpris nombre d’observateurs, permettra à l’hôte de l’Algérie de ne pas s’astreindre à un programme contraignant, qui mettrait mal à l’aise les autorités algériennes, compte tenu des difficultés évidentes du président Bouteflika d’assumer les charges d’un protocole laborieux et exigeant du fait de sa maladie ». Mais, l’on imagine assez aisément les raisons officieuses de ce changement brusque : le souci a sans doute été d’éviter les questions qui fâchent, notamment la question de la démocratie. Car on le sait, la démocratie est constipée en Algérie avec un président à la limite sénile et perclus dans un fauteuil roulant, mais qui reste accro au pouvoir. Mais, l’autre question qui fâche que les Algériens ne pourront pas éluder, c’est le double jeu qu’ils jouent dans le septentrion malien, car, comme on le sait, Alger continue d’offrir gîte et couvert à des sanguinaires comme Iyad Al Ghali et bien d’autres de cet acabit. Sur ce dernier point, le dossier libyen et la lutte contre les groupes terroristes actifs dans le Sahel préoccupent particulièrement le président français, comme l’a souligné son entourage. Quoiqu’il en soit, la requalification de la visite n’a pas manqué de créer la polémique, d’aucuns reprochant à Macron de n’avoir pas respecté la tradition de ses prédécesseurs qui ont toujours honoré d’une visite d’Etat l’Algérie. Mais, l’on rassure du côté de l’entourage du président français que ce dernier serait ouvert à une visite d’Etat en bonne et due forme ultérieurement. Cela dit, quel sens peut-on donner à cette visite-éclair du premier des Français en Algérie ? Au plan personnel, l’on le sait, le candidat Macron avait séjourné dans l’ambiance de la campagne électorale à Alger et y avait qualifié la colonisation de crime contre l’humanité avant de se rebiffer quelque temps plus tard sous les coups de boutoir de l’extrême droite française.

Les deux Etats partagent une longue histoire commune

L’ambition était donc de profiter de la « fraîcheur de ce souvenir » pour poursuivre la nouvelle lune de miel entre la France et l’Alger. C’est pour mettre en exergue l’amitié qui caractérise cette nouvelle séquence franco-algérienne, que l’on a insisté sur l’importante dimension mémorielle et culturelle. Au-delà de ce regain d’amitié lié à des considérations personnelles, les deux Etats partagent une longue histoire commune même si l’on sait qu’elle a été des plus mouvementées avec l’épisode bien connue de la guerre d’indépendance de l’Algérie. De nombreux Français ont des racines algériennes et vice-versa. L’autre motif du voyage et pas des moindres, c’est le potentiel économique considérable de l’Algérie dans tous les domaines et qui attire une concurrence internationale de plus en plus forte, notamment des entreprises chinoises. C’est pour faire de la place à la France dans cette nouvelle ruée vers l’Algérie que le président Macron a amené avec lui un important gotha d’hommes d’affaires dont Xavier Niel, patron de Free et actionnaire de HuffPost, Bruno Blin, président de Renault Trucks, Racem Flazei, co-fondateur et président de la start-up LegalPlace et Aïcha Mokdahi, présidente d’Essilor Vision Foundation. Enfin, comme nous l’avons relevé plus haut, les questions sécuritaires constituent l’autre question d’intérêt commun aux deux Etats. Car, faut-il le rappeler, les forces françaises sont engagées à travers Barkhane dans la lutte contre les groupes terroristes qui écument la bande sahélo-saharienne à partir du sanctuaire libyen. Au regard de tous ces intérêts par lesquels Algériens et Français se tiennent, l’on devine clairement que Macron, au risque d’être un contre-exemple pour son Discours de Ouagadougou, ne pouvait pas avoir la même liberté de ton à Alger.  Et la question que l’on peut subséquemment se poser est la suivante : quel message, lui qui incarne le changement et la jeunesse, peut-il envoyer aux jeunes Algériens ?

« Le Pays » 


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